Fév 062012
 
Le guide Biocarburants ou bioénergies? Vers une solution coopérative, publié en 2011 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), en partenariat avec la CDR Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, Nature Québec, la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) et la Coop Fédérée, fait état des plus récents projets en la matière. Photo: Nicolas Falcimaigne

Face à la crise énergétique, si les multinationales privées incarnent le statu quo, car elles détiennent des intérêts financiers dans l’exploitation des carburants fossiles, les coopératives s’investissent au contraire dans les alternatives en bioénergie.

Julien Boucher est coordonnateur Recherche et développement à la Coopérative de développement régional (CDR) Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, la seule dotée d’un tel service au Québec. Son mandat est de découvrir les nouvelles avenues de développement durable pour les coopératives et les communautés.

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Jan 192012
 

À l’occasion du lancement de l’Année des coopératives, tenu à Lévis le 12 janvier dernier, le journal Ensemble a eu l’occasion d’interroger Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins. Premier groupe financier coopératif au Canada, sixième dans le monde, avec un actif de plus de 188 milliards de dollars, Desjardins est l’un des plus importants employeurs au Canada avec 43 600 employés. Illustration du leadership mondial exercé par cette coopérative financière québécoise, le Sommet international qu’elle organise à Québec du 8 au 11 octobre 2012 réunira 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom. Quelle est sa vision du contexte mondial actuel ?

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Leroux, quelles sont les forces du mouvement coopératif face à la crise mondiale ?

Monique F. Leroux, Mouvement Desjardins : L’entreprise coopérative est une entreprise qui n’a pas qu’un objectif de performance financière. Il y a un objectif d’apporter une contribution des bénéfices aux personnes et à la société. La gouvernance démocratique, la participation des gens, même si c’est exigeant, fait en sorte que notre perspective n’est pas simplement de dire : « On doit avoir une contribution économique et financière ». On doit avoir aussi une contribution sociétale.

Il y a beaucoup de travail de recherche actuellement, à travers le monde, sur le rôle des entreprises. Les entreprises ne doivent pas être là uniquement pour faire de la spéculation ou du profit à court terme. Les économistes recherchent un modèle. Et quand on regarde ce qu’on voudrait avoir comme aspiration pour les entreprises, pour les bonnes entreprises, on se rend compte que ces grands éléments se retrouvent dans le modèle coopératif et mutualiste.

Je souhaite qu’en 2012, les coopératives soient mieux connues de l’ensemble de la population. Nos partenaires gouvernementaux et les autorités de réglementation à travers le monde n’ont pas toujours une réglementation adaptée au modèle coopératif. Dans les universités, il y a encore peu de programmes qui permettent d’apprendre comment fonctionne une gouvernance coopérative.

Il faut que cette année internationale des coopératives donne une impulsion à tous les acteurs pour qu’ils retrouvent les bénéfices de l’entreprise coopérative et constatent que, face aux grandes critiques qu’on a souvent pour l’entreprise essentiellement tournée vers le profit, le modèle coopératif apporte cet équilibre.

N.F. : Que pouvons-nous attendre du Sommet international des coopératives qui se déroulera à Québec du 8 au 11 octobre prochain ?

M.F.L. : Le Sommet est essentiellement bâti autour de la participation, la plus large possible, de gens du monde entier provenant des autorités de réglementation, du milieu comptable, des gens tournés vers la coopération, des coopérateurs et des chefs d’entreprises.

Pour le Sommet, Desjardins a commandité deux études auprès d’experts mondiaux qui travaillent généralement avec de grandes entreprises corporatives, Deloitte et McKinsey & Co. On leur a demandé de rencontrer toute une série de coopératives petites, moyennes et grandes, à travers le monde.

Ils étudieront les différents modèles de développement et de croissance qui gardent leur nature locale et régionale. Il s’agira de voir aussi comment bénéficier des ouvertures qu’offre le monde global maintenant et quelles en sont les contraintes.

N.F. : Comment l’identité coopérative de Desjardins peut protéger l’entreprise d’une crise financière ?

