Mai 132012
 

Il est impossible de gagner une élection au Québec sans avoir le soutien d’un grand groupe de presse. C’est ce qu’affirmait l’ancien président du Conseil de presse du Québec, Raymond Corriveau*, à l’émission Enquête diffusée le 3 novembre dernier à Radio-Canada. La conduite de l’État serait entre les mains de groupes financiers qui échappent au contrôle des citoyens, pensent plusieurs analystes dont notamment le journaliste et essayiste Hervé Kempf, la vitrine d’un système oligarchique contrôlé par quelques uns au profit d’une minorité.

À l’occasion du Printemps québécois, et au premier chef de la plus longue grève étudiante de l’histoire récente du Québec, la collusion entre les grands groupes de presse et le pouvoir s’est illustrée à plusieurs reprises. Elle a permis au gouvernement Charest de fixer l’attention des citoyens sur la grève étudiante, un sujet qui le fait progresser dans les sondages. La couverture sélective des épisodes violents de la grève, en plus de détourner l’attention du débat fondamental sur les frais de scolarité, a permis d’éclipser encore plus totalement les controverses qui mettent le gouvernement dans l’embarras: Plan Nord, gaz de schiste, exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent, exploitation de l’uranium, réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2, enquête sur l’industrie de la construction et la corruption.

Dès que le conflit étudiant sera réglé, tous ces sujets reviendront sur la table et pourraient menacer la réélection du Parti libéral. L’opposition, qu’elle prenne la forme d’un parti ou d’une coalition, est prête à livrer la bataille et à reprendre le pouvoir. Si elle le fait, elle devra pouvoir compter sur l’appui d’au moins un grand groupe de presse et de plusieurs autres commanditaires. Une fois au pouvoir, elle devra rendre des comptes à ces généreux partenaires.

Ainsi va le jeu de l’alternance, et il pourrait bien emporter avec lui les espoirs du Printemps québécois, portés le 22 avril par 300 000 manifestants. Comment faire en sorte que le Printemps québécois ne soit pas capturé par la politique partisane, au seul profit de la prise du pouvoir par une formation politique? Comment faire en sorte que cette deuxième révolution tranquille apporte non pas seulement un changement de gouvernement, comme la première, mais bien un véritable changement de régime politique?

Au cours de la dernière année, notre équipe a porté un intérêt particulier au dossier de la réforme démocratique. Il se dégage de cette couverture que la seule façon de ne pas reconduire les dynamiques du passé est de créer une véritable constitution, une loi fondamentale qui régit toutes les décisions des élus et qui relève directement des citoyens. Cette constitution ne devra pas être construite par un parti politique, ni par l’Assemblée nationale, car les élus sont en conflit d’intérêt sur cette question.

La suite logique du Printemps québécois, qui lui donnera toute sa portée, c’est donc la convocation d’une Assemblée constituante qui élaborera le nouveau système démocratique du Québec par la rédaction d’une constitution. Il est grand temps que le Québec remplace ses institutions médiévales, coloniales et anglo-saxonnes par une constitution moderne à son image, qui pourra inspirer les autres peuples du monde.

Cette constitution devra prévoir une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Elle devra aussi enchâsser le droit d’accès à l’information et le financement de la presse indépendante, de façon à protéger ce quatrième pilier de la démocratie des trois autres. L’ensemble de ces nouvelles institutions devra enfin être mis à l’abri de l’influence du pouvoir financier.

Mai 042012
 

Montréal, journal EnsembleLe 22 avril dernier, des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Montréal pour marcher pour le Jour de la Terre. Dans plusieurs autres régions du Québec, les citoyens ont emboîté le pas. Deux jours après l’évènement, l’organisateur Dominic Champagne a accueilli le journal Ensemble chez lui pour une entrevue de fond sur les enjeux relatifs au Printemps Québécois et sur les défis à relever pour poursuivre le mouvement.

«Le Plan Nord, ce n’est pas strictement le plan de Jean Charest, c’est le projet des intérêts qui ont mis Jean Charest au pouvoir pour faire la promotion de leurs intérêts. C’est ça qui est en jeu. L’industrie gazière, l’industrie pétrolière, l’industrie forestière, l’industrie minière, l’industrie de toute l’ingénierie qui supporte ça, elle contribue à la caisse du parti.» – Dominic Champagne Photo: Nicolas Falcimaigne

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble – Que penser de la participation du public à ce grand rassemblement du 22 avril ? Comment cette aventure a-t-elle débuté ?

