Trois-Pistoles, journal Ensemble — Voter coop, c’est possible? Mercredi dernier, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) adressait ses demandes aux candidats à l’élection générale du 4 septembre. Le journal Ensemble a interrogé les principaux partis politiques pour connaître leurs engagements. Jean-Martin Aussant, chef d’Option nationale (ON), Benoît Charette, candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Deux-Montagne, Jean-François Lisée, candidat du Parti québécois (PQ) dans Rosemont, François Saillant, candidat de Québec solidaire (QS) dans Rosemont et François Tremblay, candidat de la Coalition pour la constituante (CPC) dans Taschereau, ont répondu à l’appel.
«Géant économique, nain politique», le mouvement coopératif est reconnu comme l’un des facteurs qui ont permis au Québec de traverser la crise de 2008 sans s’effondrer. Les experts s’entendent sur l’importance de développer considérablement ce secteur. «Les coopératives et les mutuelles contribuent activement à la réalisation des objectifs économiques et sociaux d’un gouvernement, explique Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM). Elles doivent donc bénéficier de conditions favorables leur permettant de déployer leur capacité de développement et leur assurer l’équité de traitement par rapport aux autres entreprises. Nous avons sept propositions qui peuvent aider l’État à stimuler l’économie, à répondre aux nouveaux besoins de la société, à créer des emplois et de la prospérité durable».
Les sept propositions du mouvement coop
- 1. Investir dans des programmes d’innovation coopérative pour apporter des réponses originales aux nouveaux besoins de la société québécoise : fonds pour le développement de la biomasse et autres énergies renouvelables, groupes de médecine familiale (GMF) Coop pour les services de santé de première ligne, appui au maintien des services de proximité, intégration des entrepreneurs issus de l’immigration, habitation avec services pour les aînés, etc.
- 2. Appuyer la relève d’entreprises sous forme coopérative pour les travailleurs et les communautés.
- 3. Maintenir les expertises au développement et à la consolidation des coopératives par des politiques et des ententes de partenariat à long terme avec le milieu coopératif et mutualiste.
- 4. Offrir des mesures fiscales et des outils de capitalisation adaptés aux coopératives (Régime d’investissement coopératif, Ristourne à impôt différé, Fonds de co-investissement Coop, etc.).
- 5. Intégrer dans le cursus scolaire le modèle coopératif à tous les niveaux d’enseignement.
- 6. Adapter les cadres règlementaires pour s’assurer de la capacité des acheteurs publics, gouvernementaux et municipaux, de convenir de contrats de gré à gré ou d’appels d’offres avec les entreprises coopératives et autres entreprises d’économie sociale.
- 7. Inclure les coopératives dans toutes les mesures et tous les programmes gouvernementaux dédiés aux entreprises.
Pour Jean-Martin Aussant, chef d’Option nationale, la solution est de créer la Banque de développement du Québec. «Investissement Québec, les CLD, les SADC, tout ce qui est développement économique et qui est sous divers chapeaux en ce moment, on regrouperait ça sous une seule entité pour avoir un guichet unique et pour simplifier la paperasse et les démarches.» L’économie traditionnelle y serait «sur le même pied que l’économie sociale, les coopératives, les mutuelles etc.», ce qui aurait un effet transversal sur «tous les ministères qui vont faire affaire avec la Banque du Québec». Le candidat de Nicolet-Bécancour ajoute que «dans la crise de 2008, les organismes économiques qui ont le mieux survécu sont tous ceux qui étaient coopératifs, qui ne sont pas sujets à des fluctuations en bourse ou à la spéculation».
Benoît Charette, député sortant de Deux-Montagne et candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans le même comté, indique que la CAQ mise sur le logement social et souhaite y faire une place pour les coopératives d’habitation. «C’est une formule de logement abordable que l’on souhaite développer, donc tout le volet coopérative d’habitation», explique-t-il. «Tout au long de la campagne, François [Legault] a mis beaucoup l’accent sur l’entrepreneuriat, mais on considère l’économie sociale comme étant une forme intéressante d’entrepreneuriat. Elle permet un développement du capital humain, notamment auprès de personnes qui ont certaines déficiences, certains handicaps et certaines limitations, ça demeure un plateau d’intégration qui est certainement intéressant, sans compter l’originalité des produits eux-mêmes qui peuvent être développés par ce type d’entreprises. Donc tout le volet de développement de l’entrepreneuriat de notre plateforme s’applique également aux entreprises d’économie sociale.» Pour faciliter le transfert d’entreprise, pas seulement avec la formule coop, la CAQ propose des crédits d’impôts. «On parle d’une franchise de 750000$, notamment au niveau agricole. On veut donner des moyens, du capital de risque, aux entreprises d’économie sociale, et ça on veut vraiment le faire à travers les CLD en revisitant leur mandat et surtout leur capacité d’action.»
