Jan 132012
 

Sur le coup de midi trente, à l’hôtel de Ville de Lévis et simultanément en webdiffusion dans quatorze villes du Canada, a eu lieu hier le lancement officiel de l’Année internationale des coopératives, décrétée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Un grand nombre de leaders du mouvement coopératif (1 400 en webdiffusion) se sont réunis pour y entendre Kathy Bardswick, présidente directrice-générale de Co-operators (en direct de Calgary, Alberta), et Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction de Desjardins (en direct de Lévis, Québec), ainsi que des représentants des gouvernement fédéral et provincial.

Cette Année des coopératives sera ponctuée d’initiatives multiples dans les quelque 9 000 coopératives du Canada (plus de 3 000 au Québec), mais plus particulièrement dans chaque région du Québec par un forum régional mettant en valeur ces initiatives. En juin, le Québec sera l’hôte d’un congrès des associations coopératives canadiennes, et le Sommet international organisé par le Mouvement Desjardins à Québec du 8 au 11 octobre 2012 attirera 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom, dont des titulaires du Prix Nobel.

« Pour ce lancement, nous voulions mobiliser l’ensemble des coopératives et des réseaux coopératifs à travers le Canada. On souhaitait vraiment que tout le monde se sente relié entre les provinces, que ce soit dans le grand Nord, dans l’Ouest canadien, dans les Maritimes, ou ici à Lévis, qui est le berceau de la coopération, on a tous entendu ce message : on est ensemble, et on travaille ensemble pour transformer le monde et faire des coopératives basées sur un monde meilleur. », précise Hélène Simard, présidente directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM).

Francine Ferland, présidente de la Fédération des Coopératives de développement régional du Québec (FCDRQ), souhaite que l’Année 2012 permettra de mettre en évidence le rôle des CDR dans la mise sur pied des coopératives. C’est particulièrement le cas face au défi de la relève d’entreprise, qui nécessitera la création de nombreuses coopératives de travailleurs actionnaires (CTA). « On pense qu’assurer la relève d’entreprise par la formule coopérative va contribuer à garder la propriété de ces entreprises au Québec. »

Si l’ambiance était à la fête en ce jour de lancement, les représentants du mouvement coopératif ont aussi évoqué l’instabilité du contexte mondial dans lequel prend place cette année thématique. Dans un discours bilingue, Mme Leroux a rappelé que « le monde change. La technologie et les moyens de communication ont transformé la vision du village global en réalité. Cette plus grande intégration apporte un grand nombre de défis » (notre traduction).

Les coopératives représentent un milliard de membres à travers le monde. Le septième de l’humanité, tous âges confondus, dans tous les secteurs d’activité. Les 300 plus grandes coopératives au monde, dont huit sont canadiennes, ont généré un volume d’affaires de 1 600 milliards de dollars américains en 2008, soit plus que le PIB du Canada, douzième économie mondiale la même année. 100 millions de personnes occupent un emploi au sein de l’une des 750 000 entreprises coopératives ou mutualistes de par le monde. Le mouvement coopératif et mutualiste constitue donc à la fois une force économique majeure et probablement la plus grande représentation démocratique mondiale existant actuellement.

Jan 122012
 
Demain, qui gouvernera le monde?, par Jacques Attali, est paru en 2011 aux Éditions Fayard. Illustration de couverture

À quelques jours du début de l’Année des coopératives, 2012, certains auront trouvé au pied du sapin le dernier ouvrage de Jacques Attali, Demain, qui gouvernera le monde ?, paru chez Fayard en 2011. À travers un fulgurant voyage dans l’histoire des empires et des puissances qui ont tour à tour scellé le destin de leur temps, l’ancien conseiller politique de François Mitterrand dresse le terrifiant bilan d’un monde de plus en plus complexe et incontrôlable, soumis à des intérêts de plus en plus fragmentés. Il y démontre l’absolue nécessité d’établir une démocratie mondiale pour faire face aux défis énormes de notre siècle, trop lourds pour être convenablement pris en charge par le marché ou par les États. Comment trouver une voie entre ces deux obstacles pour permettre aux « citoyens du monde » de prendre leur place ?

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Déc 082011
 
Les Presses du Fleuve, à Montmagny, sont le dernier bastion de l'imprimerie indépendante des journaux à l'Est de Montréal. Une Coopérative de travailleurs actionnaire y regroupe les employés. Photo: N.Falcimaigne

Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.

Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.

La presse en crise d’adolescence

La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.

Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?

L’information, poumon de la démocratie

Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)

L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?

La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.