Dominic Champagne – Je suis très fier, très heureux et très fatigué de toute cette épopée-là. Pour moi, ç’a vraiment commencé avec la question des gaz de schiste, l’année dernière. Il y a quelque chose qui m’avait choqué dans l’attitude des gazières et du gouvernement, et dans le sentiment de résignation ambiant que je voyais chez les citoyens, un sentiment d’impuissance. Beaucoup de gens au départ me disaient : « Ça ne sert à rien, pourquoi tu fais ça ? » Parce qu’il ne faut pas se laisser faire. On était une poignée au début à essayer de créer des assemblées d’information dans les villages pour intéresser les gens aux gaz de schiste. […] Toute la question des gaz de schiste, ça m’a ouvert les yeux. Ce que j’ai fini par comprendre, c’est que ça s’applique à l’ensemble des ressources, au dossier du pétrole, au dossier des mines, au dossier des forêts… Il y a un enjeu qui est important, global, un enjeu de richesses collectives, dont le gaz de schiste, pour moi, a été le révélateur. […] Lire la suite »

Mai 022012
 

«Quand toutes les localités du Québec vont avoir réussi à rétablir le courant civilisateur, le Québec va être un merveilleux coin de pays.» C’est sur ces mots du président d’honneur Claude Béland que s’est ouvert aujourd’hui à Wakefield, dans la vallée de la Gatineau, le Forum coopératif de l’Outaouais. Dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, la Coopérative de développement régional (CDR) Outaouais-Laurentides a voulu faire de cet événement une vitrine pour trois initiatives qui ont vu le jour récemment.

À partir de ces trois exemples de coopératives, qui contribuent à «rétablir le courant civilisateur», les participants ont discuté des enjeux de la diversification économique, de la vitalité des milieux et de la solidarité locale, ainsi que de l’identité et de l’appartenance.

Du bon lait fait par tout le monde

La célèbre Laiterie de l’Outaouais est une société à capital-actions dont sont actionnaires deux coopératives, annonce d’entrée de jeu le directeur général de la Coopérative de développement régional, Patrick Duguay. «La première est une coopérative de consommateurs dont les 700 membres consomment les produits, et s’engagent aussi à faire la promotion de cette laiterie et des produits régionaux, précise-t-il. La deuxième est une coopérative de travailleurs actionnaire qui regroupe les salariés de la laiterie, qui étaient cinq au début et qui sont maintenant 15 après 18 mois d’opération.»

À travers une conférence percutante, le président de la Chambre de commerce de Gatineau, Antoine Normand, a tracé l’histoire épique de cette réappropriation de l’industrie laitière par les citoyens de la région. «La concentration de la production laitière a frappé toutes les régions, rappelle Claudine Lalonde, coordonnatrice de la promotion et de l’éducation coopérative à la CDR Outaouais-Laurentides. Ici en Outaouais, la collectivité s’est mobilisée et ce projet a eu un impact important sur la consolidation de l’identité outaouaise, car c’est un produit de grande consommation et ancré dans notre quotidien.»

Antoine Normand, président de la Chambre de commerce de Gatineau

Grande séduction réussie

Élu en 2005 sur la promesse de mettre sur pied une coop de santé pour augmenter le nombre de médecins (un seul à l’époque pour près de 5000 dossiers), Maurice Boivin, maire de Thurso, a d’abord vérifié l’intérêt des citoyens en tenant une rencontre publique. Plus de 100 personnes y ont participé et douze personnes ont constitué un comité provisoire. Cette mobilisation a permis à la coopérative de compléter le montage financier. Elle a même pu racheter dès 2007 le bâtiment, que la Ville avait pris à sa charge.

Le recrutement de médecins supplémentaires s’est imposé comme une nécessité. L’adhésion à un Groupe de médecine familiale (GMF) a permis l’ajout d’une infirmière clinicienne, et la Coopérative de solidarité en soins de santé de Thurso compte aujourd’hui 1200 membres trois médecins. D’autres médecins sont intéressés à s’installer à Thurso. La Coopérative a un projet d’agrandissement de 250000$, qui va permettre d’ajouter cinq bureaux pour les nouveaux médecins et de nouveaux services.

Pour le maire Boivin, l’enjeu est plus large que la santé. C’est tout le développement de la communauté qui tient à ce projet. «Dans une municipalité, on parle souvent de l’enjeu d’attirer de nouveaux résidents. Il y a deux ingrédients importants pour une jeune famille, souligne-t-il: une école et des services de santé.»

Maurice Boivin, maire de Thurso

Solidarité au marché

Appelé à parler du Marché de solidarité régionale de l’Outaouais (MSRO), une coopérative de solidarité sans but lucratif qui offre plus de 2000 produits locaux préparés par 42 producteurs, Normand Bourgault, professeur au département des sciences administratives de l’Université du Québec en Outaouais, a consacré sa conférence à l’analyse de la construction identitaire des individus et des collectivités.

