Trois-Pistoles — Troisième étape de ma wannabe libération de l’automobile, le site de covoiturage Avec pas d’char est entré en ligne samedi. Après avoir réglé le problème des transports interurbains et celui des transports locaux réguliers, il me fallait plus de souplesse. Le covoiturage permet de me rendre tous les jours au village. Je le teste pour vous, et je vous invite à bord.
«Essaie donc de te passer de ton char, pour voir», m’avait lancé un député en marge d’une entrevue, il y a presque un an. Je lui avais demandé combien de temps ça prendrait pour sortir le Québec du pétrole. Les gouvernements de ce siècle, l’ancien comme le nouveau, et celui d’avant, ont tous en commun d’avoir favorisé les projets pétroliers. Comme si, pour apprendre à s’en passer, il en fallait de plus en plus. J’ai donc pris au mot le député: me passer de mon char, pourquoi pas?
J’habite dans le fond d’un rang d’une campagne éloignée, avec deux enfants qui vont à une école non desservie par le transport scolaire. Je fais un métier chaotique, avec de nombreux déplacements imprévisibles et un horaire atypique. Si j’y arrive, tout le monde peut y arriver. Si tout le monde peut y arriver, pourquoi pas le Québec?
Covoiturer sans voiture?
Pour me passer de mon char, il faudra donc utiliser celui des autres. Quel paradoxe! On ne se libère pas de la dépendance à l’auto, mais on devient dépendant de l’auto des autres. De quelle autonomie parle-t-on?
Si le covoiturage est une solution, c’est parce que dans mon coin, les gens utilisent la voiture. C’est aussi pour ça que le transport collectif offre encore peu de trajets. Ce sont des vases communicants. Si le covoiturage a du succès et que de plus en plus de personnes délaissent l’automobile, moins de voitures seront disponibles, mais il deviendra alors rentable pour les autobus d’augmenter les fréquences et de multiplier les trajets.
Le site de covoiturage que j’ai mis en ligne samedi matin est très rudimentaire. C’est juste un petit réseau social permettant aux passagers et passagères d’entrer en communication avec les conducteurs et conductrices. Les conditions sont à leur discrétion.
La technologie m’ayant réservé certains bugs, j’ai même ajouté une page «À l’aide!» avec mes coordonnées, pour les personnes qui ont de la difficulté à s’inscrire sur le site. Il serait mieux de le remplacer bientôt par une plateforme plus fiable et professionnelle. Mais c’est un début. Les lecteurs et lectrices qui veulent y contribuer peuvent faire un don.
Le plus important, actuellement, c’est de l’utiliser. Il faut en démontrer l’importance pour la communauté. Ainsi, les partenaires locaux pourront décider d’investir pour doter la région d’un service de covoiturage plus élaboré, en attendant que le transport en commun suffise aux besoins de tous et toutes.
Pour ma part, la prochaine étape sera le partage de l’automobile. On s’y retrouve dans un prochain article!
CACOUNA —Alors même que 2500 personnes marchaient sur le port de Gros-Cacouna, samedi, pour réclamer l’arrêt définitif des travaux en vue de la construction du terminal pétrolier du projet Énergie-Est de TransCanada, une fuite de pétrole brut survenait aux installations de la raffinerie portuaire de Valero à Lévis, et un pétrolier destiné à l’exportation du pétrole des sables bitumineux croisait au large des Escoumins, en direction du port de Sorel-Tracy.
Au-delà du port pétrolier, c’est l’ensemble des projets pétroliers et particulièrement l’exportation du pétrole des sables bitumineux albertains que rejettent les 2500 manifestants et manifestantes (un nombre que les médias de masse ont coupé de moitié), dont une grande partie venait de la région. «2500 personnes à Cacouna, c’est comme 2 millions de personnes à Montréal», a illustré Yvan Roy, résident de Cacouna et rédacteur en chef du journal local Epik, qui suit activement le dossier.