Remettre l’économie au service de l’information

L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.

Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).

Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.

 

Déc 062011
 
En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Photo: Recma

En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Le rédacteur en chef de Recma, revue internationale de l’économie sociale souhaitait y « mesurer les limites de l’économie sociale et solidaire, présenter des pistes pour une critique du capitalisme, puis inviter à une mise en question radicale en proposant des voies de réflexion et d’action générale. » Rejoint par le journal Ensemble, il a confié sa vision des enjeux sur lesquels porteront la tournée de forums régionaux de l’Année des coopératives au Québec. Voici la seconde des deux parties de cette entrevue, dont la première est parue hier.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Lors de la Conférence internationale de Lévis, en septembre 2010, Felice Scalvini a défini le concept de « biodiversité entrepreneuriale ». Cette approche justifie-t-elle des alliances entre les entreprises d’économie sociale et des partenaires privés, et comment réussir de tels partenariats?

Jean-François Draperi : Il me semble essentiel de distinguer d’une part les entreprises privées de proximité, qui, pour le dire vite, s’inscrivent dans le cadre d’une production de biens et services et d’un échange marchand, et, d’autre part, les grandes sociétés de capitaux qui visent ou s’appuient sur la rémunération des capitaux.

Tout ou presque est à faire entre l’économie privée de proximité et l’économie sociale, qui sont complémentaires. L’une des difficultés actuelles réside dans le fait que les financements publics s’assèchent, dans l’action culturelle ou dans l’action sociale, et que les financements privés qui prennent le relais sont susceptibles de fixer des conditions de financement nouvelles. La venture philanthropy ambitionne d’accompagner les bénéficiaires de leurs dons dans la gestion et parfois dans la définition du projet. C’est à cette vigilance que doivent s’exercer les structures de l’économie sociale qui sont en relation avec de nouveaux partenaires économiques afin de veiller à ce que leur projet, leur professionnalité, leur organisation interne, etc ; ne se déplacent pas et ne se banalisent pas.

Il ne sont pas seuls pour y faire face. Le monde syndical incarne, de façon différente mais depuis longtemps, cette confrontation. Il y a une complémentarité à redécouvrir entre les revendication syndicale et l’alternative économique que propose l’économie sociale.

Enfin, les termes d’un rapprochement avec l’économie publique sont également à reconstruire. Les biens communs et les services d’intérêt général ne devraient pas faire l’objet d’appropriation privée et de spéculation et leur gestion devrait être strictement de nature publique ou sociale. Un champ immense d’activités se présente avec la gestion de l’eau, des transports, des sols, de nouvelles monnaies alternatives, etc.

Nous connaissons tous la pression que la gestion capitaliste exerce sur les activités des collectivités publiques et des groupements de personnes : à travers la mise en concurrence des associations, la restriction des budgets publics, l’obligation de suivre des règles assurantielles et bancaires qui mettent en cause la solidarité, la comptabilité exclusivement conçue pour exprimer le rendement des actions (sous le doux vocable de « juste valeur »), la gestion des collectivités, des hôpitaux et des administrations qui reprend le même cadre conceptuel que les sociétés de capitaux, les conséquences directes ou indirectes de cette gestion : marchandisation toujours plus forte de la santé, accroissement des inégalités de traitement, destruction de la planète, etc. Cette gestion à laquelle nous sommes contraints rend toujours plus périlleux le respect de nos valeurs et principes les plus essentiels.

Pour contrer cette forme d’invasion, il faut non seulement innover au niveau de l’entreprise, il faut également se donner des règles et des normes alternatives, et peut-être ne pas oublier que dans certaines situations, les coopérateurs du monde entiers ont fait usage de la désobéissance civile.

Et pourquoi ne pas reprendre la veille idée gidienne de rachat de sociétés de capitaux par les coopérateurs associés ? Si je mentionne cette possibilité qui peut paraître lointaine, c’est aussi parce que je crois important que le mouvement coopératif se donne un horizon qui ne soit pas enserré par, et parfois dans, l’idéologie dominante. L’économie sociale et solidaire est un ensemble d’expériences humaines et économiques non superposables, qui suivent une très grande amplitude. Il faut admettre les errements, les analyser avant de les juger, construire de nouvelles normes et faire coexister la plus grande diversité dans un même ensemble de penser et d’agir, celle précisément de groupes de personnes dont les conditions de formation psychologiques, culturelles, sociales, économiques, historiques et géographiques sont les plus diverses. L’économie sociale et solidaire est, inévitablement, à l’image de cette multiplicité, infiniment variée.