«Les coopératives sont des instruments de changement social, illustre-t-il. Nous sommes ce que nous construisons ensemble.» Le MSRO est un système d’achat hebdomadaire à commande Internet, une interface qui permet aux membres producteurs et consommateurs de transiger directement.

Normand Bourgault, professeur au département des sciences administratives de l’Université du Québec en Outaouais

Cela demande plus d’effort et de planification que d’aller à l’épicerie en sortant du travail, concède le chercheur. L’étude qu’il a réalisée au cours de la dernière année révèle que les membres sont motivés par:

  • Acheter localement
  • Participer au développement régional
  • Maintenir une agriculture régionale bien vivante
  • La recherche de source d’aliments locaux
  • Encourager les producteurs locaux, une cause qui me tient à cœur
  • Encourager l’économie locale
  • Manger et faire manger des produits qui viennent de producteurs locaux
  • Acheter chez-nous c’est important
  • S’impliquer envers sa région
  • Fierté de servir des produits locaux

Le professeur Bourgault associe toutes ces motivations à la promotion des valeurs des répondants et à leur volonté d’«exprimer ce que nous sommes». Le Marché de solidarité est donc pour lui un creuset de l’identité outaouaise.

Avr 152012
 
Philippe et Thomas. Photo: Mouski

Philippe et Thomas.
Photo: Mouski

Le 4 mars dernier, les membres de la Coopérative de ski de fond Mouski ont convié la population à une journée portes ouvertes, histoire de souffler les dix bougies du centre de plein-air. Cité parmi cinq lieux québécois d’entraînement de ski de fond classique par l’édition de janvier de la revue Espaces, Mouski doit son succès à l’engagement bénévole de ses membres.

« C’est un beau succès, mais il y a beaucoup de bénévolat, souligne le trésorier, Claude Doucet. Si on payait du salaire pour tout, c’est sûr qu’on n’arriverait pas. Mouski, c’est l’implication des bénévoles. Ce sont eux qui tracent les pistes, ce qui permet d’ouvrir 7 jours sur 7. L’entretien ménager est bénévole. Les rénovations sont des corvées. À la billetterie, 3 jours sur 7 sont assumés par des bénévoles. »

Journée portes ouvertes

La journée portes-ouvertes a permis d’amasser 884$ de dons qui ont été remis à l’organisme d’aide alimentaire Moisson Rimouski-Neigette. « Ça a été une belle activité, un succès malgré les conditions de pluie passagère », analyse M. Doucet. Un feu a été allumé pour réchauffer les randonneurs et un ravitaillement a été organisé aux différents refuges qui ponctuent le parcours.

Répondre à un besoin

C’est la fermeture des pistes de ski de fond d’un centre de ski de la région qui a poussé les fondeurs à fonder une coopérative, notamment pour acheter une machine surfaceuse permettant de tracer des pistes de ski patin. Motivés, les 80 fondateurs ont fourni 500$ chacun en 2002. La caisse Desjardins locale a fourni un investissement équivalent à la moitié de celui des membres, tandis que la Ville de Rimouski a fait un don de 20000$.

La première machine surfaceuse Bombardier BR160 a ainsi pu être achetée au coût de 73000$.

La coop s’est installée au Club des Raquetteurs de Sainte-Blandine, situé à environ 20 kilomètres du centre-ville de Rimouski. Sa mission était de faire de cet endroit le centre par excellence de la pratique du ski de fond dans la région du Bas-Saint- Laurent pour les gens de tout âge.

Après deux années d’opération, la coopérative a acheté le chalet du Club des Raquetteurs, un bâtiment de 300 mètres carrés qui peut accueillir plus de 200 personnes. Un an plus tard, le Club des Raquetteurs changeait de nom pour celui de Centre de plein-air Mouski.

En 2006, la première coopérative a été fusionnée avec le Centre et la Coopérative de ski de fond Mouski a été créée. Les parts de qualification ont été réduites à un montant de 100$ et les membres de la coopérative initiale, ayant souscrit 500$, ont transféré 400$ chacun en parts privilégiées. La Coopérative ne verse aucune ristourne à ses membres car elle est sans but lucratif.

Engagement financier

Signe que l’investissement des membres est tangible, la grande majorité des membres conserve ses parts privilégiées dans la coopérative plutôt que de les retirer lorsque la loi leur permet, tous les trois ans, fait remarquer M. Doucet.

