Cette année-là, j’avais laissé de côté ma famille et ma blonde à l’automne pour aller travailler dans le nord. J’avais déjà bûché assez pour dire que j’étais pas un débutant et puis je voulais ramasser un peu d’argent pour pouvoir marier la belle noire à qui j’avais volontiers offert mon cœur. Un hiver dans les chantiers s’imposait donc, c’était écrit dans les étoiles, si je peux dire.
Trois-Pistoles, journal Ensemble — Leader des Opérations Dignité qui ont empêché la fermeture de plusieurs villages dans l’est du Québec pendant les années 1970, Gilles Roy a été président d’honneur de la Maison familiale rurale du KRTB, projet dont j’étais chargé du démarrage pendant l’année 2008-2009. C’est avec une immense tristesse que j’ai appris son décès, survenu mercredi à l’hôpital de Rimouski. Laissez-moi vous raconter en quelques mots trop brefs cet homme inspirant qui n’a jamais arrêté de se dévouer pour nos collectivités rurales, jusqu’à la fin.
Nos chemins n’ont fait que se croiser. Son voyage tirait à sa fin et le mien ne faisait que commencer. Si brève a été notre rencontre, trop brève. Gilles Roy est une de ces personnes qui nous marquent pour longtemps, et il nous manquera longtemps. Les quelques pas que nous avons parcouru ensemble m’ont fait découvrir un homme d’une rare détermination, sur la route de la Maison familiale rurale, cette école coopérative pour la persévérance scolaire et la relève rurale, au cœur de son pays du Bas-Saint-Laurent. Lire la suite »
Il est impossible de gagner une élection au Québec sans avoir le soutien d’un grand groupe de presse. C’est ce qu’affirmait l’ancien président du Conseil de presse du Québec, Raymond Corriveau*, à l’émission Enquête diffusée le 3 novembre dernier à Radio-Canada. La conduite de l’État serait entre les mains de groupes financiers qui échappent au contrôle des citoyens, pensent plusieurs analystes dont notamment le journaliste et essayiste Hervé Kempf, la vitrine d’un système oligarchique contrôlé par quelques uns au profit d’une minorité.
À l’occasion du Printemps québécois, et au premier chef de la plus longue grève étudiante de l’histoire récente du Québec, la collusion entre les grands groupes de presse et le pouvoir s’est illustrée à plusieurs reprises. Elle a permis au gouvernement Charest de fixer l’attention des citoyens sur la grève étudiante, un sujet qui le fait progresser dans les sondages. La couverture sélective des épisodes violents de la grève, en plus de détourner l’attention du débat fondamental sur les frais de scolarité, a permis d’éclipser encore plus totalement les controverses qui mettent le gouvernement dans l’embarras: Plan Nord, gaz de schiste, exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent, exploitation de l’uranium, réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2, enquête sur l’industrie de la construction et la corruption.
Dès que le conflit étudiant sera réglé, tous ces sujets reviendront sur la table et pourraient menacer la réélection du Parti libéral. L’opposition, qu’elle prenne la forme d’un parti ou d’une coalition, est prête à livrer la bataille et à reprendre le pouvoir. Si elle le fait, elle devra pouvoir compter sur l’appui d’au moins un grand groupe de presse et de plusieurs autres commanditaires. Une fois au pouvoir, elle devra rendre des comptes à ces généreux partenaires.
Ainsi va le jeu de l’alternance, et il pourrait bien emporter avec lui les espoirs du Printemps québécois, portés le 22 avril par 300 000 manifestants. Comment faire en sorte que le Printemps québécois ne soit pas capturé par la politique partisane, au seul profit de la prise du pouvoir par une formation politique? Comment faire en sorte que cette deuxième révolution tranquille apporte non pas seulement un changement de gouvernement, comme la première, mais bien un véritable changement de régime politique?
Au cours de la dernière année, notre équipe a porté un intérêt particulier au dossier de la réforme démocratique. Il se dégage de cette couverture que la seule façon de ne pas reconduire les dynamiques du passé est de créer une véritable constitution, une loi fondamentale qui régit toutes les décisions des élus et qui relève directement des citoyens. Cette constitution ne devra pas être construite par un parti politique, ni par l’Assemblée nationale, car les élus sont en conflit d’intérêt sur cette question.
La suite logique du Printemps québécois, qui lui donnera toute sa portée, c’est donc la convocation d’une Assemblée constituante qui élaborera le nouveau système démocratique du Québec par la rédaction d’une constitution. Il est grand temps que le Québec remplace ses institutions médiévales, coloniales et anglo-saxonnes par une constitution moderne à son image, qui pourra inspirer les autres peuples du monde.