C’est à ce prix qu’elle peut prétendre constituer une alternative. À défaut, elle peut garder des niches et prévenir les agressions, ce qui n’est absolument pas méprisable. C’est simplement une grande désillusion. Mais il n’y a pas de raison qu’elle échoue : s’accorder sur un projet d’économie sociale avec la société civile, les petites et moyennes entreprises, les collectivités publiques et les salariés, c’est s’appuyer sur la société pour transformer l’économie.

Si l’économie sociale et solidaire fait l’effort de mobiliser ses membres pour innover, si elle fait l’effort de développer ses statuts, l’effort de mieux connaître ses fonctionnements propres et de faire reconnaître ses modes d’évaluation, si elle établit des partenariats avec les autres économies du travail, si elle s’allie avec les organisations des salariés pour acquérir et transformer les sociétés de capitaux, alors elle est en capacité de transformer la crise du capitalisme en une mutation au bénéfice de toute la société.

NF : Comment les coopératives peuvent-elles susciter une forte adhésion de leur milieu?

JFD : Elles le font déjà en partie. Mais certainement que l’adhésion serait plus forte si ces entreprises, notamment les coopératives agricoles, réinvestissaient leur territoire, se tournaient davantage au service de la communauté comme les y invite le 7e principe coopératif de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

Par ailleurs, encourager l’intercoopération, sinon l’interconnaissance des différentes structures d’économie sociale sur un territoire contribue à accroître leur visibilité et leur légitimité auprès des habitants et des décideurs. En France, les Chambres régionales de l’économie sociale oeuvrent efficacement à ce décloisonnement et à cette reconnaissance de l’économie sociale dans les territoires. Depuis 3 ans, le mois de novembre est ainsi devenu le « mois de l’économie sociale et solidaire » à l’initiative de ces chambres régionales. Les acteurs locaux proposent des milliers de manifestations publiques, se font connaître. C’est l’occasion pour nos concitoyens de se rappeler que qu’ils sont tous (ou presque) sociétaire d’une banque coopérative, d’une mutuelle de santé, adhérent d’association… et que cela a un sens.

———
Jean-François Draperi est maître de conférences au Cnam et rédacteur en chef de la Recma, www.recma.org
Derniers ouvrages parus : Parcourir sa vie, Se former à l’autobiographie raisonnée, Presses de l’économie sociale, nov. 2010,
L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie, éd. Dunod, oct. 2011

Déc 062011
 

En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Le rédacteur en chef de Recma, revue internationale de l’économie sociale souhaitait y « mesurer les limites de l’économie sociale et solidaire, présenter des pistes pour une critique du capitalisme, puis inviter à une mise en question radicale en proposant des voies de réflexion et d’action générale. » Rejoint par le journal Ensemble, il a confié sa vision des enjeux sur lesquels porteront la tournée de forums régionaux de l’Année des coopératives au Québec. Voici la seconde des deux parties de cette entrevue, dont la première est parue hier.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Lors de la Conférence internationale de Lévis, en septembre 2010, Felice Scalvini a défini le concept de « biodiversité entrepreneuriale ». Cette approche justifie-t-elle des alliances entre les entreprises d’économie sociale et des partenaires privés, et comment réussir de tels partenariats?

Jean-François Draperi : Il me semble essentiel de distinguer d’une part les entreprises privées de proximité, qui, pour le dire vite, s’inscrivent dans le cadre d’une production de biens et services et d’un échange marchand, et, d’autre part, les grandes sociétés de capitaux qui visent ou s’appuient sur la rémunération des capitaux.

Tout ou presque est à faire entre l’économie privée de proximité et l’économie sociale, qui sont complémentaires. L’une des difficultés actuelles réside dans le fait que les financements publics s’assèchent, dans l’action culturelle ou dans l’action sociale, et que les financements privés qui prennent le relais sont susceptibles de fixer des conditions de financement nouvelles. La venture philanthropy ambitionne d’accompagner les bénéficiaires de leurs dons dans la gestion et parfois dans la définition du projet. C’est à cette vigilance que doivent s’exercer les structures de l’économie sociale qui sont en relation avec de nouveaux partenaires économiques afin de veiller à ce que leur projet, leur professionnalité, leur organisation interne, etc ; ne se déplacent pas et ne se banalisent pas.

Il ne sont pas seuls pour y faire face. Le monde syndical incarne, de façon différente mais depuis longtemps, cette confrontation. Il y a une complémentarité à redécouvrir entre les revendication syndicale et l’alternative économique que propose l’économie sociale.