En 2009, cette capitalisation a permis de compléter l’achat de la nouvelle surfaceuse (Prynott Husky), au coût de 224000$ avec une subvention de 150000$ de Développement économique Canada.

Plus de 30 km de pistes sont tracés pour le pas classique et 21 km pour le pas de patin. Sur les parcours, quatre petits refuges chauffés sont à la disposition des skieurs. Les sentiers de raquettes comptent une quinzaine de kilomètres de pistes balisées dans un environnement varié et de difficulté moyenne.

Le défi de la relève

Pour assurer la relève, la coopérative ouvre ses portes à des groupes d’élèves du primaire, du secondaire et du collégial. Elle offre aussi des sessions d’initiation au ski et d’amélioration des habiletés à plus de 50 jeunes dans un programme de 10 semaines et de 5 niveaux, avec des formateurs accrédités.

Le centre est l’hôte de compétitions nationales et son équipe de compétition s’y distingue souvent.

Avr 152012
 
«On a vu les banques, ces dernières années, se planter royalement à travers toute la planète, et on a vu le Mouvement Desjardins se faire envoyer des lauriers, comme une des institutions financières les plus solides aux monde», s'est exclamé Jacques L'Heureux, ici en compagnie de Gérald Larose, respectivement présidents de la Caisse de la culture et de la Caisse d'économie solidaire Desjardins. Photo: N.Falcimaigne

«On a vu les banques, ces dernières années, se planter royalement à travers toute la planète, et on a vu le Mouvement Desjardins se faire envoyer des lauriers, comme une des institutions financières les plus solides aux monde», s’est exclamé Jacques L’Heureux, ici en compagnie de Gérald Larose, respectivement présidents de la Caisse de la culture et de la Caisse d’économie solidaire Desjardins.
Photo: N.Falcimaigne

Montréal, métropole du Québec, est souvent identifiée comme son moteur économique, alimenté par l’activité de grandes entreprises et d’un secteur financier important, qui rayonne sur le monde entier. Sous la surface de ces eaux tumultueuses, régulièrement secouée par les tempêtes financières, se cache une véritable vague de fond: le mouvement collectif d’un grand nombre de coopératives, qui mobilisent les citoyens tout en constituant un pilier durable de la santé économique et sociale de Montréal et du Québec. Premier article d’un dossier paru dans notre édition papier.

Elles sont près de 800 à Montréal, réparties dans des secteurs allant des services de garde aux services funéraires, en passant par l’habitation, les arts et la culture, ainsi que les commerces et les services. Ces entreprises urbaines qui ne sont pas soumises à la «dictature du trimestre», ce sont des coopératives. Une fourmillière qui alimente plus qu’on le croit la vitalité de la métropole.

Caractérisé par la présence d’un plus grand nombre de coopératives de travail et de travailleurs actionnaires qu’ailleurs au Québec, le mouvement coop montréalais place les travailleurs aux commandes de l’entreprise, un facteur important de rétention de la main d’œuvre dans un marché si concurrentiel.

En plus des 68 coopératives de travail, il existe à Montréal 12 coopératives de travailleurs actionnaires, nées pour la plupart depuis 2001 et dont 8 touchent les technologies et l’informatique.

L’habitation

En tête de liste, les coopératives d’habitation répondent à un besoin essentiel, celui de se loger. Ensemble, elles représentent trois coop sur quatre à Montréal et mettent à l’abri de la spéculation immobilière un peu plus de 15 000 logements.

Les membres des coopératives d’habitation sont collectivement propriétaires de leur entreprise tout en étant locataires de leur logement individuel. Ils consacrent en moyenne 11 heures par mois aux activités nécessaires à la bonne marche de leur coopérative.

Toutes les sphères de la société sont représentées dans les coopératives d’habitation, mais les femmes (65 %), les personnes à faibles revenus (50 %) et les personnes seules (45 %) sont en plus grand nombre, selon les données de l’enquête sur le profil socioéconomique des membres des coopératives d’habitation, réalisée en 2007 par la Confédération québécoise des coopératives d’habitation (CQCH).

Privilégiant la mixité sociale, les coopératives d’habitation sont des organisations démocratiques qui valorisent la prise en charge personnelle et mutuelle, ainsi que l’acquisition d’un bagage de connaissances par leurs membres. Lieux d’intégration, elles permettent à leurs membres résidents de créer des liens, de partager des expériences et d’éviter l’isolement. En ce sens, elles favorisent aussi l’intégration des immigrants qui, chaque année, choisissent de vivre dans le Grand Montréal.