Martine Ouellet, députée du PQ, est favorable à l’oléoduc d’Enbridge et opposée à celui de TransCanada. Le NPD est favorable à ce dernier dans l’Ouest, mais pas au Québec. Les manifestants sont opposés aux deux, aux trains et aux bateaux, et à Anticosti, bref: à tous les projets pétroliers. Vidéo: Nicolas Falcimaigne
Le mouvement est organisé par des groupes citoyens, comme les autres manifestations qui ont eu lieu ce printemps à ce sujet. Cette fois-ci, de nombreux représentants politiques ont insisté pour s’adresser à la foule. Même des partis qui se sont prononcés en faveur du projet ou qui soutiennent d’autres projets pétroliers étaient présents.
Anticosti et Enbridge, «C’est différent», dit le PQ
Malgré le soutien de son parti à l’exportation du pétrole albertain vers l’est, François Lapointe, député néodémocrate de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, tente de représenter ses électeurs du Québec préoccupés par le projet. «On a déposé une motion précise sur le projet de port pétrolier pour rejeter la construction d’un port pétrolier ici à Cacouna.» De son côté, le président du Bloc Québécois, Mario Beaulieu, dénonce le «double discours» du NPD: «M. Mulcair, au Canadian Club à Toronto, a dit qu’il appuierait pleinement le projet d’oléoduc vers l’est.» Le Bloc est opposé au projet depuis ce printemps.
Quatre députés du Parti québécois (PQ) étaient présents sur place. Lorsque ce parti était au pouvoir, il a autorisé l’inversion de la ligne 9 d’Enbridge et subventionné l’exploration pétrolière sur Anticosti.
«Là, on est seulement le tuyau pour les ressources de l’Alberta. Dans le cas d’Anticosti, c’est l’exploitation, à tout le moins, où les retombées sont potentiellement plus importantes pour le Québec, nuance Pascal Bérubé, député péquiste de Matane-Matapédia. À savoir si son parti tient toujours à Anticosti, il affirme qu’il faudra«réviser cette position-là. L’élection s’est déroulée, on a à réviser tout ça. Le gouvernement a décidé d’aller de l’avant, on va voir comment ça va se passer. Lorsqu’il y aura l’arrivée d’un nouveau chef, ça va être certainement le moment, avec le congrès, de réévaluer tout ça. Il y a de nouvelles informations qui sont apparues depuis notre annonce quand on formait le gouvernement, donc ça vaut la peine de reconsidérer et de ne pas avoir de position définitive là-dessus.»
Encore en réflexion sur sa candidature à la direction du Parti québécois, Martine Ouellet, porte-parole en matière de transports, d’électrification des transports et de stratégie maritime, n’y voit pas de contradiction. «Le Parti québécois n’a jamais été pour le projet de TransCanada. [lire ici sa position de septembre 2013] Les deux projets de pipelines sont deux projets complètement différents. Enbridge, c’est de l’inversion, mais c’est aussi pour le marché québécois.»
Contre toute forme d’exportation du pétrole
L’une des quatre militantes qui se sont enchaînées aux grilles de la raffinerie Suncor à Montréal pour dénoncer la mise en service de l’autre projet d’oléoduc, la ligne 9 d’Enbridge, Alyssa Symons-Belanger, est venue exprimer qu’elle est farouchement«contre toute forme de transport des sables bitumineux à travers le Québec».
C’est un élu, le maire de Saint-Siméon et préfet de Charlevoix-Est, qui a soulevé la foule. «Vous n’êtes pas tannés de vous faire dire quoi faire par des gens, des financiers, qui sont à l’extrémité de la Terre? On se fait imposer des choses, en région comme au Québec, alors que normalement on sait exactement de quoi on a besoin nous autres même, a tonné Sylvain Tremblay. Vous êtes les gardiens de notre avenir, les gardiens de nos enfants, qui sont présents ici. On ne peut pas se laisser faire pour imposer des choses comme ça. C’est non.»
«On va juste forer pour voir si ça va éventuellement déranger les bélugas, a ironisé l’humoriste Christian Vanasse, s’adressant à la foule. Et si ça les dérange, et qu’ils s’en vont, et qu’ils ne reviennent pas, là on pourra forer sans les déranger.»