Cette constitution devra prévoir une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Elle devra aussi enchâsser le droit d’accès à l’information et le financement de la presse indépendante, de façon à protéger ce quatrième pilier de la démocratie des trois autres. L’ensemble de ces nouvelles institutions devra enfin être mis à l’abri de l’influence du pouvoir financier.
Trois-Pistoles, journal Ensemble – Il est impossible de gagner une élection au Québec sans avoir le soutien d’un grand groupe de presse. C’est ce qu’affirmait l’ancien président du Conseil de presse du Québec, Raymond Corriveau*, à l’émission Enquête diffusée le 3 novembre dernier à Radio-Canada. La conduite de l’État serait entre les mains de groupes financiers qui échappent au contrôle des citoyens, pensent plusieurs analystes dont notamment le journaliste et essayiste Hervé Kempf, la vitrine d’un système oligarchique contrôlé par quelques uns au profit d’une minorité.
À l’occasion du Printemps québécois, et au premier chef de la plus longue grève étudiante de l’histoire récente du Québec, la collusion entre les grands groupes de presse et le pouvoir s’est illustrée à plusieurs reprises. Elle a permis au gouvernement Charest de fixer l’attention des citoyens sur la grève étudiante, un sujet qui le fait progresser dans les sondages. La couverture sélective des épisodes violents de la grève, en plus de détourner l’attention du débat fondamental sur les frais de scolarité, a permis d’éclipser encore plus totalement les controverses qui mettent le gouvernement dans l’embarras: Plan Nord, gaz de schiste, exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent, exploitation de l’uranium, réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2, enquête sur l’industrie de la construction et la corruption. Lire la suite »
Plusieurs milliers de citoyens de tout âge et de toute condition sociale ont récemment pris la rue pour crier leur mécontentement. Des Indignés aux étudiants, en passant par les opposants à l’exploration gazière, ces citoyens sont loin d’être un groupuscule marginal. Ils se décrivent comme les «99%» face au «1%» qui détient le pouvoir. Ils sont là pour réclamer le retour de la démocratie. Lire la suite »
Le faible taux de participation aux élections est souvent pointé du doigt pour illustrer le cynisme des citoyens, alors que la classe politique promet de leur «redonner confiance». Dans plusieurs pays, les citoyens ont entrepris de convoquer une assemblée constituante pour remettre en question le système politique lui-même, et pour se donner de nouvelles institutions démocratiques.
Plusieurs milliers de citoyens de tout âge et de toute condition sociale ont récemment pris la rue pour crier leur mécontentement. Des Indignés aux étudiants, en passant par les opposants à l’exploration gazière, ces citoyens sont loin d’être un groupuscule marginal. Ils se décrivent comme les «99%» face au «1%» qui détient le pouvoir. Ils sont là pour réclamer le retour de la démocratie.
Qu’ils soient militants sociaux, environnementaux, qu’ils défendent des causes culturelles, morales ou économiques, les citoyens les plus engagés se sont tous heurtés un jour au mur de la politique partisane, au-delà duquel le débat public est confisqué par les intérêts individuels et partisans.
Maintenant, c’est le citoyen «ordinaire» qui réalise son incapacité à faire représenter fidèlement ses intérêts par ses élus. Il faut changer le système. Les partis ont bien compris cette volonté populaire, car ils proposent maintenant des réformes, celles qui serviraient leurs intérêts.
Ce n’est pas aux élus de décider des règles du jeu auquel ils prennent part, c’est aux citoyens, leurs commettants. Une réforme démocratique se fait par une Assemblée constituante de citoyens, et elle s’adopte par référendum. Qu’attendons-nous?
À l’occasion du lancement de l’Année des coopératives, tenu à Lévis le 12 janvier dernier, le journal Ensemble a eu l’occasion d’interroger Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins. Premier groupe financier coopératif au Canada, sixième dans le monde, avec un actif de plus de 188 milliards de dollars, Desjardins est l’un des plus importants employeurs au Canada avec 43 600 employés. Illustration du leadership mondial exercé par cette coopérative financière québécoise, le Sommet international qu’elle organise à Québec du 8 au 11 octobre 2012 réunira 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom. Quelle est sa vision du contexte mondial actuel ?
Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Leroux, quelles sont les forces du mouvement coopératif face à la crise mondiale ?