Les arts et la culture

Le secteur des arts et de la culture contribue au statut de «métropole culturelle» qui fait la renommée de Montréal. Parmi les 84 coopératives en arts et culture qui se trouvent au Québec, le plus grand nombre au Canada, 36%, sont situées dans la grande région métropolitaine.

Un des porte-parole de la campagne Je coop, le comédien Jacques L’Heureux, président de la Caisse de la Culture et mieux connu par les jeunes générations dans son rôle de Passe-Montagne, confirme que la coopération est essentielle dans le monde artistique. «Nos membres, qui sont des artistes pigistes, donc des entrepreneurs indépendants, des travailleurs autonomes, ne trouvaient pas de place dans les banques. La création de notre caisse a permis à énormément d’artistes d’accéder à la propriété et d’avoir des services financiers sans se faire demander “on veut que ton père signe pour nous”.»

Les commerces et les services

La représentation des coopératives dans le secteur tertiaire est à l’image de l’économie montréalaise en général. En plus des coops en alimentation de tout genre (cafés, bistros, etc.), on y retrouve les coopératives de services à domicile, des centres de la petite enfance, les coopératives funéraires et des commerces de détail.

Elles donnent aux Montréalais l’accès à des produits et services couvrant tous les aspects de la vie quotidienne, en allant du plein-air (Mountain Equipment Coop) aux livres et matériel scolaire (Coopsco), en passant par des produits de consommation responsable et des services en lien avec la communauté (FibrEthik, La Maison verte), la conception graphique, l’imprimerie, et même le taxi.

Pour se procurer des produits et des services, les citoyens s’organisent parfois en groupes d’achats et forment des coopératives de consommation qui rejoignent tous les publics. Par exemple, la Coopérative des employés de Radio-Canada et la Coopérative de consommation des employés d’Hydro-Québec constituent d’importants avantages pour les travailleurs de ces entreprises.
Montréal, le siège des grands réseaux

Les grands centres d’affaires et les sièges sociaux de plusieurs grandes coopératives se retrouvent à Montréal. La Fédération des caisses Desjardins y compte, en incluant les caisses de groupes, 67 caisses, qui gèrent ensemble un actif de 21,8 milliards $ et 41,6 milliards $ de volume d’affaires. Elle compte, sur l’île de Montréal, 856 846 membres. Les caisses populaires Desjardins versent 7,5 millions $ en commandites, dons et bourses, ainsi que près de 50 millions $ en ristournes chaque année dans la métropole.

La Coop Fédérée, cinquième plus gros employeur au Québec, dont le chiffre d’affaire s’élève à 4,6 milliards $, a également son siège social à Montréal. Agropur, qui est le plus important transformateur laitier coopératif au Canada avec plus de 3 milliards de litres de lait annuellement, a lui aussi son siège social dans la région métropolitaine (Longueuil). Montréal compte enfin d’importants centres d’affaires du domaine des services d’assurances, représentés par les mutuelles que sont La Capitale, Promutuel et SSQ Vie.

Des entreprises résistantes

Le taux de survie des coopératives est le double de celui des entreprises privées, après 5 ans et même 10 ans d’activité. Les coopératives de consommateurs, notamment, survivent à 82 % et 66 % après respectivement 5 et 10 ans d’activité. Au chapitre de la résilience, les coopératives scolaires sont en tête, avec 84 % et 67 %, après 5 et 10 ans d’activité. Viennent ensuite les services-conseils, l’hébergement et la restauration, qui affichent des taux de survie de loin supérieurs à ceux des entreprises privées traditionnelles.

Si le taux de survie des coopératives est marqué par des différences selon le secteur d’activité investi, les entreprises privées connaissent quant à elles des taux de survie relativement uniformes, indépendamment du secteur d’activité.

Le déplacement des populations vers la ville et l’immigration interpellent le mouvement coopératif, qui devra développer des modèles spécifiquement adaptés à ces enjeux. Le projet Coopérative Entreprise Partagée vient d’être lancé à Montréal, compte déjà 16 femmes membres issues de l’immigration au sein de cette première initiative innovante du genre en Amérique du Nord.

Rappelons que la métropole est la seconde ville en importance au Canada et qu’elle accueille 88,6% de toute la population immigrante du Québec.

Avr 152012
 

Le faible taux de participation aux élections est souvent pointé du doigt pour illustrer le cynisme des citoyens, alors que la classe politique promet de leur «redonner confiance». Dans plusieurs pays, les citoyens ont entrepris de convoquer une assemblée constituante pour remettre en question le système politique lui-même, et pour se donner de nouvelles institutions démocratiques.

