«Tout le projet de pipeline Énergie-Est est désavantageux pour le Québec, économiquement et environnementalement.» Mario Beaulieu, président du Bloc québécois, est monté sur le rocher de Cacouna pour observer les travaux de forage de TransCanada, en vue de l’installation d’un port pétrolier. Ce faisant, le nouveau chef réaffirme l’orientation prise par son parti à Rimouski ce printemps, à l’effet que le Bloc «prenne la tête de l’opposition au développement de l’industrie pétrolière».
Le nouveau chef du Bloc québécois a tenu à gravir le sentier de randonnée jusqu’au sommet du promontoire rocheux qui surplombe le port de Gros-Cacouna, où TransCanada entend construire un terminal pétrolier destiné à l’exportation du pétrole albertain. «Pour l’environnement, c’est un projet qui est complètement invraisemblable, s’enflamme Mario Beaulieu en pointant les barges de forage installées dans le fleuve en contrebas. Ici, c’est une pouponnière de bélugas, un écosystème extrêmement riche et fragile, alors c’est le pire endroit où on pourrait installer un port pétrolier.»
«Tout déversement ici serait catastrophique, entraînerait des coûts énormes simplement pour décontaminer, insiste-t-il, en ajoutant que l’intérêt économique n’y est pas. On nous dit que 200 emplois seront créés, mais ça va occasionner des pertes d’emplois dans les secteurs touristiques, pour ceux qui travaillent dans le Parc marin, dans le secteur agricole. L’économie du Québec est basée sur l’énergie renouvelable, l’avenir, alors que l’économie du Canada est basée sur le pétrole et l’industrie automobile.»
C’est aussi l’avis de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, qui s’exprimait en fin de semaine dans le cadre du congrès destiNation: Nouvelles idées. Nouveau départ: «Les intérêts du Canada et les intérêts du Québec sont totalement opposés, a-t-il illustré, précisant que le transport et les voies navigables sont de compétence fédérale. Voulez-vous bien me dire ce que ça représente comme intérêt économique, pour les Québécois, le tuyau qui va aller au port de chargement de pétrole à Gros-Cacouna? Une poignée d’emplois, presque rien. C’est tout automatisé maintenant. Il n’y a pas d’emplois là-dedans, il n’y a aucun intérêt. On n’a pas d’intérêt économique, et on prend tous les risques écologiques. C’est absurde.»
«L’industrie de l’observation des baleines sur les deux rives génère des retombées économiques de 200 millions $ et crée l’équivalent de 2300 emplois à temps plein», a confirmé Martin Poirier, porte-parole de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, invité à prendre le micro lors de la conférence de presse tenue par le Bloc le même jour sur ce sujet.
M. Poirier a tenu à préciser que la mobilisation contre le projet de TransCanada est tout d’abord venue des citoyens, qui ont formé le mouvement Stop Oléoduc. Le projet est contraire au Plan de développement 2013-2018 du Bas-Saint-Laurent, qui prévoit de «participer activement aux efforts de lutte et d’adaptation aux changements climatiques», a-t-il souligné. «On nous dit que l’oléoduc sera en fonction en 2018. Je ne peux pas croire qu’à la fin du plan d’action, on va accepter d’abandonner tous les efforts qu’on va avoir mis pour les prochaines années.»
«La voie de l’avenir, résume M. Beaulieu, c’est se donner un plan de transition pour devenir indépendant du pétrole. Au Québec, on est déjà une société qui est basée beaucoup sur le développement durable, sur les énergies vertes, c’est là qu’est notre avenir économique et environnemental.» En marge du Sommet sur le climat, qui se déroule actuellement à New-York, un groupe d’investisseurs dont font partie les héritiers Rockefeller, une des plus grandes fortunes pétrolières, ont d’ailleurs annoncé qu’ils s’engageaient à réorienter «50 milliards de dollars de placements pétroliers vers d’autres domaines pour soutenir la lutte contre les changements climatiques» au cours des cinq prochaines années.
Mario Beaulieu dresse un parallèle entre les impacts environnementaux, sociaux et économiques des orientations fédérales. «En ce moment, on a un gouvernement de droite, qui est axé sur la répression plutôt que sur la réhabilitation, qui est plutôt axé sur le profit d’une minorité que sur le bien commun.» Le chef du Bloc dénonce aussi l’effritement du financement fédéral dans de nombreux secteurs, notamment les coopératives. «Les coopératives, c’est vraiment une façon d’aller vers un développement social, vers une responsabilité sociale, vers le bien commun.»
«Pour ce qui est de l’environnement, on donne priorité au pétrole albertain, qui est un pétrole extrêmement coûteux à raffiner et extrêmement polluant. On essaie de nous l’imposer. Le passage du pétrole a été bloqué vers les États-Unis et la Colombie-Britannique et on essaie de le faire passer ici par le fleuve Saint-Laurent, qui est une de nos plus grandes richesses. 40% de notre eau potable dépend du Saint-Laurent, rappelle-t-il, et là, on y ferait passer 40% de la production des sables bitumineux de l’Alberta?»
«Il faut vraiment se mobiliser pour contrer ce projet-là, tonne Mario Beaulieu. Ce n’est que le début de l’action du Bloc québécois dans ce dossier. On va également aider à la mobilisation. Je pense que ça va nécessiter une mobilisation majeure.»
Le leader indépendantiste n’a pas manqué de décocher quelques flèches à son plus proche rival au Québec, le Nouveau parti démocratique (NPD). «Les députés du NPD font des interventions très timides, juge-t-il. On aimerait qu’ils se prononcent plus clairement dans ce dossier-là. Au Bloc québécois, nous, on s’oppose à tout transport de matières dangereuses qui pourrait affecter l’intégrité du territoire québécois.»
Reprenant les mots de Martin Poirier, le chef du Bloc québécois a conclu que, «il y a des années, on a voulu faire de nous des porteurs d’eau. Nous, on va tout faire pour qu’on ne fasse pas de nous des porteurs de pétrole bitumineux.»
Enregistrement intégral de la conférence de presse