M.F.L. : De façon générale, les coopératives financières ont mieux traversé les tempêtes de 2008 et de 2011 que d’autres entreprises cotées sur les marchés. C’est un premier constat, et un des points importants. C’est l’ancrage local, l’ancrage régional, à l’intérieur d’une approche de mouvement où on se donne des mécanismes, qui nous permettent d’avoir une solidité financière. Si on veut continuer d’être pertinents sur le plan local et régional, il faut être capable d’intervenir dans les marchés financiers plus globaux. C’est ça la force du modèle coopératif, et c’est dans notre ADN, c’est dans notre mission, c’est dans notre modèle de caisse.

En réalité, une des grandes discussions que nous avons en ce moment et qui est extrêmement stimulante, c’est : « De quelle façon on s’adapte ? Comment garde-t-on la nature de ce que nous sommes, un ancrage local, régional et un rôle d’intervenant mondial, en adaptant nos moyens à l’échelle mondiale ? »

N.F. : Quelle est la principale barrière au développement des coopératives actuellement ?

M.F.L. : Un des éléments, c’est la capitalisation des coopératives. Quand on parle de développement, on a en tête le développement local, régional, mais aussi tourné vers l’international. Et qui dit développement, dit investissement. À ce moment-là, les mécaniques financières doivent être adaptées au monde coopératif. Chez Desjardins, on fait beaucoup d’innovations à ce sujet là.

Le modèle coopératif est peu connu. Si on fait des études en administration, on a beaucoup de référentiels sur tout ce qui touche le management ou la finance des entreprises corporatives en bourse. Mais chercher de l’information pertinente sur le management ou la gestion financière d’une coopérative est beaucoup plus difficile. Ce n’est pas un thème qui a été beaucoup étudié.

Desjardins, avec plusieurs partenaires, entend créer en 2012 un référentiel publié et permanent. Une entreprise coopérative est aussi importante que n’importe quelle entreprise cotée en bourse.

N.F. : Ce manque de visibilité s’explique-t-il par un problème de crédibilité ?

M.F.L. : Non, je dirai que c’est un problème d’humilité. Généralement, les organisations coopératives, mutualistes ne sont pas bien connues. Elles ne font pas les manchettes des journaux, ni d’annonces tous les trimestres. Ce n’est pas leur modèle d’affaires. Ce sont des entreprises qui sont très connues de leur communauté, connues de leurs membres, alors que le monde corporatif de société publique a dominé toutes les discussions sur le plan réglementaire. Il faut créer un mouvement.

N.F. : Est-ce difficile pour les coopératives de trouver du financement pour se développer ?

M.F.L. : Ce n’est pas qu’une question de pouvoir accéder à des capitaux. Les entreprises corporatives ont les moyens d’émettre des actions dans le public et par les mécanismes des bourses, d’accumuler une capitalisation boursière importante.

Le modèle coopératif n’est pas basé sur cette logique. Aussi, il faut développer de nouveaux outils de capitalisation en respectant le principe coopératif d’un membre, un vote. Car dans une coopérative, ce n’est pas la détention du capital qui domine la prise de décision.

La question est de savoir comment garder nos principes coopératifs tout en se donnant des outils de capitalisation qui vont permettre de soutenir le développement des coopératives.

Toutes les entreprises coopératives d’une certaine taille font face à ce genre de réflexion. Et il n’y a pas de forum international où on partage ces innovations. L’idée du Sommet, c’est de créer un référentiel et un réseau systématique de partage des meilleures pratiques pour développer ce grand secteur.

N.F. : Est-ce qu’il est nécessaire de faire des changements législatifs ?

M.F.L. : Une fois les législateurs et les gouvernements plus conscients de la contribution des coopératives, tant au niveau humain qu’économique, ils pourront adapter certains mécanismes. Mais, il faut d’abord qu’on s’engage et que l’on développe à toutes fins pratiques ce réseau d’entraide mondial puisque la réglementation est de plus en plus mondiale.

N.F. : Justement, au niveau mondial, là où l’État ne réussit plus à baliser l’économie de marché, le mouvement coopératif, qui représente un milliard d’êtres humains, peut-il le faire ?

M.F.L. : Vous touchez un point qui est pour moi une autre conviction qu’on espère réaliser avec le Sommet. Je suis d’avis que le monde ne peut pas être uniquement un monde corporatif.

On a besoin d’avoir au moins trois grands pôles : le monde corporatif, capitaliste, balisé par une réglementation qui est là pour éviter des excès ; un secteur public et gouvernemental solide et performant ; ainsi qu’une troisième voie d’équilibre : le modèle coopératif et mutualiste.