Plusieurs milliers de citoyens de tout âge et de toute condition sociale ont récemment pris la rue pour crier leur mécontentement. Des Indignés aux étudiants, en passant par les opposants à l’exploration gazière, ces citoyens sont loin d’être un groupuscule marginal. Ils se décrivent comme les «99%» face au «1%» qui détient le pouvoir. Ils sont là pour réclamer le retour de la démocratie.

Qu’ils soient militants sociaux, environnementaux, qu’ils défendent des causes culturelles, morales ou économiques, les citoyens les plus engagés se sont tous heurtés un jour au mur de la politique partisane, au-delà duquel le débat public est confisqué par les intérêts individuels et partisans.

Maintenant, c’est le citoyen «ordinaire» qui réalise son incapacité à faire représenter fidèlement ses intérêts par ses élus. Il faut changer le système. Les partis ont bien compris cette volonté populaire, car ils proposent maintenant des réformes, celles qui serviraient leurs intérêts.

Ce n’est pas aux élus de décider des règles du jeu auquel ils prennent part, c’est aux citoyens, leurs commettants. Une réforme démocratique se fait par une Assemblée constituante de citoyens, et elle s’adopte par référendum. Qu’attendons-nous?

Mar 192012
 

Jeudi dernier, le 15 mars, se tenait à Montréal le lancement d’une campagne de communications hors du commun. Ce n’est pas un produit ou un organisme qui annonçait son angle d’attaque pour conquérir le public montréalais, mais bien un réseau d’entreprises de tout horizon, œuvrant dans des secteurs très diversifiés, unies par des valeurs et une même structure juridique. Dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, les coopératives de Montréal ont lancé la campagne «Je coop» pour sensibiliser le grand public à la coopération.

L’événement a fait salle comble à la Salle Astral de la Maison du Festival, et a donné lieu à la présentation publique de plusieurs coopératives érigées en exemples.

Habitation

À l’ombre du silo numéro 5 du vieux port de Montréal, une étonnante coopérative d’habitation fleurit discrètement. «Nous gérons collectivement notre lieu par le biais de comités et d’un conseil d’administration qui est élu par ses membres, a expliqué Marie Marais, vice-présidente du conseil d’administration de la Coopérative d’habitation Le Cercle Carré. Nous sommes locataires, mais nous sommes propriétaires collectivement de nos lieux donc il faut qu’on s’en occupe. On composte, on récupère sur place et on a un projet de faire un jardin collectif avec une agriculture urbaine sur le toit.»

Culture

Tout le monde connaît le Café Campus, institution du Quartier Latin. Mais peu de gens en connaissent le cœur coopératif. Emmanuelle Collins, coordonnatrice, a donné la mesure de son intransigeance quant aux principes de la coopération. «On est une coopérative qui se dit encore autogérée. C’est toujours l’assemblée générale qui a le pouvoir ultime de la décision et elle est régulièrement et fréquemment consultée. Tous les membres participent de façon régulière à des consultations, à des réunions où tout le monde a son mot à dire. Il y a des conseils d’administration qui sont ouverts à tous alors la vie participative, la gestion participative est très forte à l’intérieur de l’équipe des membres de la coop.»

Éducation

Coopsco est une bannière regroupant 60 coopératives québécoises en milieu scolaire. «Le cœur de Coopsco, c’est ses membres, a lancé Jean-Emmanuel Bouchard, étudiant et président de Coopsco. Nos conseils d’administration sont des écoles pour faire vivre des expériences de gestion d’entreprise coopérative et faire reconnaître le mouvement coopératif aux étudiants. Nous formons la prochaine génération de coopérateurs.»

Les services financiers

Les grands centres d’affaires et les sièges sociaux de plusieurs grandes coopératives se retrouvent à Montréal. La Fédération des caisses Desjardins y compte, en incluant les caisses de groupes, 67 caisses, qui gèrent ensemble un actif de 21,8 milliards $ et 41,6 milliards $ de volume d’affaires. Elle compte, sur l’île de Montréal, 856 846 membres. Les caisses populaires Desjardins versent 7,5 millions $ en commandites, dons et bourses, ainsi que près de 50 millions $ en ristournes chaque année dans la métropole.

«Toutes les coopératives et les mutuelles ont débuté par l’engagement de certaines personnes, qui en ont amenées d’autres à s’engager, à prendre des initiatives, a souligné Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins, et depuis quelques jours présidente du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. C’est une entreprise qui s’appuie sur l’engagement des personnes. Et ça ne s’arrête pas là: c’est aussi toute la force et le pouvoir de l’association. Quand on met ensemble l’engagement personnel et le pouvoir de l’association, on est capable de réaliser de grandes choses.»