Monique F. Leroux, Mouvement Desjardins : L’entreprise coopérative est une entreprise qui n’a pas qu’un objectif de performance financière. Il y a un objectif d’apporter une contribution des bénéfices aux personnes et à la société. La gouvernance démocratique, la participation des gens, même si c’est exigeant, fait en sorte que notre perspective n’est pas simplement de dire : « On doit avoir une contribution économique et financière ». On doit avoir aussi une contribution sociétale.
Il y a beaucoup de travail de recherche actuellement, à travers le monde, sur le rôle des entreprises. Les entreprises ne doivent pas être là uniquement pour faire de la spéculation ou du profit à court terme. Les économistes recherchent un modèle. Et quand on regarde ce qu’on voudrait avoir comme aspiration pour les entreprises, pour les bonnes entreprises, on se rend compte que ces grands éléments se retrouvent dans le modèle coopératif et mutualiste.
Je souhaite qu’en 2012, les coopératives soient mieux connues de l’ensemble de la population. Nos partenaires gouvernementaux et les autorités de réglementation à travers le monde n’ont pas toujours une réglementation adaptée au modèle coopératif. Dans les universités, il y a encore peu de programmes qui permettent d’apprendre comment fonctionne une gouvernance coopérative.
Il faut que cette année internationale des coopératives donne une impulsion à tous les acteurs pour qu’ils retrouvent les bénéfices de l’entreprise coopérative et constatent que, face aux grandes critiques qu’on a souvent pour l’entreprise essentiellement tournée vers le profit, le modèle coopératif apporte cet équilibre.
N.F. : Que pouvons-nous attendre du Sommet international des coopératives qui se déroulera à Québec du 8 au 11 octobre prochain ?
M.F.L. : Le Sommet est essentiellement bâti autour de la participation, la plus large possible, de gens du monde entier provenant des autorités de réglementation, du milieu comptable, des gens tournés vers la coopération, des coopérateurs et des chefs d’entreprises.
Pour le Sommet, Desjardins a commandité deux études auprès d’experts mondiaux qui travaillent généralement avec de grandes entreprises corporatives, Deloitte et McKinsey & Co. On leur a demandé de rencontrer toute une série de coopératives petites, moyennes et grandes, à travers le monde.
Ils étudieront les différents modèles de développement et de croissance qui gardent leur nature locale et régionale. Il s’agira de voir aussi comment bénéficier des ouvertures qu’offre le monde global maintenant et quelles en sont les contraintes.
N.F. : Comment l’identité coopérative de Desjardins peut protéger l’entreprise d’une crise financière ?
M.F.L. : De façon générale, les coopératives financières ont mieux traversé les tempêtes de 2008 et de 2011 que d’autres entreprises cotées sur les marchés. C’est un premier constat, et un des points importants. C’est l’ancrage local, l’ancrage régional, à l’intérieur d’une approche de mouvement où on se donne des mécanismes, qui nous permettent d’avoir une solidité financière. Si on veut continuer d’être pertinents sur le plan local et régional, il faut être capable d’intervenir dans les marchés financiers plus globaux. C’est ça la force du modèle coopératif, et c’est dans notre ADN, c’est dans notre mission, c’est dans notre modèle de caisse.
En réalité, une des grandes discussions que nous avons en ce moment et qui est extrêmement stimulante, c’est : « De quelle façon on s’adapte ? Comment garde-t-on la nature de ce que nous sommes, un ancrage local, régional et un rôle d’intervenant mondial, en adaptant nos moyens à l’échelle mondiale ? »
N.F. : Quelle est la principale barrière au développement des coopératives actuellement ?
M.F.L. : Un des éléments, c’est la capitalisation des coopératives. Quand on parle de développement, on a en tête le développement local, régional, mais aussi tourné vers l’international. Et qui dit développement, dit investissement. À ce moment-là, les mécaniques financières doivent être adaptées au monde coopératif. Chez Desjardins, on fait beaucoup d’innovations à ce sujet là.
Le modèle coopératif est peu connu. Si on fait des études en administration, on a beaucoup de référentiels sur tout ce qui touche le management ou la finance des entreprises corporatives en bourse. Mais chercher de l’information pertinente sur le management ou la gestion financière d’une coopérative est beaucoup plus difficile. Ce n’est pas un thème qui a été beaucoup étudié.
Desjardins, avec plusieurs partenaires, entend créer en 2012 un référentiel publié et permanent. Une entreprise coopérative est aussi importante que n’importe quelle entreprise cotée en bourse.
N.F. : Ce manque de visibilité s’explique-t-il par un problème de crédibilité ?