«Au Québec, on est en train comme le Canada de virer en État pétrolier, s’est inquiétée Kim Cornelissen, consultante en énergies renouvelables. Trois des caractéristiques des États pétroliers, c’est que le gouvernement ne nous représente plus, c’est que les programmes sociaux vont tomber (ce qu’on est en train de voir avec la fameuse politique d’austérité), et le troisième, c’est qu’il y a de moins en moins d’intérêt pour les énergies renouvelables. Et si vous regardez ce qui se passe dans l’actualité actuellement, c’est exactement ça. On est en train de virer en État pétrolier.»
«Nous avons un devoir d’être des gardiens du bien commun et de la protection de notre territoire», a martelé Martin Poirier, porte-parole de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent. Il s’est dit «consterné de voir les positions que prend notre gouvernement», dénonçant que «le premier ministre Couillard, le lendemain du jugement [imposant l’arrêt des travaux], ose ajouter que les forages vont continuer à aller de l’avant, parce qu’on a besoin d’aller forer dans la pouponnière des bélugas pour réaliser une évaluation environnementale. Alors là, je dis: enlevons le titre de notre premier ministre et disons qu’il devient carrément un lobbyiste de TransCanada.»
La foule déferle sur le port de Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne
«J’aimerais que les médias comprennent une chose aujourd’hui: la résistance ne s’organise plus. La résistance est organisée, a affirmé Simon Côté, porte-parole de la coalition Stop-Oléoduc. Sachez que maintenant, l’énergie des milliers de citoyens dans les centaines de groupes à travers la province va se concentrer de moins en moins dans l’organisation, et de plus en plus dans l’action directe.»
Poursuite des travaux
Les 2500 personnes réunies à Cacouna ont exigé l’arrêt définitif des travaux, même après la fin de l’injonction, le 15 octobre. Les opérations devant permettre de connaître le fond marin où poser les assises de la jetée de 750 mètres avaient commencé avec des levés sismiques de 220 décibels ce printemps, et se poursuivent cet automne sous la forme de sondages géotechniques.
Ces forages doivent se dérouler pendant 95 jours à raison de 5 heures par jour. Pour procéder, la compagnie doit s’assurer qu’aucun mammifère marin n’est dans la zone, une surveillance qui nécessite une mer calme et libre de glaces.
Tout déversement de pétrole aurait des conséquences importantes dans le Saint-Laurent, en raison des courants et de la glace, qui empêcheraient de limiter les dégâts. Le chargement prévu de deux à trois superpétroliers par semaine implique aussi le déversement systématique de 60000 tonnes d’eaux de ballast par navire.
La mobilisation populaire bloque jusqu’à maintenant les projets d’oléoduc Northern Gateway (Enbridge) vers le Pacifique et Keystone XL (TransCanada) vers le golfe du Mexique. La croissance de 200% à 300% souhaitée par l’industrie des sables bitumineux en Alberta repose donc actuellement sur la capacité d’exporter le pétrole à travers le Québec, par train, par bateau, et principalement par oléoduc.
Mikaël Rioux et Martin Poirier, organisateurs, à l’entrée du port de Gros-Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne
On compte 1181 cas de femmes disparues ou assassinées depuis 30 ans, selon un rapport de la GRC rendu public ce printemps. C’est ce rapport qui a attiré l’attention des médias et du public sur un drame que les Premières Nations dénoncent pourtant depuis des années. Hier, à l’occasion de la Journée nationale d’action pour les femmes autochtones disparues ou assassinées, des vigiles se sont tenues au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde pour exiger du gouvernement fédéral la tenue d’une commission d’enquête nationale publique.
À l’orée du Sommet international des coopératives 2014, qui se tient à Québec cette semaine, de nombreux coopératistes ont répondu à l’appel du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui organisait dimanche et lundi le Rendez-vous Innovations et découvertes. Parmi les conférences et ateliers, une rencontre des coopératives de travailleurs de par le monde a retenu l’attention. Pour en savoir plus, Ensemble s’est entretenu avec Isabel Faubert Mailloux, conseillère stratégique au développement pour le Réseau de la coopération du travail du Québec.
