Les travaux de forage ont débuté à Cacouna en vue de la construction du port pétrolier de Trancanada. Malgré la demande de l’opposition officielle pour l’arrêt des travaux, autorisés par le gouvernement, la compagnie est allée de l’avant en déployant une barge dans la zone identifiée comme «pouponnière à béluga» par les spécialistes. Le gouvernement a réaffirmé ce matin la rigueur des protections mises en place pour protéger les mammifères marins. Selon un observateur présent sur les lieux, Mikaël Rioux, un groupe de petits rorquals se trouvait à l’entrée du port pendant les travaux.
La barge de forage est arrivée à Cacouna. Les travaux portent sur l’étude du fond marin, en vue de la construction du port pétrolier et de son quai de 500 m, au bout duquel deux pétroliers de 240 m doivent s’amarrer.
La compagnie Transcanada a la responsabilité de surveiller la zone pour s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 m au moment des forages. Elle doit aussi arrêter les travaux quand des bélugas se trouvent à proximité et mettre en place un moyen pour les détecter. Il lui faut respecter le niveau de bruit subaquatique (moins de 120 décibels à 540 m) lors des forages et respecter le bruit maximal de 45 décibels aux limites de la résidence la plus proche. Enfin, le trafic maritime doit se limiter à un seul aller-retour quotidien entre la plateforme et la rive. Pourtant, les remorqueurs ne semblent pas avoir remarqué le groupe de baleines qui circulaient sur leur chemin à l’entrée du port de Gros-Cacouna.
Les forages, 16 sondages géotechniques réalisés pour connaître le fond marin où sera ancré le quai du terminal pétrolier, doivent durer cinq heures par jour pendant 95 jours. Le terminal de Transcanada fait partie du projet d’oléoduc Énergie-Est, un nouveau pipeline qui doit acheminer 1,1 million de barils de pétrole de l’Ouest canadien dès 2018. Le terminal de Cacouna prévoit un site de stockage de pétrole brut comptant une douzaine de réservoirs (lire notre dossier).
En comptant ce projet et l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge, approuvé par le gouvernement Harper plus tôt cette année, c’est 1,4 million de barils de pétrole brut de l’Ouest qui pourraient transiter chaque jour par le Québec. Sans attendre la réalisation de ces projets, la compagnie Suncor a déjà commencé l’exportation par train et par bateau à partir de Sorel. En cinq ans, on a observé une croissance de 28000% du transport de pétrole par train. La même croissance est attendue pour les prochaines années, et la réalisation ou non des projets d’oléoducs aurait peu d’impact sur ce phénomène, affirment plusieurs experts.
L’exportation est une condition nécessaire à la croissance de l’industrie pétrolière albertaine des sables bitumineux, qui prévoit doubler et même tripler sa production au cours des prochaines années, ce qui la porterait à trois et même près de cinq millions de barils par jour.
En début de semaine, plusieurs députés de l’opposition officielle (Parti québécois) avaient demandé au gouvernement d’arrêter les travaux, arguant que le certificat d’autorisation a été émis à la compagnie albertaine avant la tenue d’un BAPE. Le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, avait promis en mai que le BAPE évaluerait le projet de TransCanada. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a répondu en faisant l’éloge du projet, allant jusqu’à prétendre qu’il générerait «des centaines et des centaines d’emplois» et des «retombées de plusieurs milliards de dollars».
Retombées économiques
Un rapport produit par un cabinet d’experts en énergie évalue le nombre d’emplois directs à 2764 pendant la construction du projet, et à 203 en phase d’exploitation. Si l’apport au PIB de la province est estimé à 6,4 milliards de dollars sur 46 ans, soit 138 millions par année, aucune redevance n’est prévue à part les taxes municipales et autres charges fiscales, et le porte-parole du projet pour Transcanada, Philippe Cannon, a refusé de préciser à Ensemble quels sont les profits prévus par la compagnie pour ce projet de 12 milliards.
Début septembre, les groupes citoyens opposés au projet ont tenté d’obtenir une injonction pour empêcher la tenue des travaux, alors que ni Transcanada ni la Direction des sciences de Pêches et Océans Canada n’avaient fourni d’avis scientifique.
South-Portland s’oppose à l’exportation
Les autres projets d’exportation du pétrole albertain par oléoduc se heurtent à une féroce opposition. L’inversion de l’oléoduc Portland-Montréal s’est vu interdire définitivement en juillet par la municipalité de South Portland, deuxième port pétrolier en importance de la côte est américaine. En Colombie britannique, les communautés autochtones tiennent en échec le projet Northern Gateway d’Enbridge, et les citoyens des États-Unis ont jusqu’à maintenant empêché la construction du projet Keystone XL de Transcanada, auquel l’administration Obama retarde son autorisation depuis plusieurs mois.