Enfin, les termes d’un rapprochement avec l’économie publique sont également à reconstruire. Les biens communs et les services d’intérêt général ne devraient pas faire l’objet d’appropriation privée et de spéculation et leur gestion devrait être strictement de nature publique ou sociale. Un champ immense d’activités se présente avec la gestion de l’eau, des transports, des sols, de nouvelles monnaies alternatives, etc.

Nous connaissons tous la pression que la gestion capitaliste exerce sur les activités des collectivités publiques et des groupements de personnes : à travers la mise en concurrence des associations, la restriction des budgets publics, l’obligation de suivre des règles assurantielles et bancaires qui mettent en cause la solidarité, la comptabilité exclusivement conçue pour exprimer le rendement des actions (sous le doux vocable de « juste valeur »), la gestion des collectivités, des hôpitaux et des administrations qui reprend le même cadre conceptuel que les sociétés de capitaux, les conséquences directes ou indirectes de cette gestion : marchandisation toujours plus forte de la santé, accroissement des inégalités de traitement, destruction de la planète, etc. Cette gestion à laquelle nous sommes contraints rend toujours plus périlleux le respect de nos valeurs et principes les plus essentiels.

Pour contrer cette forme d’invasion, il faut non seulement innover au niveau de l’entreprise, il faut également se donner des règles et des normes alternatives, et peut-être ne pas oublier que dans certaines situations, les coopérateurs du monde entiers ont fait usage de la désobéissance civile.

Et pourquoi ne pas reprendre la veille idée gidienne de rachat de sociétés de capitaux par les coopérateurs associés ? Si je mentionne cette possibilité qui peut paraître lointaine, c’est aussi parce que je crois important que le mouvement coopératif se donne un horizon qui ne soit pas enserré par, et parfois dans, l’idéologie dominante. L’économie sociale et solidaire est un ensemble d’expériences humaines et économiques non superposables, qui suivent une très grande amplitude. Il faut admettre les errements, les analyser avant de les juger, construire de nouvelles normes et faire coexister la plus grande diversité dans un même ensemble de penser et d’agir, celle précisément de groupes de personnes dont les conditions de formation psychologiques, culturelles, sociales, économiques, historiques et géographiques sont les plus diverses. L’économie sociale et solidaire est, inévitablement, à l’image de cette multiplicité, infiniment variée.

C’est à ce prix qu’elle peut prétendre constituer une alternative. À défaut, elle peut garder des niches et prévenir les agressions, ce qui n’est absolument pas méprisable. C’est simplement une grande désillusion. Mais il n’y a pas de raison qu’elle échoue : s’accorder sur un projet d’économie sociale avec la société civile, les petites et moyennes entreprises, les collectivités publiques et les salariés, c’est s’appuyer sur la société pour transformer l’économie.

Si l’économie sociale et solidaire fait l’effort de mobiliser ses membres pour innover, si elle fait l’effort de développer ses statuts, l’effort de mieux connaître ses fonctionnements propres et de faire reconnaître ses modes d’évaluation, si elle établit des partenariats avec les autres économies du travail, si elle s’allie avec les organisations des salariés pour acquérir et transformer les sociétés de capitaux, alors elle est en capacité de transformer la crise du capitalisme en une mutation au bénéfice de toute la société.

NF : Comment les coopératives peuvent-elles susciter une forte adhésion de leur milieu?

JFD : Elles le font déjà en partie. Mais certainement que l’adhésion serait plus forte si ces entreprises, notamment les coopératives agricoles, réinvestissaient leur territoire, se tournaient davantage au service de la communauté comme les y invite le 7e principe coopératif de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

Par ailleurs, encourager l’intercoopération, sinon l’interconnaissance des différentes structures d’économie sociale sur un territoire contribue à accroître leur visibilité et leur légitimité auprès des habitants et des décideurs. En France, les Chambres régionales de l’économie sociale oeuvrent efficacement à ce décloisonnement et à cette reconnaissance de l’économie sociale dans les territoires. Depuis 3 ans, le mois de novembre est ainsi devenu le « mois de l’économie sociale et solidaire » à l’initiative de ces chambres régionales. Les acteurs locaux proposent des milliers de manifestations publiques, se font connaître. C’est l’occasion pour nos concitoyens de se rappeler que qu’ils sont tous (ou presque) sociétaire d’une banque coopérative, d’une mutuelle de santé, adhérent d’association… et que cela a un sens.