Il est difficile de savoir ce qu’offre TransCanada aux conseils de bande de plusieurs nations autochtones pour passer l’oléoduc Énergie-Est sur leurs territoires ancestraux. La Première nation malécite de Viger a publiquement admis discuter avec la compagnie albertaine à propos du port de Cacouna. Selon l’organisation Stop Oléoduc de la Capitale-Nationale, il y aurait actuellement des discussions avec le conseil de bande Huron-Wendat de Wendake pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Combien vaut le territoire ancestral?
CACOUNA —Les travaux de forage ont été interrompus pendant la majeure partie de la journée hier à Cacouna. Malgré une météo favorable, la compagnie Transcanada a dû suspendre ses sondages géotechniques en raison de la présence persistante d’un groupe de petits rorquals. Ensemble a obtenu plus de mille photographies de baleines prises pendant toute la journée par l’observateur Mikaël Rioux, qui tient une vigile du site depuis le premier jour des travaux. Nous en avons sélectionné une douzaine.
Au cours des derniers jours, les conditions imposées par le certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement se sont précisées. Selon nos sources, c’est la présence de tout «mammifère marin», qu’il soit béluga, petit rorqual ou autre, dans la zone d’exclusion de 540 m qui doit déclencher l’arrêt des travaux.
Les barges de forage peuvent être déplacées par deux remorqueurs deux fois par semaine et un seul aller-retour est permis entre le port et les barges. C’est un des deux remorqueurs qui doit assurer le transport du personnel matin et soir. Les travaux doivent se faire entre 7h et 18h.
Transcanada transgresse les règles
Le 14 septembre, plus de cinq allers-retours ont été constatés par l’observateur Mikaël Rioux, photos à l’appui. Le 17 septembre, M. Rioux a pris plus de mille photos de petits rorquals et même d’un béluga qui ont occupé la zone d’exclusion pendant la majeure partie de la journée, causant l’arrêt des travaux.
À la lumière de ces faits, des groupes de citoyens ont déposé une seconde requête en injonction pour obtenir l’arrêt définitif des travaux. La cour s’est saisie de ce dossier cette semaine.
Les travaux de forage ont débuté à Cacouna en vue de la construction du port pétrolier de Trancanada. Malgré la demande de l’opposition officielle pour l’arrêt des travaux, autorisés par le gouvernement, la compagnie est allée de l’avant en déployant une barge dans la zone identifiée comme «pouponnière à béluga» par les spécialistes. Le gouvernement a réaffirmé ce matin la rigueur des protections mises en place pour protéger les mammifères marins. Selon un observateur présent sur les lieux, Mikaël Rioux, un groupe de petits rorquals se trouvait à l’entrée du port pendant les travaux.
La barge de forage est arrivée à Cacouna. Les travaux portent sur l’étude du fond marin, en vue de la construction du port pétrolier et de son quai de 500 m, au bout duquel deux pétroliers de 240 m doivent s’amarrer.
La compagnie Transcanada a la responsabilité de surveiller la zone pour s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 m au moment des forages. Elle doit aussi arrêter les travaux quand des bélugas se trouvent à proximité et mettre en place un moyen pour les détecter. Il lui faut respecter le niveau de bruit subaquatique (moins de 120 décibels à 540 m) lors des forages et respecter le bruit maximal de 45 décibels aux limites de la résidence la plus proche. Enfin, le trafic maritime doit se limiter à un seul aller-retour quotidien entre la plateforme et la rive. Pourtant, les remorqueurs ne semblent pas avoir remarqué le groupe de baleines qui circulaient sur leur chemin à l’entrée du port de Gros-Cacouna.