Ce modèle est un peu à la croisée des chemins entre le secteur public et le capitalisme. Il apporte cet équilibre d’une entreprise qui est performante mais qui a le souci des personnes. La troisième voie de cette économie plurielle devient un impératif très important.

J’espère que le Sommet et l’année 2012 vont nous aider à donner toutes ses lettres de noblesse à cette troisième voie, qui comprend l’économie sociale.


Avec la collaboration de Anne-Laure Jeanson

Jan 192012
 

Lévis, journal EnsembleÀ l’occasion du lancement de l’Année des coopératives, tenu à Lévis le 12 janvier dernier, le journal Ensemble a eu l’occasion d’interroger Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins. Premier groupe financier coopératif au Canada, sixième dans le monde, avec un actif de plus de 188 milliards de dollars, Desjardins est l’un des plus importants employeurs au Canada avec 43 600 employés. Illustration du leadership mondial exercé par cette coopérative financière québécoise, le Sommet international qu’elle organise à Québec du 8 au 11 octobre 2012 réunira 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom. Quelle est sa vision du contexte mondial actuel ?

«Généralement, les organisations coopératives, mutualistes ne sont pas bien connues. (...) Il faut créer un mouvement.» - Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins Photo: Nicolas Falcimaigne

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Leroux, quelles sont les forces du mouvement coopératif face à la crise mondiale ?

Monique F. Leroux, Mouvement Desjardins : L’entreprise coopérative est une entreprise qui n’a pas qu’un objectif de performance financière. Il y a un objectif d’apporter une contribution des bénéfices aux personnes et à la société. La gouvernance démocratique, la participation des gens, même si c’est exigeant, fait en sorte que notre perspective n’est pas simplement de dire : « On doit avoir une contribution économique et financière ». On doit avoir aussi une contribution sociétale. Lire la suite »

Jan 132012
 
Les participants ont vibré au rythme de la musique composée spécialement pour l'occasion par le groupe montréalais Samajam, qui s'est produit en direct à Ottawa. Photo: Nicolas Falcimaigne

Sur le coup de midi trente, à l’hôtel de Ville de Lévis et simultanément en webdiffusion dans quatorze villes du Canada, a eu lieu hier le lancement officiel de l’Année internationale des coopératives, décrétée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Un grand nombre de leaders du mouvement coopératif (1 400 en webdiffusion) se sont réunis pour y entendre Kathy Bardswick, présidente directrice-générale de Co-operators (en direct de Calgary, Alberta), et Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction de Desjardins (en direct de Lévis, Québec), ainsi que des représentants des gouvernement fédéral et provincial.

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Jan 132012
 

Sur le coup de midi trente, à l’hôtel de Ville de Lévis et simultanément en webdiffusion dans quatorze villes du Canada, a eu lieu hier le lancement officiel de l’Année internationale des coopératives, décrétée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Un grand nombre de leaders du mouvement coopératif (1 400 en webdiffusion) se sont réunis pour y entendre Kathy Bardswick, présidente directrice-générale de Co-operators (en direct de Calgary, Alberta), et Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction de Desjardins (en direct de Lévis, Québec), ainsi que des représentants des gouvernement fédéral et provincial.

Cette Année des coopératives sera ponctuée d’initiatives multiples dans les quelque 9 000 coopératives du Canada (plus de 3 000 au Québec), mais plus particulièrement dans chaque région du Québec par un forum régional mettant en valeur ces initiatives. En juin, le Québec sera l’hôte d’un congrès des associations coopératives canadiennes, et le Sommet international organisé par le Mouvement Desjardins à Québec du 8 au 11 octobre 2012 attirera 2 000 participants de partout dans le monde, ainsi que 125 conférenciers de renom, dont des titulaires du Prix Nobel.

« Pour ce lancement, nous voulions mobiliser l’ensemble des coopératives et des réseaux coopératifs à travers le Canada. On souhaitait vraiment que tout le monde se sente relié entre les provinces, que ce soit dans le grand Nord, dans l’Ouest canadien, dans les Maritimes, ou ici à Lévis, qui est le berceau de la coopération, on a tous entendu ce message : on est ensemble, et on travaille ensemble pour transformer le monde et faire des coopératives basées sur un monde meilleur. », précise Hélène Simard, présidente directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM).