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Jean-François Draperi est maître de conférences au Cnam et rédacteur en chef de la Recma, www.recma.org
Derniers ouvrages parus : Parcourir sa vie, Se former à l’autobiographie raisonnée, Presses de l’économie sociale, nov. 2010,
L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie, éd. Dunod, oct. 2011

Déc 052011
 
En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Photo: Recma

En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Le rédacteur en chef de Recma, revue internationale de l’économie sociale souhaitait y « mesurer les limites de l’économie sociale et solidaire, présenter des pistes pour une critique du capitalisme, puis inviter à une mise en question radicale en proposant des voies de réflexion et d’action générale. » Rejoint par le journal Ensemble, il a confié sa vision des enjeux sur lesquels porteront la tournée de forums régionaux de l’Année des coopératives au Québec. Voici la première des deux parties de cette entrevue.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : M. Draperi, vous faites la critique du capitalisme tout en révélant les limites de l’économie sociale et solidaire. Quel est votre point de vue sur la démocratisation de l’économie ?

Jean-François Draperi : Démocratiser l’économie est une nécessité pour dépasser notre actuel modèle de développement, qui produit des ravages sociaux et environnementaux précisément parce qu’il échappe au pouvoir démocratique.

L’économie sociale et solidaire ne peut répondre aux enjeux de la société contemporaine sans établir des partenariats avec les autres économies s’appuyant sur le pouvoir des producteurs, des consommateurs ou des habitants d’un territoires, et non sur celui du capital : l’économie domestique (non marchande), l’économie de proximité des petites et moyennes entreprises et l’économie publique.

Ces économies – domestique, privée, sociale et publique – sont fondamentalement différentes, mais elles partagent une même raison d’être – l’activité et l’usage – et une même énergie – l’innovation. Des partenariats peuvent être développés, aussi bien au niveau des entreprises qu’à celui de leurs instances représentatives. Sous cet angle, l’économie sociale prolonge l’économie proprement privée – c’est-à-dire plus de 90 % des entreprises – en lui donnant les moyens de résister aux grandes entreprises. L’économie publique peut s’appuyer sur l’économie sociale pour certains services d’intérêt général.

Cela étant, démocratiser l’économie ne représente qu’un volet d’un processus général qui engage également la formation, la recherche et l’ensemble de la vie sociale et politique.

NF : Considérant la tendance à la baisse du taux de participation aux élections, pourquoi confier le contrôle des entreprises à la démocratie ?

JFD : Oui, les grandes coopératives bancaires ou les grandes mutuelles connaissent une érosion démocratique, la proportion de sociétaires impliqués dans les assemblées générales diminuant alors que les choix de la technostructure pèsent davantage dans les décisions. Mais il faut souligner que depuis la fin des années 1990, on observe une augmentation de la participation des membres dans plusieurs grands groupes. Le taux de votants aux assemblées générales augmente et une nouvelle génération de membres apparaît…

Par ailleurs, les grands groupes de l’économie sociale n’épuisent pas toute l’économie sociale. Et cette « loi d’airain de l’oligarchie » est observée dans le mouvement ouvrier depuis le début du XXe siècle. Est-ce pour autant qu’il faut décréter que la démocratie, toujours imparfaite, est définitivement un mode d’organisation politique et sociale irréaliste et qu’il faudrait qu’un petit nombre d’experts décide seul de la destinée d’entreprises dont l’activité est fondamentale en termes de cohésion sociale, de diminution des inégalités ou de continuité territoriale ?

NF : 92 entreprises coopératives se sont créées au Québec en 2010. Comment accélérer la démocratisation de l’économie ?

JFD : En France également, les créations de coopératives (toutes familles confondues) ne sont pas très nombreuses. Pour autant, je crois qu’on peut néanmoins affirmer que notre période se caractérise par une certaines effervescence créatrice. Cette créativité prend souvent la forme d’associations et non pas de coopératives. Mais au fond, les 1200 ou 1500 associations pour le maintien d’une agriculture paysanne qui se sont créées en France au cours des 10 dernières années sont des formes de coopératives de consommateurs et non des associations sans but lucratif. Que faut-il pour qu’elles deviennent des coopératives sur le plan juridique ?

Tout d’abord, me semble-t-il, simplifier les statuts, les rendre attractifs. Il est inconcevable qu’il se crée plus de coopératives de production – ce dont je me réjouis bien sûr que de coopératives de consommateurs, qui sont formellement bien plus aisées à concevoir, à financer et à faire vivre puisqu’elle n’exigent pas de fonds propres aussi importants que les coopératives de production.