Les remorqueurs ne semblent pas avoir remarqué le groupe de baleines qui circulaient sur leur chemin à l’entrée du port de Gros-Cacouna. Vidéo: Mikaël Rioux
Les forages, 16 sondages géotechniques réalisés pour connaître le fond marin où sera ancré le quai du terminal pétrolier, doivent durer cinq heures par jour pendant 95 jours. Le terminal de Transcanada fait partie du projet d’oléoduc Énergie-Est, un nouveau pipeline qui doit acheminer 1,1 million de barils de pétrole de l’Ouest canadien dès 2018. Le terminal de Cacouna prévoit un site de stockage de pétrole brut comptant une douzaine de réservoirs (lire notre dossier).
La barge de forage est positionnée par deux remorqueurs pour les travaux de forage. Photo: Greenpeace/Mikaël Rioux
En comptant ce projet et l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge, approuvé par le gouvernement Harper plus tôt cette année, c’est 1,4 million de barils de pétrole brut de l’Ouest qui pourraient transiter chaque jour par le Québec. Sans attendre la réalisation de ces projets, la compagnie Suncor a déjà commencé l’exportation par train et par bateau à partir de Sorel. En cinq ans, on a observé une croissance de 28000% du transport de pétrole par train. La même croissance est attendue pour les prochaines années, et la réalisation ou non des projets d’oléoducs aurait peu d’impact sur ce phénomène, affirment plusieurs experts.
L’exportation est une condition nécessaire à la croissance de l’industrie pétrolière albertaine des sables bitumineux, qui prévoit doubler et même tripler sa production au cours des prochaines années, ce qui la porterait à trois et même près de cinq millions de barils par jour.
Les remorqueurs sont passés à proximité du groupe de petits rorquals pour rentrer au port après la journée de travaux. Photo: Greenpeace/Mikaël Rioux
En début de semaine, plusieurs députés de l’opposition officielle (Parti québécois) avaient demandé au gouvernement d’arrêter les travaux, arguant que le certificat d’autorisation a été émis à la compagnie albertaine avant la tenue d’un BAPE. Le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, avait promis en mai que le BAPE évaluerait le projet de TransCanada. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a répondu en faisant l’éloge du projet, allant jusqu’à prétendre qu’il générerait «des centaines et des centaines d’emplois» et des «retombées de plusieurs milliards de dollars».
Retombées économiques
Un rapport produit par un cabinet d’experts en énergie évalue le nombre d’emplois directs à 2764 pendant la construction du projet, et à 203 en phase d’exploitation. Si l’apport au PIB de la province est estimé à 6,4 milliards de dollars sur 46 ans, soit 138 millions par année, aucune redevance n’est prévue à part les taxes municipales et autres charges fiscales, et le porte-parole du projet pour Transcanada, Philippe Cannon, a refusé de préciser à Ensemble quels sont les profits prévus par la compagnie pour ce projet de 12 milliards.
Début septembre, les groupes citoyens opposés au projet ont tenté d’obtenir une injonction pour empêcher la tenue des travaux, alors que ni Transcanada ni la Direction des sciences de Pêches et Océans Canada n’avaient fourni d’avis scientifique.
South-Portland s’oppose à l’exportation
Les autres projets d’exportation du pétrole albertain par oléoduc se heurtent à une féroce opposition. L’inversion de l’oléoduc Portland-Montréal s’est vu interdire définitivement en juillet par la municipalité de South Portland, deuxième port pétrolier en importance de la côte est américaine. En Colombie britannique, les communautés autochtones tiennent en échec le projet Northern Gateway d’Enbridge, et les citoyens des États-Unis ont jusqu’à maintenant empêché la construction du projet Keystone XL de Transcanada, auquel l’administration Obama retarde son autorisation depuis plusieurs mois.
«Tout le projet de pipeline Énergie-Est est désavantageux pour le Québec, économiquement et environnementalement.» Mario Beaulieu, président du Bloc québécois, est monté sur le rocher de Cacouna pour observer les travaux de forage de TransCanada, en vue de l’installation d’un port pétrolier. Ce faisant, le nouveau chef réaffirme l’orientation prise par son parti à Rimouski ce printemps, à l’effet que le Bloc «prenne la tête de l’opposition au développement de l’industrie pétrolière».