Jean Charest, interrogé par les correspondants Charles Laviolette et Michel Beausoleil lors d’un passage à Saint-Raymond de Portneuf, leur a confié ses commentaires sur les coopératives: «C’est une des caractéristiques de notre économie. On a été parmi les premiers à nommer l’économie sociale, qui a toujours existé mais qui n’a pas toujours été reconnue, nommée et structurée. Nous on a fait des efforts très importants pour qu’on puisse l’appuyer financièrement. On appuie beaucoup les groupes communautaires et les ministères chez nous, on s’est fait une politique d’achat d’organismes d’économie sociale justement pour les soutenir et on va continuer à en faire une ligne de force au Québec. On y croit beaucoup, c’est pour nous un enrichissement de notre société que d’avoir dans notre économie des contributions qui sont multiples, qui viennent de tous les horizons. L’économie sociale, à l’avenir aussi ça va continuer à jouer un rôle important.»
Le premier ministre sortant souligne que «le mouvement coopératif, c’est un mode d’intervention qui est différent, qui est davantage la propriété de la communauté et qui pourrait, dans un domaine comme la santé par exemple, trouver des applications très intéressantes. Avec le vieillissement de la population, on a un défi au Québec. On a beaucoup d’entreprises qui, par le vieillissement des propriétaires, vont faire l’objet de transmission. Ça nous inquiète, c’est une préoccupation parce que comment on va faire pour s’assurer que c’est transmis et qu’on puisse continuer à prospérer. Le modèle coopératif, encore là, peut être un choix intéressant.» Jean Charest s’était engagé en début de campagne à protéger le patrimoine entrepreneurial québécois. Le programme électoral des Libéraux ne mentionne toutefois les coopératives qu’au sujet d’un produit financier permettant aux citoyens d’investir dans le Plan Nord.
Conférencier à plusieurs reprises dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, Jean-François Lisée invitait encore récemment le mouvement coopératif à identifier cinq enjeux sur lesquels les candidats à la prochaine élection devront se prononcer, et à inviter leurs huit millions de membres au Québec à voter en conséquence (voir la vidéo du CQCM ci-après et notre article du même auteur). Aujourd’hui candidat péquiste dans Rosemont, l’auteur proposait notamment une obligation légale d’étudier l’option coopérative en cas de fermeture ou de rachat d’entreprise, donc un droit de premier rachat pour les travailleurs et travailleuses. Il était également en faveur de l’octroi de contrats gouvernementaux à de nouvelles coopératives pour «produire un compétiteur qui vient de l’économie sociale» dans des secteurs où la concurrence n’est pas suffisante, notamment les travaux publics. M. Lisée a demandé qu’on lui transmette le communiqué du CQCM et il n’a pas encore rappelé le journal Ensemble pour confirmer si ces idées devenaient des engagements de son parti. Nous ferons la mise à jour s’il rappelle avant le jour du scrutin.
François Saillant, candidat de Québec Solidaire dans Rosemont, parle d’un «effort colossal à faire de ce côté-là», qui est une priorité décrite dans le Plan Vert, document déposé par QS pour répondre au Plan Nord. Il propose notamment de revoir le mandat de la Caisse de dépôt et de placement pour qu’elle investisse dans les entreprises collectives, beaucoup plus sûres que les PCAA qui ont apporté des pertes de 40 milliards lors de la crise de 2008. Le candidat solidaire souhaite aussi que les institutions publiques «favorisent l’achat chez des entreprises collectives et notamment des coopératives. Il y a là un levier important qui pourrait permettre un développement de davantage d’entreprises collectives et de coopératives.» Québec solidaire promet 50000 logements sociaux sur une période de 5 ans, dont «une très grande partie sous la forme d’OSBL et de coopératives d’habitation».
François Tremblay, candidat de la Coalition pour la constituante dans Taschereau, a pour seul engagement de convoquer les citoyens en assemblée constituante pour réformer les institutions démocratiques. «Dans une constitution, on décrit le fonctionnement, la répartition des pouvoirs, mais aussi les grandes valeurs. Au Québec, une valeur qui a fait sa marque, c’est l’idée de coopération et l’approche coopérative.» Il croit donc que les valeurs coopératives vont s’imposer dans la rédaction d’une constitution, ce qui leur donnerait préséance sur les lois et les législateurs.
Avec Charles Laviolette et Michel Beausoleil