Mons, Basques & Trois-Pistoles

Alors que nous fêtons le quatrième centenaire du premier établissement en Acadie, la fondation de Port-Royal par le Sieur de Mons, il convient de tisser les liens qui s’imposent entre ce jalon d’histoire nationale & les fondements de notre histoire locale.

Le texte a d'abord été publié dans L'Écho des Basques, n°26
Le texte a d'abord été publié dans L'Écho des Basques, n°26

S’il faut d’emblée reconnaître que les Basques sont aussi absents de notre histoire nationale que Pierre du Gua de Mons, notons aussi qu’au niveau local, leur venue est souvent considérée comme un élément étranger à l’établissement des premiers colons pistolois. Pourtant, c’est à l’intersection de la fréquentation de l’Île-aux-Basques par les Basques & du rôle joué par Pierre du Gua de Mons en Nouvelle-France qu’apparaît clairement l’hypothèse la plus crédible à ce jour quant au nom même des Trois-Pistoles.

Sans prétendre apporter quelque nouveauté historique par des recherches approfondies, nous nous contenterons ici de mettre en lien les résultats des fouilles de la fin du siècle dernier à l’Île-aux-Basques, tels que mis en valeur au Parc de l’aventure basque en Amérique & les hypothèses se dégageant des travaux de J.-François Beaulieu déjà parus dans L’Écho des Basques (vol.2, n°1, pp. 34 à 42 & vol.4, n°1, pp. 57 & 58).

Comme chacun le sait, les Basques fréquentèrent l’Île-aux-Basques de 1584 à 1637, dates établies par les fouilles archéologiques. Ils y chassaient la baleine, comme en témoignent les vestiges de fours imposants encore visibles, mais c’est un tout autre commerce qui les attirait spécifiquement sur notre petite île. Celle-ci était précisément située au carrefour de deux routes commerciales naturelles, qu’empruntaient les nations amérindiennes. Les iroquoïens parcouraient le fleuve Saint-Laurent entre Hochelaga & Gaspé, tandis que les algonquiens utilisaient le fleuve Saint-Jean, la rivière Madawaska, le lac Témiscouata, la rivière des Trois-Pistoles & le Saguenay entre la Cadie & le Grand Nord. L’Île-aux-Basques était donc l’endroit tout désigné pour traiter avec le plus grand nombre de groupes amérindiens, qui amenaient chacun leur lot de fourrures.

À la fin du XVIe siècle, les Basques avaient donc trouvé ici une façon de diversifier leurs activités, réduisant d’autant leurs risques de rentrer bredouilles au pays. En plus de chasser la baleine, ils échangeaient divers objets de métal & de verroterie  contre des fourrures de castor dont le fin duvet servait à la confection de chapeaux de feutre très prisés en Europe. Bien vite, ce commerce prit une place importante dans la rentabilité de leurs expéditions, tout en établissant une relation d’affaires, d’amitié et de partenariat entre un peuple européen et des nations amérindiennes, phénomène inusité dans l’histoire de l’Amérique. Les liens entre Basques et Amérindiens furent si étroits que plusieurs mots apparurent d’un métissage entre l’euskara, langue des Basques et les dialectes amérindiens de l’estuaire. Si bien qu’un capitaine basque, Micheau de Hoyarsabal, n’hésita pas à renvoyer son navire au pays et à rester seul avec les Amérindiens pour poursuivre la traite pendant tout l’hiver 1587.

Or, en 1599, le roi de France accorda le monopole de la traite des fourrures en Nouvelle-France à une seule compagnie. Les Basques qui ne cessèrent pas leurs activités pelletières devinrent donc des contrebandiers, hors-la-loi contre qui s’exerçait le monopole très convoité par les commerçants & explorateurs français. Ce privilège fut accordé à Pierre du Gua de Mons en 1608. Il nomma alors Samuel de Champlain son lieutenant particulier & leur compagnie fit, entre autres, la guerre aux Basques installés sur l’Île-aux-Basques, pour l’accès aux pelleteries qui se transigeaient à l’embouchure de la rivière des Trois-Pistoles.

