À l’approche de Noël, tu appréhendes la conversation pénible avec ce mononcle qui prend souvent un verre de trop. L’an dernier, il t’avait engueulée parce que tu veux sauver la planète. D’abord amical, il t’avait gentiment traitée d’idéaliste. Puis il était devenu condescendant: «Vous autres, les jeunes, vous croyez pouvoir tout changer, mais garder votre iPhone!» Enfin, il s’était emballé, t’accusant de vouloir bloquer tous les projets: l’emploi, la croissance, la technologie qui peut nous sauver… La tante s’en était aussi mêlée et le conflit de canard était passé de travers. Bref, l’hystérie.
«Papa, pourquoi le premier ministre attaque le Québec?» Du haut de ses onze ans, elle avait entendu le bulletin télévisé, annonçant que tous les partis de l’Assemblée nationale du Québec dénonçaient d’une même voix la contestation de la loi 99 par Stephen Harper, premier ministre du Canada. «Euh, eh bien, ma grande, c’est parce qu’il ne veut pas qu’on se sépare du Canada, répond le papa hésitant, pas certain d’y croire lui-même. En fait, c’est bizarre, parce que le résultat pourrait bien être l’inverse, et c’était prévisible.» De grands yeux perplexes le fixaient.
Des décennies sans indexation, des droits qui s’évaporent, la stabilité qui se compte en nombre de mots, un horaire qui frise le chaos. Hier artisans principaux de la liberté d’expression, les journalistes ont vu l’expression de la liberté changer de sens. Le journaliste est devenu journalier. Ne serait-il pas temps de rétablir au moins le minimum?
Depuis la fin du XXe siècle, des citoyens se mobilisent pour favoriser la persévérance scolaire de leurs jeunes, et leur permettre de se qualifier dans un métier valorisant et de prendre leur place dans leur région. Depuis bientôt quinze ans, des gens ordinaires suent sang et eau pour donner un avenir à des jeunes pour qui le moule du système ne rime à rien. Ces coopératives d’éducation, les Maisons familiales rurales (MFR), ont fait leurs preuves depuis longtemps, atteignant avec leurs jeunes présumés décrocheurs des taux de réussite qui font bleuir d’envie les polyvalentes. Et l’État tarde encore à les intégrer dans l’offre de services officielle du ministère de l’Éducation.
Nous avons patiemment suivi plusieurs sessions de la Commission sur les enjeux énergétiques, de Rimouski à Québec: enregistré, interrogé, noté des contacts pour des entrevues complémentaires, filmé et photographié. Nous nous sommes étonnés du peu de participation de la population, hors les personnes venues déposer un mémoire. Sans doute était-elle trop occupée à s’entredéchirer le tissu laïc dans ce psychodrame de la Charte, déclenché par ce gouvernement et entretenu par les médias de masse. Mais tout cela est vain maintenant: en dévoilant sa politique économique, la semaine dernière, ce gouvernement a annoncé ses couleurs sans attendre le rapport de la Commission. Quoi qu’en dise la population, il y aura donc exploration pétrolière sur Anticosti, dans le golfe du Saint-Laurent et en Gaspésie.
Le train de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA), laissé sans surveillance, a connu une défaillance de son système de freins. Les 73 wagons ont dévalé la pente le menant à Lac-Mégantic, où le lourd chargement de pétrole a déraillé et explosé au milieu du centre-ville, causant la mort de dizaines de personnes, pudiquement désignées comme «disparues». Et une nappe d’hydrocarbures a revêtu la rivière Chaudière.
Réparer d’une main, détruire de l’autre
On aura filmé les sanglots, les coupables, les conflits et les héros. On aura placoté de milliers de détails: freins manuels, protocole d’intervention, état de la voie ferrée, modèle de citerne, quarts de travail, impact sur les piscines, etc. On nous parlera de resserrer la sécurité, alors que le volume de pétrole transporté par train s’est multiplié depuis 5 ans au Canada sans changement règlementaire. On imposera de meilleurs wagons et la surveillance des trains. On arrêtera de présumés écoterroristes. On réparera la voie ou on la fera passer ailleurs. On reconstruira un centre-ville tout neuf. On arrêtera la marée noire avant qu’elle atteigne le fleuve.
Et dans le bureau d’à côté, on signera l’autorisation d’exploiter le pétrole sur l’île d’Anticosti, on inaugurera le nouvel oléoduc traversant la banlieue Nord de Montréal, on adoptera les plans de la plateforme pétrolière de Old Harry dans le golfe, et on lancera les travaux d’élargissement de la voie maritime pour le passage des supertankers. Un petit port méthanier avec ça? Cherchez l’erreur.
Le train de la mort roule encore
Le sage montre la Lune et le fou regarde le doigt. Quelles que soient les conclusions de l’enquête sur la responsabilité des personnes impliquées directement, une conclusion s’impose: exploiter le pétrole, alors que des alternatives moins dangereuses existent, est un acte de désinvolture, de déni et de négligence qui, cette fois encore, a causé la mort.
Le minimum de respect pour les victimes et leurs familles impose que nous exigions de notre gouvernement qu’il se tourne résolument vers les sources d’énergies respectueuses de l’environnement et de la sécurité de nos concitoyens. Et cela signifie se détourner catégoriquement de la filière pétrolière.