Francine Ferland, présidente de la Fédération des Coopératives de développement régional du Québec (FCDRQ), souhaite que l’Année 2012 permettra de mettre en évidence le rôle des CDR dans la mise sur pied des coopératives. C’est particulièrement le cas face au défi de la relève d’entreprise, qui nécessitera la création de nombreuses coopératives de travailleurs actionnaires (CTA). « On pense qu’assurer la relève d’entreprise par la formule coopérative va contribuer à garder la propriété de ces entreprises au Québec. »

Si l’ambiance était à la fête en ce jour de lancement, les représentants du mouvement coopératif ont aussi évoqué l’instabilité du contexte mondial dans lequel prend place cette année thématique. Dans un discours bilingue, Mme Leroux a rappelé que « le monde change. La technologie et les moyens de communication ont transformé la vision du village global en réalité. Cette plus grande intégration apporte un grand nombre de défis » (notre traduction).

Les coopératives représentent un milliard de membres à travers le monde. Le septième de l’humanité, tous âges confondus, dans tous les secteurs d’activité. Les 300 plus grandes coopératives au monde, dont huit sont canadiennes, ont généré un volume d’affaires de 1 600 milliards de dollars américains en 2008, soit plus que le PIB du Canada, douzième économie mondiale la même année. 100 millions de personnes occupent un emploi au sein de l’une des 750 000 entreprises coopératives ou mutualistes de par le monde. Le mouvement coopératif et mutualiste constitue donc à la fois une force économique majeure et probablement la plus grande représentation démocratique mondiale existant actuellement.

Jan 122012
 
Demain, qui gouvernera le monde?, par Jacques Attali, est paru en 2011 aux Éditions Fayard. Illustration de couverture

À quelques jours du début de l’Année des coopératives, 2012, certains auront trouvé au pied du sapin le dernier ouvrage de Jacques Attali, Demain, qui gouvernera le monde ?, paru chez Fayard en 2011. À travers un fulgurant voyage dans l’histoire des empires et des puissances qui ont tour à tour scellé le destin de leur temps, l’ancien conseiller politique de François Mitterrand dresse le terrifiant bilan d’un monde de plus en plus complexe et incontrôlable, soumis à des intérêts de plus en plus fragmentés. Il y démontre l’absolue nécessité d’établir une démocratie mondiale pour faire face aux défis énormes de notre siècle, trop lourds pour être convenablement pris en charge par le marché ou par les États. Comment trouver une voie entre ces deux obstacles pour permettre aux « citoyens du monde » de prendre leur place ?

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Déc 082011
 
Les Presses du Fleuve, à Montmagny, sont le dernier bastion de l'imprimerie indépendante des journaux à l'Est de Montréal. Une Coopérative de travailleurs actionnaire y regroupe les employés. Photo: N.Falcimaigne

Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.

Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.

La presse en crise d’adolescence

La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.

Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?

L’information, poumon de la démocratie

Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)

L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?

La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.

Remettre l’économie au service de l’information

L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.

Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).

Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.

 

Déc 082011
 

Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.

Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.

La presse en crise d’adolescence

La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.

Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?

L’information, poumon de la démocratie

Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)

L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?

La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.

Remettre l’économie au service de l’information

L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.

Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).

Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.

Déc 062011
 
En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Photo: Recma

En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Le rédacteur en chef de Recma, revue internationale de l’économie sociale souhaitait y « mesurer les limites de l’économie sociale et solidaire, présenter des pistes pour une critique du capitalisme, puis inviter à une mise en question radicale en proposant des voies de réflexion et d’action générale. » Rejoint par le journal Ensemble, il a confié sa vision des enjeux sur lesquels porteront la tournée de forums régionaux de l’Année des coopératives au Québec. Voici la seconde des deux parties de cette entrevue, dont la première est parue hier.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Lors de la Conférence internationale de Lévis, en septembre 2010, Felice Scalvini a défini le concept de « biodiversité entrepreneuriale ». Cette approche justifie-t-elle des alliances entre les entreprises d’économie sociale et des partenaires privés, et comment réussir de tels partenariats?

