En 1940, dans sa première édition, la revue Ensemble! s’amusait de la «furie ridicule qui s’est emparée de certains intérêts effrayés par la vogue montante du coopératisme». Le Conseil supérieur de la coopération venait de voir le jour et avait organisé son premier congrès annuel de la coopération. Nous republions aujourd’hui intégralement le premier article paru dans cette revue officielle, ancêtre du journal Ensemble. C’est un texte de Gérard Filion qui pose les bases du mouvement coopératif moderne, et qui est frappant d’actualité. En voici tout d’abord quelques faits saillants.
Les détonations de plus de 200 décibels ont résonné dans le fleuve au large de Cacouna. Du 25 au 30 avril dernier, la compagnie TransCanada réalisait des levés sismiques en vertu d’un permis délivré par Pêches et Océans Canada. Ce sondage du fond marin est nécessaire à la construction du port pétrolier qui fait partie de son projet d’oléoduc Énergie Est, un projet encore non confirmé. Ce secteur est au cœur de la pouponnière de bélugas, dont la période de naissance se tient, en principe, début mai. Ensemble s’est rendu sur place, en kayak.
Ces travaux ont été réalisés avant toute consultation de la population, avant les assemblées du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), et surtout avant même de savoir si l’oléoduc et son port pétrolier seront bel et bien construits. De nombreux citoyens ont vertement dénoncé cette façon de faire, ainsi que le projet lui-même. Une manifestation tenue le 27 avril dernier à Cacouna a réuni près de 500 personnes dans ce village d’à peine 2000 habitants.
Le député fédéral de Haute-Gaspésie – La Mitis – Matane – Matapédia, Jean-François Fortin, a pris part à cette marche de l’église de Cacouna jusqu’au port de mer visé par le projet. Il voit chez le gouvernement Harper «une volonté de promouvoir les projets énergétiques, mais aussi une incapacité réelle de Pêches et Océan Canada de conduire de véritables études environnementales. On a mis à la porte des scientifiques et on a fermé les laboratoires. C’est une stratégie concertée, à mon avis, qui vise à affaiblir notre capacité à réagir et à protéger notre environnement.»
La chasse au béluga
«Ce n’est que le début de manifestations et d’actions pour dénoncer ce type de travaux et les projets qui y sont associés, celui de terminal et l’autre grand projet, celui de pipeline de TransCanada Énergie Est, a prévenu Christian Simard, directeur général de Nature Québec. La loi sur les espèces en péril interdit de chasser le béluga. Chasser, ça veut dire aussi « le harceler, le prendre, le menacer, le poursuivre ». Actuellement, TransCanada a ouvert la chasse au béluga du Saint-Laurent. C’est interdit et ça ne doit pas se faire.»
Un représentant de TransCanada chargé des études d’impact environnemental a confirmé que l’exposition au bruit des levés sismiques causerait «la surdité» chez les mammifères marins qui seraient à proximité. La zone d’alerte est de 3 km autour du bateau, qui ne peut procéder si un béluga se trouve dans un rayon de 500 m. Les autres mammifères marins seraient tout aussi affectés, mais ces précautions ne sont imposées que pour les espèces dites «en péril». Les phoques communs observés lors de nos sorties sur le fleuve dans la zone des travaux sont donc ignorés par la surveillance, dont le mandat a été confié au Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM).
Profits privés, risques publics
Le porte-parole de TransCanada pour le projet d’Oléoduc Énergie Est, Philippe Cannon, a pour sa part refusé de révéler le montant prévu des profits annuels à la clé de ce projet de 12 milliards de dollars pour la compagnie privée. L’oléoduc projeté traversera le Québec, franchissant la rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent, pour acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta aux raffineries de Montréal, de Québec et de Saint-John au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’aux lucratifs marchés d’exportation.
Ces projets d’infrastructures sont motivés par la forte consommation de pétrole et par sa vente à l’étranger, qui dope l’économie du Canada. «On ne pourra pas s’en sortir tout seuls. C’est un effort collectif qui va probablement prendre beaucoup de temps, mais on garde espoir que ça va se faire, et qu’on pourra un jour tous se libérer de notre dépendance au pétrole», a lancé Jason Rivest, porte-parole des Pétroliques Anonymes, un groupe militant de Rivière-du-Loup.