Un des porte-parole de l’événement, le comédien Jacques L’Heureux, président de la Caisse de la Culture et mieux connu par les jeunes générations dans son rôle de Passe-Montagne, a résumé en quelques mots, ce qui lui fait dire, lui aussi, «Je coop»: «On a vu les banques, ces dernières années, se planter royalement à travers toute la planète, et on a vu le Mouvement Desjardins se faire envoyer des lauriers, comme une des institutions financières les plus solides aux monde. Nos membres, qui sont des artistes pigistes, donc des entrepreneurs indépendants, des travailleurs autonomes, ne trouvaient pas de place dans les banques. La création de notre caisse a permis à énormément d’artistes d’accéder à la propriété et d’avoir des services financiers sans se faire demander « on veut que ton père signe pour nous ».»

Mar 132012
 

Le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) a tenu ses assises annuelles hier au Centre de congrès et d’expositions de Lévis. Succédant à Denis Richard, président de la Coop Fédérée, Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, a été élue à la présidence du CQCM. Mme Leroux devient ainsi porte-parole du mouvement coopératif et mutualiste québécois, aux côtés de Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil.

Cette annonce survient à l’approche du Sommet international auquel le Mouvement Desjardins convie les coopératives du monde entier, à Québec et à Lévis en octobre prochain. «En cette Année internationale des coopératives, je veux contribuer à un rayonnement accru des coopératives et mutuelles québécoises, petites et grandes», a souligné la nouvelle présidente.

Éducation et intercoopération

Mme Leroux a ouvert la porte sur son nouveau mandat en évoquant plusieurs thèmes qui devraient lui donner le ton. Au sujet de la Vision 2020, une réflexion sur le fonctionnement des structures et la concertation de tous les acteurs du mouvement coopératif, elle l’a décrite comme extrêmement porteuse. C’est «un thème rassembleur et innovateur, mais on va devoir tous y travailler ensemble». Elle a aussi insisté sur l’importance de l’éducation pour assurer la relève du mouvement coopératif et mutualiste.

«Conformément à la mission propre du CQCM, je travaillerai, avec ses membres et partenaires, à plus d’intercoopération au Québec et ailleurs au Canada. J’en suis convaincue: la coopération entre coopératives et mutuelles est un formidable levier pour mieux répondre aux besoins évolutifs de la population, ici comme dans les pays en voie de développement. Qui plus est, l’intercoopération peut soutenir l’innovation et stimuler le développement d’affaires.»

Hommage à Denis Richard

Mme Leroux a tenu à souligner le travail de son prédécesseur, Denis Richard. «Pendant les cinq ans où monsieur Richard a occupé la présidence du CQCM, il s’est toujours employé à ce que la force du modèle économique des coopératives et des mutuelles soit mise en évidence. Il a su relever avec brio les défis auxquels il a dû faire face, bref il a fait un travail formidable pour l’ensemble de notre mouvement.»

Le nouveau comité exécutif du CQCM est maintenant composé des personnes suivantes, dirigeants des grands réseaux coopératifs du Québec: Monique F. Leroux, présidente (Mouvement Desjardins), Michel Gauthier, 1er vice-­‐président (Groupe Promutuel), René Moreau, 2e vice-­‐président (Agropur coopérative), Jocelyne Rouleau, secrétaire (Confédération québécoise des coopératives d’habitation du Québec), J. Benoît Caron, trésorier (Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec), Jocelyn Lessard, administrateur (Fédération des coopératives forestières du Québec), Francine Ferland, administratrice (Fédération des coopératives de développement régional du Québec).

Le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité représente l’ensemble des organisations coopératives sectorielles et régionales du Québec. Il compte parmi ses membres plus de 3 300 coopératives et mutuelles lesquelles génèrent plus de 92 000 emplois. Avec plus de 173 milliards de dollars d’actifs, ces entreprises participent de façon positive au développement économique et social du Québec, notamment parce qu’elles affichent un taux de survie doublement supérieur aux autres formes d’entreprises créées, selon le CQCM.

Fév 152012
 

Charlesbourg, revue Vie PédagogiqueDix-neuf avril 2011. Ce matin-là, entrer dans l’imposante Polyvalente de Charlesbourg donnait l’étrange impression de franchir le périmètre d’une grande conférence internationale sur les changements climatiques. Le gouvernement scolaire de cet établissement de la Commission scolaire des Premières-Seigneuries organisait son premier colloque sur l’environnement, dans le cadre de la Semaine de l’environnement et de la Journée de la Terre, le 22 avril.