M.F.L. : Non, je dirai que c’est un problème d’humilité. Généralement, les organisations coopératives, mutualistes ne sont pas bien connues. Elles ne font pas les manchettes des journaux, ni d’annonces tous les trimestres. Ce n’est pas leur modèle d’affaires. Ce sont des entreprises qui sont très connues de leur communauté, connues de leurs membres, alors que le monde corporatif de société publique a dominé toutes les discussions sur le plan réglementaire. Il faut créer un mouvement.
N.F. : Est-ce difficile pour les coopératives de trouver du financement pour se développer ?
M.F.L. : Ce n’est pas qu’une question de pouvoir accéder à des capitaux. Les entreprises corporatives ont les moyens d’émettre des actions dans le public et par les mécanismes des bourses, d’accumuler une capitalisation boursière importante.
Le modèle coopératif n’est pas basé sur cette logique. Aussi, il faut développer de nouveaux outils de capitalisation en respectant le principe coopératif d’un membre, un vote. Car dans une coopérative, ce n’est pas la détention du capital qui domine la prise de décision.
La question est de savoir comment garder nos principes coopératifs tout en se donnant des outils de capitalisation qui vont permettre de soutenir le développement des coopératives.
Toutes les entreprises coopératives d’une certaine taille font face à ce genre de réflexion. Et il n’y a pas de forum international où on partage ces innovations. L’idée du Sommet, c’est de créer un référentiel et un réseau systématique de partage des meilleures pratiques pour développer ce grand secteur.
N.F. : Est-ce qu’il est nécessaire de faire des changements législatifs ?
M.F.L. : Une fois les législateurs et les gouvernements plus conscients de la contribution des coopératives, tant au niveau humain qu’économique, ils pourront adapter certains mécanismes. Mais, il faut d’abord qu’on s’engage et que l’on développe à toutes fins pratiques ce réseau d’entraide mondial puisque la réglementation est de plus en plus mondiale.
N.F. : Justement, au niveau mondial, là où l’État ne réussit plus à baliser l’économie de marché, le mouvement coopératif, qui représente un milliard d’êtres humains, peut-il le faire ?
M.F.L. : Vous touchez un point qui est pour moi une autre conviction qu’on espère réaliser avec le Sommet. Je suis d’avis que le monde ne peut pas être uniquement un monde corporatif.
On a besoin d’avoir au moins trois grands pôles : le monde corporatif, capitaliste, balisé par une réglementation qui est là pour éviter des excès ; un secteur public et gouvernemental solide et performant ; ainsi qu’une troisième voie d’équilibre : le modèle coopératif et mutualiste.
Ce modèle est un peu à la croisée des chemins entre le secteur public et le capitalisme. Il apporte cet équilibre d’une entreprise qui est performante mais qui a le souci des personnes. La troisième voie de cette économie plurielle devient un impératif très important.
J’espère que le Sommet et l’année 2012 vont nous aider à donner toutes ses lettres de noblesse à cette troisième voie, qui comprend l’économie sociale.
—
Avec la collaboration de Anne-Laure Jeanson
Lévis, journal Ensemble — À l’occasion du lancement de l’Année des coopératives, tenu à Lévis le 12 janvier dernier, le journal Ensemble a eu l’occasion d’interroger Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins. Premier groupe financier coopératif au Canada, sixième dans le monde, avec un actif de plus de 188 milliards de dollars, Desjardins est l’un des plus importants employeurs au Canada avec 43 600 employés. Illustration du leadership mondial exercé par cette coopérative financière québécoise, le Sommet international qu’elle organise à Québec du 8 au 11 octobre 2012 réunira 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom. Quelle est sa vision du contexte mondial actuel ?
Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Leroux, quelles sont les forces du mouvement coopératif face à la crise mondiale ?
Monique F. Leroux, Mouvement Desjardins : L’entreprise coopérative est une entreprise qui n’a pas qu’un objectif de performance financière. Il y a un objectif d’apporter une contribution des bénéfices aux personnes et à la société. La gouvernance démocratique, la participation des gens, même si c’est exigeant, fait en sorte que notre perspective n’est pas simplement de dire : « On doit avoir une contribution économique et financière ». On doit avoir aussi une contribution sociétale. Lire la suite »
Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.
Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.
La presse en crise d’adolescence
La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.
Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?
L’information, poumon de la démocratie
Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)
L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?
La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.
Remettre l’économie au service de l’information
L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.
Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).
Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.
Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.
Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.
La presse en crise d’adolescence
La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.
Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?
L’information, poumon de la démocratie
Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)
L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?
La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.
Remettre l’économie au service de l’information
L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.
Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).
Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.