Face à la crise énergétique, si les multinationales privées incarnent le statu quo, car elles détiennent des intérêts financiers dans l’exploitation des carburants fossiles, les coopératives s’investissent au contraire dans les alternatives en bioénergie.
Julien Boucher est coordonnateur Recherche et développement à la Coopérative de développement régional (CDR) Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, la seule dotée d’un tel service au Québec. Son mandat est de découvrir les nouvelles avenues de développement durable pour les coopératives et les communautés.
L’autonomie énergétique, selon le chercheur, implique en premier lieu une réduction de la consommation, puis une efficacité de l’énergie qui est consommée, et enfin une production avec le potentiel local, qui peut être un potentiel de biomasse, de gras animal, d’huiles végétales, de l’autoproduction etc. «On a une multitude de petites opportunités locales, qui peuvent permettre de combler une partie des besoins locaux, avec une production locale et une consommation locale, en circuit court.»
Le guide Biocarburants ou bioénergies? Vers une solution coopérative, publié en 2011 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), en partenariat avec la CDR Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, Nature Québec, la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) et la Coop Fédérée, fait état des plus récents projets en la matière. On y retrouve autant les stratégies développées par les coopératives forestières et agricoles que des détails sur des projets coopératifs locaux, surtout au Bas-Saint-Laurent.
«La meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas»
Quelle que soit l’alternative en biocarburant, pour produire la plus petite quantité d’énergie nécessaire, il faut d’abord avoir réduit sa consommation, et le potentiel est aussi infini que l’est actuellement le gaspillage d’énergie. M. Boucher cite à ce sujet la récente étude sur une communauté de 300 habitants dans la Minganie, où plus de 45% de la facture globale en énergie est représentée par le carburant. «Cette partie là, c’est celle sur laquelle on peut le plus agir pour essayer de réduire la consommation énergétique des gens. J’ai un collègue qui a réussi, simplement en appliquant les principes de l’écoconduite automobile, à économiser 47% de carburant, ce qui est non négligeable puisqu’il habitait à une soixantaine de km du bureau.»
Selon M. Boucher, les alternatives en bioénergie sont une voie prometteuse mais complexe, tant au niveau de l’accès à la matière première (collecte de résidus) que de la disponibilité technologique. Ces technologies sont développées pour les grands projets industriels et nécessitent des économies d’échelles importantes.
Le mouvement coopératif, qui représente un secteur financier important au Québec, pourrait être un levier pour surmonter ces obstacles. «Il y a de très belles choses qui sont faites au niveau de la Coop Fédérée, confie M. Boucher avec enthousiasme. Notamment l’utilisation du biodiesel coloré par les agriculteurs, tout comme les politiques d’approvisionnement responsables et de développement durable chez Desjardins. On se place en position d’utilisateur, ou d’intermédiaire, et il y a de très belles choses qui sont aussi à faire du côté de la production pour soutenir les projets locaux et multiplier les projets en circuits courts.»
Les grandes coopératives et fédérations, contrairement aux entreprises privées, peuvent investir avec plus de souplesse dans ces projets, car elles ne sont pas soumises à l’obligation de fournir un rendement de 15% à des actionnaires. Leur mandat est plutôt de répondre aux besoins de leurs membres, incluant les retombées environnementales, économiques et sociales des projets pour les communautés.
Une stratégie d’intercoopération
La CDR Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord est en train de mettre en place, avec sept coopératives en énergies renouvelables, la Coopérative de services experts en énergies renouvelables (CoopERE), dont l’objectif est de réunir au sein d’une même structure les promoteurs coopératifs de projets et les membres experts. La nouvelle structure permettra de développer et d’incuber les projets au sein même de CoopERE, et d’y partager l’information à l’interne pour multiplier les projets dans les autres communautés, sans être obligé de refaire et de payer à nouveau les mêmes études.