Jean-François Draperi : Il me semble essentiel de distinguer d’une part les entreprises privées de proximité, qui, pour le dire vite, s’inscrivent dans le cadre d’une production de biens et services et d’un échange marchand, et, d’autre part, les grandes sociétés de capitaux qui visent ou s’appuient sur la rémunération des capitaux.

Tout ou presque est à faire entre l’économie privée de proximité et l’économie sociale, qui sont complémentaires. L’une des difficultés actuelles réside dans le fait que les financements publics s’assèchent, dans l’action culturelle ou dans l’action sociale, et que les financements privés qui prennent le relais sont susceptibles de fixer des conditions de financement nouvelles. La venture philanthropy ambitionne d’accompagner les bénéficiaires de leurs dons dans la gestion et parfois dans la définition du projet. C’est à cette vigilance que doivent s’exercer les structures de l’économie sociale qui sont en relation avec de nouveaux partenaires économiques afin de veiller à ce que leur projet, leur professionnalité, leur organisation interne, etc ; ne se déplacent pas et ne se banalisent pas.

Il ne sont pas seuls pour y faire face. Le monde syndical incarne, de façon différente mais depuis longtemps, cette confrontation. Il y a une complémentarité à redécouvrir entre les revendication syndicale et l’alternative économique que propose l’économie sociale.

Enfin, les termes d’un rapprochement avec l’économie publique sont également à reconstruire. Les biens communs et les services d’intérêt général ne devraient pas faire l’objet d’appropriation privée et de spéculation et leur gestion devrait être strictement de nature publique ou sociale. Un champ immense d’activités se présente avec la gestion de l’eau, des transports, des sols, de nouvelles monnaies alternatives, etc.

Nous connaissons tous la pression que la gestion capitaliste exerce sur les activités des collectivités publiques et des groupements de personnes : à travers la mise en concurrence des associations, la restriction des budgets publics, l’obligation de suivre des règles assurantielles et bancaires qui mettent en cause la solidarité, la comptabilité exclusivement conçue pour exprimer le rendement des actions (sous le doux vocable de « juste valeur »), la gestion des collectivités, des hôpitaux et des administrations qui reprend le même cadre conceptuel que les sociétés de capitaux, les conséquences directes ou indirectes de cette gestion : marchandisation toujours plus forte de la santé, accroissement des inégalités de traitement, destruction de la planète, etc. Cette gestion à laquelle nous sommes contraints rend toujours plus périlleux le respect de nos valeurs et principes les plus essentiels.

Pour contrer cette forme d’invasion, il faut non seulement innover au niveau de l’entreprise, il faut également se donner des règles et des normes alternatives, et peut-être ne pas oublier que dans certaines situations, les coopérateurs du monde entiers ont fait usage de la désobéissance civile.

Et pourquoi ne pas reprendre la veille idée gidienne de rachat de sociétés de capitaux par les coopérateurs associés ? Si je mentionne cette possibilité qui peut paraître lointaine, c’est aussi parce que je crois important que le mouvement coopératif se donne un horizon qui ne soit pas enserré par, et parfois dans, l’idéologie dominante. L’économie sociale et solidaire est un ensemble d’expériences humaines et économiques non superposables, qui suivent une très grande amplitude. Il faut admettre les errements, les analyser avant de les juger, construire de nouvelles normes et faire coexister la plus grande diversité dans un même ensemble de penser et d’agir, celle précisément de groupes de personnes dont les conditions de formation psychologiques, culturelles, sociales, économiques, historiques et géographiques sont les plus diverses. L’économie sociale et solidaire est, inévitablement, à l’image de cette multiplicité, infiniment variée.

C’est à ce prix qu’elle peut prétendre constituer une alternative. À défaut, elle peut garder des niches et prévenir les agressions, ce qui n’est absolument pas méprisable. C’est simplement une grande désillusion. Mais il n’y a pas de raison qu’elle échoue : s’accorder sur un projet d’économie sociale avec la société civile, les petites et moyennes entreprises, les collectivités publiques et les salariés, c’est s’appuyer sur la société pour transformer l’économie.

Si l’économie sociale et solidaire fait l’effort de mobiliser ses membres pour innover, si elle fait l’effort de développer ses statuts, l’effort de mieux connaître ses fonctionnements propres et de faire reconnaître ses modes d’évaluation, si elle établit des partenariats avec les autres économies du travail, si elle s’allie avec les organisations des salariés pour acquérir et transformer les sociétés de capitaux, alors elle est en capacité de transformer la crise du capitalisme en une mutation au bénéfice de toute la société.