C’est lors d’une telle expédition que, selon une légende, un matelot aurait échappé son gobelet dans la rivière, s’écriant «Trois pistoles de perdues!». C’est à cet événement fâcheux que l’on attribue généralement l’origine du nom de Trois-Pistoles. Toutefois, comme nous le verrons, un autre élément est à considérer dans l’explication de ce toponyme.

Extrait de la carte de Jean Guérard (1631), déjà parue dans L'Écho des Basques, vol. 4 n°1, 1983
Extrait de la carte de Jean Guérard (1631), déjà parue dans L'Écho des Basques, vol. 4 n°1, 1983

Au grand dam de Champlain & de Mons, les Basques n’étaient pas les seuls à leur disputer l’accès à notre petite rivière. Sur l’Île-aux-Pommes & sur l’Île-Verte étaient retranchés des Rochelais, entre autres, aussi illégaux que les Basques quant au monopole accordé par le roi. Les vaisseaux de la compagnie titulaire du monopole devaient donc livrer bataille trois fois avant d’atteindre la rivière, qu’une carte de 1631 nomme pour la première fois «R. de 3 Pistolets».

De là à conclure que le nom de Trois-Pistoles vient de l’obligation de croiser trois fois le pistolet pour atteindre l’embouchure de la rivière, il n’y a qu’un pas. Pour le franchir, il faudra d’autres recherches mettant au jour des documents additionnels. Même si les écrits de J.-François Beaulieu contestent la vraisemblance historique de la légende du gobelet échappé telle que rapportée par Charles-A. Gauvreau & Mathias D’Amours, les deux explications restent plausibles jusqu’à nouvel ordre. Peut-être est-ce même la conjugaison des deux faits qui a solidement ancré le toponyme à notre rivière &, plus tard, à notre ville.

Que l’une ou l’autre des hypothèses soit retenue, ou même les deux, il reste à se demander quelles ont pu être les conséquences de l’appropriation de ce nom, tiré des vocabulaires martial et/ou monétaire, sur le développement de dynamiques sociales, économiques, politiques & culturelles bien spécifiques aux Trois-Pistoles.

Le Québec: pour un oui ou pour un non

Le 30 octobre 1995, la souveraineté du Québec s’est vue refusée par 50,6 % de sa propre population. Peu après, un sondage révélait que 65 à 70 % des québécois désiraient que leur gouvernement provincial perçoive tous leurs impôts et taxes, vote toutes leurs lois et puisse prendre unilatéralement toutes les décisions politiques les concernant, ce qui correspond à la définition de «souveraineté d’un pays». Histoire d’un nationalisme craintif…

Illustration: Nicolas Falcimaigne
Illustration: Nicolas Falcimaigne

 

 

Il faut remonter au Moyen-âge pour comprendre ce problème à la fois si simple et très compliqué. De tous temps, les Anglais et les Français se sont fait la guerre. Évidemment, ils se sont disputés des colonies, dont le Canada. Les Français furent, après les nations amérindiennes, les premiers habitants de ces «quelques arpents de neige». C’est d’eux dont descendent la plupart des Québécois. L’Anglais arriva ensuite, lors de la guerre de Sept ans, prenant en quelques batailles (Québec en 1759 et Montréal en 1760) possession du territoire vaste et mal défendu de la Nouvelle France. Ce fut leur quatorzième colonie, dont la partie habitée par les Français prit le nom de «Province of Quebec». Ensuite, bien que les choses aient évolué de diverses façons et que le Canada soit devenu, en 1867, une fédération, nous pouvons dire que pendant deux cent trente-deux ans, les Canadiens-Français luttèrent contre l’acculturation et surent garder leur intégrité culturelle et linguistique. Ce ne fut malheureusement pas sans heurts: la «Révolution des Patriotes», en 1837-38, fut particulièrement sanglante car la répression anglaise était à la mesure de la hargne patriotique des Canadiens-Français.