Les autres enjeux, constants dans l’histoire, sont ceux de la formation et de la communication. La formation, c’est-à-dire tout à la fois, l’animation du sociétariat car les coopérateurs sont les meilleurs prescripteurs de la coopérative, la formation des  jeunes à l’école – et la rédaction de manuels par exemple, comme celui que nous avions rédigé il y a quelques années avec le soutien du Groupement national de la coopération (coopératives.coop : Les entreprises coopératives, créatrices de richesse et de sens) qui avait été adressé à 7000 enseignants de sciences économiques en Lycée. La formation des élus politiques, en particulier des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux, la formation des acteurs syndicaux, des responsables de PME qui souhaitent céder ou transmettre leur entreprises, etc.

NF : Quelles sont les réponses les plus intéressantes apportées par l’économie sociale au problème de la dévitalisation des milieux ruraux, en termes de services de proximité et de circuits courts ?

JFD : On assiste à une véritable explosion d’innovations et c’est dans les départements les plus ruraux comme la Lozère, le Cantal, la Creuse (dans le Massif Central) que le taux d’emplois en économie sociale et solidaire est le plus élevé. Certaines vallées ne pourraient maintenir une population sur place sans l’économie sociale et solidaire. On observe dans le même territoire, regroupant quelques communes, des coopératives d’artisans – un magasin coopératif qui permet aux petits artisans de ne pas se préoccuper de la vente de leurs produits –, des coopératives agricoles qui collectent le lait, fabriquent et vendent le fromage,  des coopératives de production, des associations culturelles, sportives, de tourisme dynamiques, et associations de producteurs agricoles et éleveurs locaux qui proposent des produits de qualité en se regroupant, et bien entendu, comme partout maintenant en France, des AMAP.

Le développement des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) est certainement le fait le plus visible pour les urbains français aujourd’hui : autour des villes, les terres agricoles se font rares et très chères, les agriculteurs et consommateurs s’associent directement. Les « paniers », souvent bio, satisfont le besoin de qualité des seconds, dont l’engagement assure les revenus nécessaires aux premiers. L’accès à la terre s’avère très difficile pour de jeunes agriculteurs. Appuyé par la Nef, une banque coopérative et solidaire, un fonds d’investissement piloté par une association, Terre de Liens, se porte acquéreur de terrains et les loue en luttant contre la spéculation foncière.

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Jean-François Draperi est maître de conférences au Cnam et rédacteur en chef de la Recma, www.recma.org
Derniers ouvrages parus : Parcourir sa vie, Se former à l’autobiographie raisonnée, Presses de l’économie sociale, nov. 2010,
L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie, éd. Dunod, oct. 2011

Nov 252011
 
Simon-Olivier Côté, président et co-fondateur de la Coop V.E.R.T.E., est venu dire aux nombreux jeunes présents qu'il y a moyen de s'impliquer pour avoir une expérience de travail qui rejoint leurs valeurs. Photo: N.Falcimaigne

Les coopératives ont une longueur d’avance face à la crise écologique et démographique. C’est la trame de fond qui se dégage du Forum coopératif tenu aujourd’hui à l’Hôtel Chicoutimi et organisé par la Coopérative de développement régional (CDR) Saguenay-Lac-Saint-Jean/Nord-du-Québec. En favorisant la participation des jeunes, la CDR a aussi voulu illustrer cette tendance. Près du tiers de 160 participants sont des étudiants du Cégep de Chicoutimi venus découvrir le monde coopératif de leur région.

Louis Favreau, sociologue, s’est montré particulièrement radical en conférence d’ouverture. Les pistes de sortie de crise qu’il a lancées témoignent d’une approche globale : « se battre pour la démocratisation de l’économie, repenser le social et renouveler l’État social, se mettre radicalement au vert, construire un mouvement citoyen international et intensifier la solidarité Nord-Sud ». André Martin, professeur associé à l’IRECUS, a pour sa part souligné que le changement de paradigme qui se prépare s’inscrit dans une tendance historique à long terme.

Pour Dominic Deschênes, directeur général de la CDR, le contexte de crise multiple (économique, sociale, écologique etc.) favorise les organisations qui peuvent s’adapter aux changements, ou même les provoquer. « C’est un peu comme si on était en train de rebrasser les cartes, et on dirait que la nouvelle donne est taillée sur mesure pour les coopératives ». Le mouvement coopératif, précise-t-il, englobe déjà les aspects économique et social. Troisième aspect du développement durable, l’écologie correspond déjà aux principes coopératifs, ce qui place le mouvement à l’avant-garde.