NF : Comment les coopératives peuvent-elles susciter une forte adhésion de leur milieu?

JFD : Elles le font déjà en partie. Mais certainement que l’adhésion serait plus forte si ces entreprises, notamment les coopératives agricoles, réinvestissaient leur territoire, se tournaient davantage au service de la communauté comme les y invite le 7e principe coopératif de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

Par ailleurs, encourager l’intercoopération, sinon l’interconnaissance des différentes structures d’économie sociale sur un territoire contribue à accroître leur visibilité et leur légitimité auprès des habitants et des décideurs. En France, les Chambres régionales de l’économie sociale oeuvrent efficacement à ce décloisonnement et à cette reconnaissance de l’économie sociale dans les territoires. Depuis 3 ans, le mois de novembre est ainsi devenu le « mois de l’économie sociale et solidaire » à l’initiative de ces chambres régionales. Les acteurs locaux proposent des milliers de manifestations publiques, se font connaître. C’est l’occasion pour nos concitoyens de se rappeler que qu’ils sont tous (ou presque) sociétaire d’une banque coopérative, d’une mutuelle de santé, adhérent d’association… et que cela a un sens.

———
Jean-François Draperi est maître de conférences au Cnam et rédacteur en chef de la Recma, www.recma.org
Derniers ouvrages parus : Parcourir sa vie, Se former à l’autobiographie raisonnée, Presses de l’économie sociale, nov. 2010,
L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie, éd. Dunod, oct. 2011

Déc 062011
 

En octobre dernier, Jean-François Draperi publiait L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie. Le rédacteur en chef de Recma, revue internationale de l’économie sociale souhaitait y « mesurer les limites de l’économie sociale et solidaire, présenter des pistes pour une critique du capitalisme, puis inviter à une mise en question radicale en proposant des voies de réflexion et d’action générale. » Rejoint par le journal Ensemble, il a confié sa vision des enjeux sur lesquels porteront la tournée de forums régionaux de l’Année des coopératives au Québec. Voici la seconde des deux parties de cette entrevue, dont la première est parue hier.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Lors de la Conférence internationale de Lévis, en septembre 2010, Felice Scalvini a défini le concept de « biodiversité entrepreneuriale ». Cette approche justifie-t-elle des alliances entre les entreprises d’économie sociale et des partenaires privés, et comment réussir de tels partenariats?

Jean-François Draperi : Il me semble essentiel de distinguer d’une part les entreprises privées de proximité, qui, pour le dire vite, s’inscrivent dans le cadre d’une production de biens et services et d’un échange marchand, et, d’autre part, les grandes sociétés de capitaux qui visent ou s’appuient sur la rémunération des capitaux.

Tout ou presque est à faire entre l’économie privée de proximité et l’économie sociale, qui sont complémentaires. L’une des difficultés actuelles réside dans le fait que les financements publics s’assèchent, dans l’action culturelle ou dans l’action sociale, et que les financements privés qui prennent le relais sont susceptibles de fixer des conditions de financement nouvelles. La venture philanthropy ambitionne d’accompagner les bénéficiaires de leurs dons dans la gestion et parfois dans la définition du projet. C’est à cette vigilance que doivent s’exercer les structures de l’économie sociale qui sont en relation avec de nouveaux partenaires économiques afin de veiller à ce que leur projet, leur professionnalité, leur organisation interne, etc ; ne se déplacent pas et ne se banalisent pas.

Il ne sont pas seuls pour y faire face. Le monde syndical incarne, de façon différente mais depuis longtemps, cette confrontation. Il y a une complémentarité à redécouvrir entre les revendication syndicale et l’alternative économique que propose l’économie sociale.

Enfin, les termes d’un rapprochement avec l’économie publique sont également à reconstruire. Les biens communs et les services d’intérêt général ne devraient pas faire l’objet d’appropriation privée et de spéculation et leur gestion devrait être strictement de nature publique ou sociale. Un champ immense d’activités se présente avec la gestion de l’eau, des transports, des sols, de nouvelles monnaies alternatives, etc.