Exploiter le pétrole au Québec, comme c’est l’intention de notre gouvernement, équivaut à desserrer les freins d’un train fantôme rempli d’explosifs qui ira bientôt dérailler et dévaster nos milieux de vie.
Tourner le dos au lobby du pétrole
Qu’on laisse une bonne fois pour toutes sous terre les combustibles fossiles, ces«ressources» qui n’en sont pas: ils sont le carbone patiemment séquestré dans le sol par la vie et la mort des êtres vivants sur la terre pendant des millions d’années, ce qui a rendu l’air et le climat de notre planète propice à la vie humaine. Les exploiter revient à détricoter notre propre chandail. Ce sont des produits qui nous sont toxiques et dangereux. Ils sont une source d’énergie désuète et un obstacle au développement d’une économie durable.
Le Québec est l’un des rares endroits au monde qui puisse s’affranchir relativement rapidement du pétrole. Nous avons déjà une longueur d’avance. Il faut maintenant se tenir debout face au lobby pétrolier, lui tourner le dos et franchir les pas qui restent vers un mode de vie plus sain et sécuritaire.
Notre gouvernement doit investir massivement dans le développement d’énergies saines, au lieu de subventionner et de cautionner le jeu de poker d’une poignée d’apprentis-sorciers dollaromanes prêts à dévaster nos villes et nos campagnes, notre eau potable et celle des légumes, des animaux et des poissons qu’on mange, pour trouver moins de pétrole que prévu, en renverser presque autant, en tirer le profit, l’encaisser dans leurs paradis fiscaux et nous refiler la facture des dégâts.
C’est une question de respect, de dignité, d’intelligence.
Parce que nous valons mieux que ça.
Nos morts valent mieux que ça.
Pleurons nos victimes, mais ne laissons pas fuir l’agresseur.
Arrêtons la fuite du pétrole.
Qui peut se targuer d’avoir, visière levée, privé les banques de plus de 275 millions de $ en revenus sur sept ans? Grandes perdantes du Sommet de l’enseignement supérieur, les banques sont restées dans l’ombre du débat. Elles sont pourtant les seules qui tirent de la hausse des frais de solarité un important profit privé net, sans coûts ni risques associés: les intérêts sur l’endettement étudiant, garanti par le gouvernement. Les étudiants ont réussi à diminuer ce gain de 73%. Cet exploit fait pourtant figure de prix de consolation face à tous les enjeux laissés sur la table de ce Printemps érable. Le mouvement étudiant peut surtout revendiquer la prise de conscience de leur pouvoir par des milliers de citoyens. Le but avoué du Sommet étant pour le gouvernement de refermer la marmite du Printemps, qu’adviendra-t-il de cette mobilisation?
«On dénonce une précarité des emplois dans le secteur de l’information. Les pigistes sont de plus en plus nombreux. Ils n’ont pas toujours le temps et les moyens de rédiger des articles de fond et ne doivent pas se mettre en mauvaise posture face aux décideurs et aux organismes locaux. Les tarifs des piges ont peu évolué depuis une quinzaine d’années.» Symptôme du délabrement de l’accès à l’information au Québec, les conditions de travail des journalistes indépendants déterminent aussi la qualité de l’information des citoyens. Ce troublant constat est tiré de L’état de la situation médiatique au Québec – L’avis du public, rapport de la tournée du Conseil de presse du Québec (CPQ) en 2008.
Trois-Pistoles, journal Ensemble — À l’approche des États généraux sur le journalisme indépendant, le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, co-publiera avec le bulletin L’Indépendant de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) une série d’articles de fond dans un dossier sur la profession de journaliste indépendant, son histoire, son rôle dans le développement de la presse indépendante et de l’accès des citoyens à l’information, ses enjeux, son avenir et bien d’autres facettes de notre réalité.
La Coopérative de journalisme indépendant, éditeur d’Ensemble, mobilisera ses membres dans toutes les régions du Québec pour mener également une série de rencontres de consultation afin de connaître l’avis des journalistes, des éditeurs et des citoyens sur ces questions. Les premières dates seront annoncées en janvier et nous vous invitons à y participer en grand nombre.
Publication spéciale États généraux
Les articles du dossier, en relation avec cette tournée, auront une place de choix dans les éditions web et papier du journal Ensemble et dans L’indépendant mais aussi dans une publication spéciale au moment des États généraux sur le journalisme indépendant, en septembre (lire autre texte). Cette publication spéciale pourrait bien prendre la forme d’un livre, recueil d’articles, comme celui publié par la coop en octobre dans le cadre de l’Année internationale des coopératives.
Indépendants, ensemble, l’Association des journalistes indépendants du Québec et la Coopérative de journalisme indépendant vous réservent donc une année 2013 qui verra les enjeux du journalisme indépendant mis à l’avant plan comme jamais, au moment où le contexte social et politique appelle un examen de notre démocratie.
À l’approche des États généraux sur le journalisme indépendant, le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, co-publiera avec le bulletin L’Indépendant de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) une série d’articles de fond dans un dossier sur la profession de journaliste indépendant, son histoire, son rôle dans le développement de la presse indépendante et de l’accès des citoyens à l’information, ses enjeux, son avenir et bien d’autres facettes de notre réalité.