Intégration des jeunes au travail

Les valeurs coopératives correspondraient également avec celles des nouvelles générations, plus versées dans la solidarité, le travail d’équipe et l’ouverture, dit le président et co-fondateur de la Coop V.E.R.T.E., Simon-Olivier Côté. En participant au panel du Forum, il est venu dire aux nombreux jeunes présents qu’il y a moyen de s’impliquer pour avoir une expérience de travail qui rejoint leurs valeurs. « Pour leur part, les moins jeunes gagneraient à changer leur approche pour s’adapter aux nouvelles générations, plutôt que de demander aux jeunes de s’adapter à leur modèle établi. » Participer au processus décisionnel, dans une coop, permettrait aux jeunes de répondre à leur incessante question en contexte de travail : « pourquoi? ».

Le Forum coopératif a été l’occasion de souligner le centième anniversaire de la Caisse Desjardins de Chicoutimi en lui décernant l’Ordre du mérite coopératif, mais aussi de constater que de nouvelles coopératives ont vu le jour dans la région pour répondre à des enjeux très concrets. La Coop V.E.R.T.E. S’inscrit dans une tendance de tourisme durable tout en fournissant un projet rassembleur pour les jeunes de Saguenay, la Coopérative de solidarité Nord-Bio répond à une nécessité de sensibiliser les consommateurs à l’agriculture biologique, alternative en croissance au Lac-Saint-Jean, et la Coopérative de solidarité Le Brûlot fournit un lieu de rassemblement et d’animation du milieu à Chibougamau.

« Berceau de la coopération, le Saguenay-Lac-Saint-Jean pourrait être un fer de lance du renouveau de la coopération », conclut Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

Nov 252011
 

Les coopératives ont une longueur d’avance face à la crise écologique et démographique. C’est la trame de fond qui se dégage du Forum coopératif tenu aujourd’hui à l’Hôtel Chicoutimi et organisé par la Coopérative de développement régional (CDR) Saguenay-Lac-Saint-Jean/Nord-du-Québec. En favorisant la participation des jeunes, la CDR a aussi voulu illustrer cette tendance. Près du tiers de 160 participants sont des étudiants du Cégep de Chicoutimi venus découvrir le monde coopératif de leur région.

Louis Favreau, sociologue, s’est montré particulièrement radical en conférence d’ouverture. Les pistes de sortie de crise qu’il a lancées témoignent d’une approche globale : « se battre pour la démocratisation de l’économie, repenser le social et renouveler l’État social, se mettre radicalement au vert, construire un mouvement citoyen international et intensifier la solidarité Nord-Sud ». André Martin, professeur associé à l’IRECUS, a pour sa part souligné que le changement de paradigme qui se prépare s’inscrit dans une tendance historique à long terme.

Pour Dominic Deschênes, directeur général de la CDR, le contexte de crise multiple (économique, sociale, écologique etc.) favorise les organisations qui peuvent s’adapter aux changements, ou même les provoquer. « C’est un peu comme si on était en train de rebrasser les cartes, et on dirait que la nouvelle donne est taillée sur mesure pour les coopératives ». Le mouvement coopératif, précise-t-il, englobe déjà les aspects économique et social. Troisième aspect du développement durable, l’écologie correspond déjà aux principes coopératifs, ce qui place le mouvement à l’avant-garde.

Intégration des jeunes au travail

Les valeurs coopératives correspondraient également avec celles des nouvelles générations, plus versées dans la solidarité, le travail d’équipe et l’ouverture, dit le président et co-fondateur de la Coop V.E.R.T.E., Simon-Olivier Côté. En participant au panel du Forum, il est venu dire aux nombreux jeunes présents qu’il y a moyen de s’impliquer pour avoir une expérience de travail qui rejoint leurs valeurs. « Pour leur part, les moins jeunes gagneraient à changer leur approche pour s’adapter aux nouvelles générations, plutôt que de demander aux jeunes de s’adapter à leur modèle établi. » Participer au processus décisionnel, dans une coop, permettrait aux jeunes de répondre à leur incessante question en contexte de travail : « pourquoi? ».

Le Forum coopératif a été l’occasion de souligner le centième anniversaire de la Caisse Desjardins de Chicoutimi en lui décernant l’Ordre du mérite coopératif, mais aussi de constater que de nouvelles coopératives ont vu le jour dans la région pour répondre à des enjeux très concrets. La Coop V.E.R.T.E. S’inscrit dans une tendance de tourisme durable tout en fournissant un projet rassembleur pour les jeunes de Saguenay, la Coopérative de solidarité Nord-Bio répond à une nécessité de sensibiliser les consommateurs à l’agriculture biologique, alternative en croissance au Lac-Saint-Jean, et la Coopérative de solidarité Le Brûlot fournit un lieu de rassemblement et d’animation du milieu à Chibougamau.