Bien que le combat soit aujourd’hui moins violent, plus culturel et économique, il n’en reste pas moins réel. Aujourd’hui, presque sept millions de Québécois francophones font face à plus de vingt millions d’anglophones Canadiens, lesquels ont des idées radicalement différentes des leurs et le soutien du gouvernement fédéral, ce qui crée évidemment un continuel désaccord et une énorme perte de temps en vaines et infructueuses discussions. Deux accords constitutionnels ont récemment été tentés: l’accord du Lac Meech, en 1990, et celui de Charlottetown, en 1992. Ils se sont tous deux soldés par un échec. Il est donc logique que, les compromis faisant jusqu’alors défaut, le Québec ait pour volonté de devenir un pays souverain, d’accéder à la maîtrise de ses décisions, de son budget, et arrêter de perdre du temps en négociations stériles. C’est pour cela que, par deux fois, les Québécois se sont rendus aux urnes. À deux reprises, ils ont eu peur. Le 20 mai 1980, le «NON» l’a emporté par 59,5% et, en octobre dernier, les partisans du «OUI» ont encore été déçus… par 53 498 voix!

Pourquoi? L’amère question se retrouve sur les lèvres de la moitié des électeurs québécois.

Lors de cette campagne, il semble y avoir eu moins d’enthousiasme de la part des indépendantistes qu’en 1980. En effet, leur chef, Jacques Parizeau (Premier ministre du Québec jusqu’au début 1996), ne vaut pas celui de l’époque: René Lévesque. Il est jugé moins sympathique et moins populaire par la majorité des Québécois, qui disent avoir élu le parti, mais pas l’homme. M. Parizeau n’a donc pas par lui-même propulsé le camp du «OUI» en tête des sondages. Et encore, la défaite aurait été radicale s’il avait été seul. Ce qui a sauvé l’honneur à la fois de la francophonie, du Québec, du projet souverainiste et de ses partisans, c’est la nomination de Lucien Bouchard, chef de l’opposition au gouvernement fédéral (Bloc Québécois), comme négociateur en chef d’un futur «Partenariat» avec le Canada, ce qui l’a introduit de façon officielle dans la campagne référendaire. Le résultat de cette nomination fut ce qui prit rapidement le nom d’«Effet Bouchard». Effectivement, cet homme populaire et rassembleur effectua un parcours sans faute qui valut le sauvetage de la cause référendaire.

Même si la déception des souverainistes est aussi aiguë que leur échec est serré, il n’en est pas moins que ce résultat est – après la victoire du «OUI», évidemment – ce qu’ils pouvaient attendre de mieux du référendum. Le pire aurait été pour eux la déconfiture totale, qui aurait mis un point final à toutes ces discussions constitutionnelles et ridiculisé le statut de «Société distincte» du Québec. Par ailleurs, une défaite semblable à celle de 1980 aurait perpétué le statu-quo et les luttes constitutionnelles qui s’éternisent déjà. En revanche, même si la victoire du «OUI» aurait été une solution radicale à ces problèmes, ce résultat serré propose une solution partielle et ouvre la voie à de nouvelles discussions.

Enfin les Québécois se sont vus reconnaître comme «Société distincte» et enfin ils auront leur mot à dire dans l’Amérique du Nord, cette mer anglophone. Le gouvernement canadien devra maintenant tenir compte du risque souverainiste. En dépit du résultat, le véritable vainqueur de ce scrutin est la démocratie. L’incroyable taux de participation (94%) pulvérise tous les records et offre un exemple pour le reste du monde, car il est généralement peu courant que les débats nationalistes soient l’objet d’un référendum. Et les Québécois en sont déjà à leur deuxième expérience.

Paru dans le journal étudiant Ste Fa’ctualités (Amiens, France) de janvier 1996

Le statu quo n’est pas une option

Depuis sa fondation il y a un quart de siècle, l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) lutte pour l’obtention d’une loi qui impose la négociation collective des conditions de travail des journalistes à la pige avec les entreprises de presse. Pendant ce temps, la concentration de la presse a réduit le nombre d’éditeurs à quelques immenses conglomérats face auxquels les journalistes indépendants peinent à faire respecter leurs droits. L’AJIQ a donc organisé les États généraux du journalisme indépendant, qui se sont tenus le 28 septembre dernier à Montréal. Nous avons rencontré sa présidente, Mariève Paradis, pour faire le point sur le nouvel espoir qu’a apporté cet événement.

Continuer la lecture de Le statu quo n’est pas une option