Josée-Anne Gouin, conseillère pédagogique et Mario Harvey, enseignant. Photo: Luc Mercure - www.multimediamercure.com

L’enseignant responsable, Mario Harvey, nous accueille d’un air grave qui rappelle l’importance de l’enjeu. Ce colloque est plus qu’une répétition générale avant la «vraie vie»: les élèves, citoyens de l’école, ont pris en charge l’organisation. Ils ont eu l’audace d’inviter des intervenants de premier plan, diversifiés, pour confronter des idées sur des choix de société aussi réels qu’immédiats. Du directeur général du Regroupement des conseils régionaux de l’environnement du Québec aux représentants d’une des principales compagnies d’exploration du gaz de schiste, l’éventail de conférenciers a de quoi faire voler en éclat la bulle scolaire et précipiter les jeunes au cœur de leur société. Lire la suite »

Fév 062012
 

Face à la crise énergétique, si les multinationales privées incarnent le statu quo, car elles détiennent des intérêts financiers dans l’exploitation des carburants fossiles, les coopératives s’investissent au contraire dans les alternatives en bioénergie.

Julien Boucher est coordonnateur Recherche et développement à la Coopérative de développement régional (CDR) Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, la seule dotée d’un tel service au Québec. Son mandat est de découvrir les nouvelles avenues de développement durable pour les coopératives et les communautés.

L’autonomie énergétique, selon le chercheur, implique en premier lieu une réduction de la consommation, puis une efficacité de l’énergie qui est consommée, et enfin une production avec le potentiel local, qui peut être un potentiel de biomasse, de gras animal, d’huiles végétales, de l’autoproduction etc. «On a une multitude de petites opportunités locales, qui peuvent permettre de combler une partie des besoins locaux, avec une production locale et une consommation locale, en circuit court.»

Le guide Biocarburants ou bioénergies? Vers une solution coopérative, publié en 2011 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), en partenariat avec la CDR Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord, Nature Québec, la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) et la Coop Fédérée, fait état des plus récents projets en la matière. On y retrouve autant les stratégies développées par les coopératives forestières et agricoles que des détails sur des projets coopératifs locaux, surtout au Bas-Saint-Laurent.

«La meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas»

Quelle que soit l’alternative en biocarburant, pour produire la plus petite quantité d’énergie nécessaire, il faut d’abord avoir réduit sa consommation, et le potentiel est aussi infini que l’est actuellement le gaspillage d’énergie. M. Boucher cite à ce sujet la récente étude sur une communauté de 300 habitants dans la Minganie, où plus de 45% de la facture globale en énergie est représentée par le carburant. «Cette partie là, c’est celle sur laquelle on peut le plus agir pour essayer de réduire la consommation énergétique des gens. J’ai un collègue qui a réussi, simplement en appliquant les principes de l’écoconduite automobile, à économiser 47% de carburant, ce qui est non négligeable puisqu’il habitait à une soixantaine de km du bureau.»

Selon M. Boucher, les alternatives en bioénergie sont une voie prometteuse mais complexe, tant au niveau de l’accès à la matière première (collecte de résidus) que de la disponibilité technologique. Ces technologies sont développées pour les grands projets industriels et nécessitent des économies d’échelles importantes.

Le mouvement coopératif, qui représente un secteur financier important au Québec, pourrait être un levier pour surmonter ces obstacles. «Il y a de très belles choses qui sont faites au niveau de la Coop Fédérée, confie M. Boucher avec enthousiasme. Notamment l’utilisation du biodiesel coloré par les agriculteurs, tout comme les politiques d’approvisionnement responsables et de développement durable chez Desjardins. On se place en position d’utilisateur, ou d’intermédiaire, et il y a de très belles choses qui sont aussi à faire du côté de la production pour soutenir les projets locaux et multiplier les projets en circuits courts.»

Les grandes coopératives et fédérations, contrairement aux entreprises privées, peuvent investir avec plus de souplesse dans ces projets, car elles ne sont pas soumises à l’obligation de fournir un rendement de 15% à des actionnaires. Leur mandat est plutôt de répondre aux besoins de leurs membres, incluant les retombées environnementales, économiques et sociales des projets pour les communautés.

Une stratégie d’intercoopération

La CDR Bas-Saint-Laurent/Côte-Nord est en train de mettre en place, avec sept coopératives en énergies renouvelables, la Coopérative de services experts en énergies renouvelables (CoopERE), dont l’objectif est de réunir au sein d’une même structure les promoteurs coopératifs de projets et les membres experts. La nouvelle structure permettra de développer et d’incuber les projets au sein même de CoopERE, et d’y partager l’information à l’interne pour multiplier les projets dans les autres communautés, sans être obligé de refaire et de payer à nouveau les mêmes études.