« Berceau de la coopération, le Saguenay-Lac-Saint-Jean pourrait être un fer de lance du renouveau de la coopération », conclut Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

Nov 172011
 

Il est plus facile, pour les citoyens des régions, de savoir l’état de la circulation sur le pont Champlain que d’obtenir de l’information sur les enjeux qui les touchent, dans leur municipalité. C’est une des conclusions de la tournée des régions effectuée par le Conseil de presse du Québec, en 2008. À l’approche de l’Année des coopératives, en 2012, le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, entame à son tour une tournée. Cette série d’éditions régionales se veut une réponse à l’uniformisation et à la centralisation de l’information.

Au XXe siècle, il y avait des hebdomadaires dans plusieurs régions du Québec, qui couvraient leurs frais par les abonnements et la vente à l’unité. Peu à peu, la publicité s’est imposée comme source principale de revenus. Au fur et à mesure que les entreprises de presse, d’impression et de publicité convergeaient, les hebdos gratuits sont apparus, financés exclusivement par la publicité.

En plus de réduire à peu de chose l’espace disponible pour le contenu dans les pages du journal, la publicité a affecté l’indépendance de l’information, et donc la qualité de ce contenu. Aujourd’hui, la publicité déborde même des pages du journal hebdomadaire, et celui-ci est souvent livré dans un sac de circulaires.

Régulièrement, on assiste à l’acquisition, par l’un des grands groupes de presse régionale, d’un journal indépendant. Le journal L’Avantage de Rimouski, ainsi que le Groupe Le Canada Français de Saint-Jean-sur-Richelieu et ses onze titres hebdomadaires, ont été achetés par Transcontinental au mois d’août.

Sortir des sentiers battus

Le secteur de la presse est en transition. Les citoyens cherchent de nouvelles façons de s’informer, et recherchent l’information qui sort des sentiers battus. La Coopérative de journalisme indépendant veut leur offrir, avec la création du journal Ensemble, une source d’information indépendante sur leur milieu, les enjeux de démocratie, de citoyenneté, et particulièrement l’économie sociale et solidaire, les coopératives et les mutuelles.

Cette édition régionale et les autres à venir sont une invitation lancée à toute la population du Québec. Pour se redonner accès à une information libre et indépendante, dans toutes les régions, et qui aborde des sujets laissés pour compte par les médias de masse, tous les citoyens et les citoyennes peuvent participer à leur façon à ce mouvement qui commence. Parce que c’est ensemble que nous pouvons y arriver, et parce que c’est ensemble que cette réussite sera à l’image de tous.

Parce qu’ensemble, on va plus loin.

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À surveiller: Demain, la publication de la deuxième édition régionale, réalisée dans le cadre du Forum coopératif du Centre-du-Québec.

Nov 152011
 

Saint-Alexis-des-Monts, revue Vie PédagogiqueRéussir autrement. Devant le défi de la persévérance scolaire, de la pénurie de main-d’œuvre, et de l’exode des jeunes des régions, voici la réponse proposée par les Maisons familiales rurales (MFR). Ces écoles coopératives hors du commun donnent tout son sens à l’expression selon laquelle «il faut tout un village pour éduquer un enfant». Il faut également l’investissement de toute une communauté, de toute une région, pour mettre sur pied ces institutions alternatives à l’école traditionnelle. Depuis une décennie, des pionniers travaillent d’arrache-pied pour donner vie à cette solution aux quatre coins du Québec. Nous avons visité la Maison familiale rurale de Maskinongé, à Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, et celle du KRTB, à Saint-Clément, au Bas-Saint-Laurent. Rencontre avec le feu sacré.

Rencontre avec Nathan dans le corridor de l'école de la MFR de Maskinongé. Photo: N.Falcimaigne

Benoît revient de loin. «J’avais lâché à la polyvalente et travaillé un peu à la ferme. Mon boss m’a parlé de la MFR et ça m’a intéressé. Maintenant, j’ai fini mon secondaire 2 et je vais aller aux adultes l’an prochain. Je veux faire de l’entretien général d’immeubles.» Son employeur est devenu son maître de stage et il a pu retourner à l’école deux semaines sur quatre pour poursuivre sa scolarité. L’école a pris un tout autre sens; elle a désormais une utilité directe pour son travail. Benoît fait partie des onze élèves qui ont formé la première cohorte de Saint-Clément, en mars 2009. Lire la suite »