Lors d’une sortie en mer, vendredi dernier, à l’occasion du festival environnemental Échofête, l’équipe du journal Ensemble a repéré un pétrolier qui pourrait être l’un des premiers bateaux destinés à l’exportation du pétrole lourd des sables bitumineux à partir de Sorel-Tracy. À quelques brasses de là, un grand nombre de bélugas ont été observés et photographiés. Deux rencontres mémorables.
À l’ancre en face de Trois-Pistoles, en attente de l’autorisation et du pilote requis pour naviguer sur la voie maritime du Saint-Laurent, un immense pétrolier se distingue par un détail: il flotte bien plus haut que sa ligne de flottaison. Est-il vide? Notre équipe intriguée photographie le bâtiment. Au-dessus du traditionnel et sage avertissement, «No smoking», une autre inscription semble vouloir repousser les limites de l’ironie: «Protect the environment».
Quelques jours plus tard, Radio-Canada révèle que la compagnie Suncor a commencé à la mi-juillet l’exportation du pétrole lourd issu des sables bitumineux de l’Alberta, en l’acheminant par train au port de Sorel-Tracy, où il est chargé sur des pétroliers.
Cette multiplication de la circulation du pétrole dans les deux sens sur le fleuve menace d’autant plus ses habitants, les ressources et ses riverains, car il s’agit aussi d’un pétrole lourd plus dangereux encore pour l’équilibre fragile de l’écosystème laurentien, a expliqué à maintes reprises Émilien Pelletier, professeur spécialisé en chimie et écotoxicologie à l’Institut des sciences de la mer (ISMER) de Rimouski. En raison des courants cycliques du fleuve et du golfe, tout incident aurait des conséquences beaucoup plus durables que les accidents en haute mer. Si un déversement survenait pendant l’hiver, a souvent insisté le chercheur, il serait impossible à endiguer.
Les nombreux bélugas observés dans la zone ont étonné l’équipe d’Ensemble par leur familiarité et par leur vulnérabilité. Photo: Nicolas Falcimaigne
À Saint-André de Kamouraska, une florissante entreprise de transformation des produits du littoral a commencé à étiqueter ses produits, vendus partout au Québec: «Produit menacé par le développement pétrolier dans le St-Laurent». Claudie Gagné, propriétaire des Jardins de la mer, rencontrée lors du festival Échofête, explique qu’une marée noire serait désastreuse pour toute l’économie reliée au fleuve, qui fait vivre les régions de l’Est du Québec, avec des milliers d’emplois.
Des produits du terroir sont dorénavant marqués d’un avertissement: «Produit menacé par le développement pétrolier dans le St-Laurent». Photo: Nicolas Falcimaigne
La pression de l’industrie pétrolière pour l’exportation de son pétrole et la croissance de l’extraction albertaine semble à son comble au Québec, alors que les projets d’oléoducs sont bloqués en Colombie-Britannique et aux États-Unis (lire notre dossier).
Lundi, le conseil municipal de Cacouna, face à une salle comble de citoyens venus déposer une pétition de 25000 signatures contre le projet de terminal pétrolier de Transcanada, refusait encore de s’y opposer. Selon plusieurs scientifiques, le projet de port pétrolier serait une grave menace pour la survie des bélugas du Saint-Laurent, qui se reproduisent à cet endroit (lire notre article).
C’est aussi à la faveur de l’été que le gouvernement a adopté la semaine dernière un règlement controversé pour la protection de l’eau potable. C’est un règlement qui, laissent entendre plusieurs analystes, protège davantage l’industrie pétrolière contre l’eau potable que l’inverse (lire la lettre parue dans nos pages).
Une vingtaine de photos exclusives prises lors de cette sortie en mer
«Artiste», c’est ainsi que se définit la journaliste Pascale Charlebois, correspondante du journal Ensemble à Rouyn-Noranda. C’est la littérature qui l’a amenée au journalisme, mais aussi au théâtre, aux arts visuels, à l’écriture, à l’enseignement et aux métiers d’art.