Nous connaissons tous la pression que la gestion capitaliste exerce sur les activités des collectivités publiques et des groupements de personnes : à travers la mise en concurrence des associations, la restriction des budgets publics, l’obligation de suivre des règles assurantielles et bancaires qui mettent en cause la solidarité, la comptabilité exclusivement conçue pour exprimer le rendement des actions (sous le doux vocable de « juste valeur »), la gestion des collectivités, des hôpitaux et des administrations qui reprend le même cadre conceptuel que les sociétés de capitaux, les conséquences directes ou indirectes de cette gestion : marchandisation toujours plus forte de la santé, accroissement des inégalités de traitement, destruction de la planète, etc. Cette gestion à laquelle nous sommes contraints rend toujours plus périlleux le respect de nos valeurs et principes les plus essentiels.

Pour contrer cette forme d’invasion, il faut non seulement innover au niveau de l’entreprise, il faut également se donner des règles et des normes alternatives, et peut-être ne pas oublier que dans certaines situations, les coopérateurs du monde entiers ont fait usage de la désobéissance civile.

Et pourquoi ne pas reprendre la veille idée gidienne de rachat de sociétés de capitaux par les coopérateurs associés ? Si je mentionne cette possibilité qui peut paraître lointaine, c’est aussi parce que je crois important que le mouvement coopératif se donne un horizon qui ne soit pas enserré par, et parfois dans, l’idéologie dominante. L’économie sociale et solidaire est un ensemble d’expériences humaines et économiques non superposables, qui suivent une très grande amplitude. Il faut admettre les errements, les analyser avant de les juger, construire de nouvelles normes et faire coexister la plus grande diversité dans un même ensemble de penser et d’agir, celle précisément de groupes de personnes dont les conditions de formation psychologiques, culturelles, sociales, économiques, historiques et géographiques sont les plus diverses. L’économie sociale et solidaire est, inévitablement, à l’image de cette multiplicité, infiniment variée.

C’est à ce prix qu’elle peut prétendre constituer une alternative. À défaut, elle peut garder des niches et prévenir les agressions, ce qui n’est absolument pas méprisable. C’est simplement une grande désillusion. Mais il n’y a pas de raison qu’elle échoue : s’accorder sur un projet d’économie sociale avec la société civile, les petites et moyennes entreprises, les collectivités publiques et les salariés, c’est s’appuyer sur la société pour transformer l’économie.

Si l’économie sociale et solidaire fait l’effort de mobiliser ses membres pour innover, si elle fait l’effort de développer ses statuts, l’effort de mieux connaître ses fonctionnements propres et de faire reconnaître ses modes d’évaluation, si elle établit des partenariats avec les autres économies du travail, si elle s’allie avec les organisations des salariés pour acquérir et transformer les sociétés de capitaux, alors elle est en capacité de transformer la crise du capitalisme en une mutation au bénéfice de toute la société.

NF : Comment les coopératives peuvent-elles susciter une forte adhésion de leur milieu?

JFD : Elles le font déjà en partie. Mais certainement que l’adhésion serait plus forte si ces entreprises, notamment les coopératives agricoles, réinvestissaient leur territoire, se tournaient davantage au service de la communauté comme les y invite le 7e principe coopératif de l’Alliance coopérative internationale (ACI).

Par ailleurs, encourager l’intercoopération, sinon l’interconnaissance des différentes structures d’économie sociale sur un territoire contribue à accroître leur visibilité et leur légitimité auprès des habitants et des décideurs. En France, les Chambres régionales de l’économie sociale oeuvrent efficacement à ce décloisonnement et à cette reconnaissance de l’économie sociale dans les territoires. Depuis 3 ans, le mois de novembre est ainsi devenu le « mois de l’économie sociale et solidaire » à l’initiative de ces chambres régionales. Les acteurs locaux proposent des milliers de manifestations publiques, se font connaître. C’est l’occasion pour nos concitoyens de se rappeler que qu’ils sont tous (ou presque) sociétaire d’une banque coopérative, d’une mutuelle de santé, adhérent d’association… et que cela a un sens.

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Jean-François Draperi est maître de conférences au Cnam et rédacteur en chef de la Recma, www.recma.org
Derniers ouvrages parus : Parcourir sa vie, Se former à l’autobiographie raisonnée, Presses de l’économie sociale, nov. 2010,
L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire et démocratie, éd. Dunod, oct. 2011