Nov 152011
 

Saint-Alexis-des-Monts, revue Vie PédagogiqueRéussir autrement. Devant le défi de la persévérance scolaire, de la pénurie de main-d’œuvre, et de l’exode des jeunes des régions, voici la réponse proposée par les Maisons familiales rurales (MFR). Ces écoles coopératives hors du commun donnent tout son sens à l’expression selon laquelle «il faut tout un village pour éduquer un enfant». Il faut également l’investissement de toute une communauté, de toute une région, pour mettre sur pied ces institutions alternatives à l’école traditionnelle. Depuis une décennie, des pionniers travaillent d’arrache-pied pour donner vie à cette solution aux quatre coins du Québec. Nous avons visité la Maison familiale rurale de Maskinongé, à Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, et celle du KRTB, à Saint-Clément, au Bas-Saint-Laurent. Rencontre avec le feu sacré.

Rencontre avec Nathan dans le corridor de l'école de la MFR de Maskinongé. Photo: N.Falcimaigne

Benoît revient de loin. «J’avais lâché à la polyvalente et travaillé un peu à la ferme. Mon boss m’a parlé de la MFR et ça m’a intéressé. Maintenant, j’ai fini mon secondaire 2 et je vais aller aux adultes l’an prochain. Je veux faire de l’entretien général d’immeubles.» Son employeur est devenu son maître de stage et il a pu retourner à l’école deux semaines sur quatre pour poursuivre sa scolarité. L’école a pris un tout autre sens; elle a désormais une utilité directe pour son travail. Benoît fait partie des onze élèves qui ont formé la première cohorte de Saint-Clément, en mars 2009. Lire la suite »

Nov 112011
 

QUÉBEC —Les vacanciers avaient déjà remarqué que l’année était bonne pour les fabricants de cônes de zones de travaux routiers. Lors du retour au travail, ils ont constaté que l’été n’avait pas suffi pour remettre en état les routes. Alors que s’allongent les embouteillages, l’épuisement du pétrole pousse les multinationales à en chercher jusque sous le sol des Québécois. Pour certains, l’indépendance énergétique passe par l’exploitation de tous les gisements fossiles présents sur le territoire. Pour d’autres, il s’agit plutôt de déployer des systèmes de transports fonctionnant à l’électricité, une énergie propre que l’on produit en grande quantité.

L’État est en quelque sorte la « coopérative territoriale » qui permet aux citoyens de se donner des infrastructures collectives en participant équitablement à leur financement. Les infrastructures de transport représentent un colossal investissement qui a un impact sur tous les Québécois, et qui exige que les choix de société à faire donnent lieu à un débat public approfondi. Dans cette première édition, le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante présente à ses abonnés le portrait d’un projet dont il a encore peu été question dans l’espace public : le projet de monorail étudié par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) et maintenant porté par l’organisme TrensQuébec.

Qui dit transport électrique pense habituellement aux voitures électriques et hybrides, qui apparaissent très progressivement sur le marché. Le Québec n’est pas producteur d’automobiles, alors que son industrie du transport collectif est florissante. C’est ce qui a amené les chercheurs de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) à se pencher sur les projets de transport collectif électriques.

Fondé en 1999, l’institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), est un organisme indépendant et sans but lucratif qui est voué au développement  du Québec par la recherche scientifique  et économique. En janvier 2011, l’organisme déposait le rapport L’électrification du transport collectif : un pas vers l’indépendance énergétique du Québec, lors d’un colloque organisé de concert avec le réseau des ingénieurs du Québec et les syndicats d’Hydro-Québec. Sous la direction de Robert Laplante, les chercheurs Gabriel Ste-Marie, Jules Bélanger, Pierre Langlois et Gilles L. Bourque y présentent une vision globale des multiples projets actuellement sur la table au Québec. De là à imaginer une solution intégrée, développée intégralement au Québec et exportable partout dans le monde, il n’y a qu’un pas, et ils l’ont franchi sans hésiter.

Le projet monorail reliant les principales villes du Québec, qu’ils y décrivent en profondeur, est étroitement lié à l’avenir économique et énergétique du Québec. Si le Québec n’est pas producteur d’automobiles, il n’est pas non plus encore producteur de pétrole. Le virage vers une économie décarbonisée se présente comme une solution à la stablité économique et environnementale de la province. Ce virage, l’IRÉC l’aborde par l’électrification du transport.

Tous les projets en un seul

Afin de mieux comprendre le portrait des transports collectifs au Québec, l’IRÉC a réuni les projets existants en évaluant les coûts et les retombées économiques qui y sont associées.  Les tramways de Québec et de Montréal, le système léger sur rail (SLR) du pont Champlain, le prolongement du métro, la navette avec l’aéroport, les trolleybus de Montréal et de Laval, et l’électrification des lignes de trains du réseau de l’AMT sont tous chiffrés et évalués. La facture totale de ces projets de transport local s’élève à 7 milliards  $.  Les deux tiers des sommes investies auraient des retombées au Québec et 50 000 nouveaux emplois seraient créés.

Transport interurbain

Depuis des décennies, l’idée d’un TGV retient l’attention du public et des élus. Le Québec étant un leader dans la production de cette technologie, on s’attendrait évidemment à la voir s’y implanter en premier. Selon le rapport, le projet de TGV Windsor-Québec pourrait coûter 40 milliards $ et souffrirait de la difficulté d’opérer dans les conditions hivernales, d’une très faible tolérance au relief et de la nécessité d’embarquer des centaines de passagers à la fois. La géographie, le climat et la faible densité de population du Québec s’y prêtent donc très peu. Par ailleurs, le développement d’un axe unique entre Québec et Montréal laisserait le reste de la province isolée des grands centres urbains, malgré la contribution financière qui lui serait demandée. Pour répondre au besoin de transport rapide interurbain et interrégional, l’équipe de Robert Laplante a donc préféré évaluer la possibilité de relier Montréal et Québec aux capitales régionales du Québec par un monorail.

Le monorail en chiffres

Selon Pierre Langlois, physicien et auteur de Rouler sans pétrole, il en coûterait le tiers du projet de TGV pour relier huit régions du Québec à l’aide du monorail, soit environ 12 milliards $. Ce projet entraînerait la création de près de 100 000  emplois et d’un lien de transport rapide entre Gatineau, Rimouski, Sherbrooke, St-Georges, Trois-Rivières et Saguenay.

Comparable à celle du TGV, la vitesse du monorail propulsé par le moteur roue de Pierre Couture est évaluée à 250 km/h. « Une structure de transport performante, c’est un élément essentiel dans la compétitivité des économies. On ne développera pas les régions avec des infrastructures vétustes. Ça prend des infrastructures performantes et la technologie du monorail en est une », souligne Robert Laplante. Il ajoute que le projet, suspendu à des pylones, pourrait être implanté rapidement sur les terre-pleins des autoroutes et les emprises existantes, nécessitant peu d’expropriations et aucune construction de ponts et viaducs. Le rapport va jusqu’à évaluer le coût de remplacement des lampadaires. Avec le moteur-roue québécois, les wagons autopropulsés seraient indépendants et pourraient afficher complet avec une soixantaine de passagers, ce qui apporte une souplesse adaptée au portrait démographique du Québec.

L’IRÉC évalue que 3 000 personnes transitent chaque jour par transport collectif entre Montréal et Québec, en plus des 15 000 véhicules légers qui empruntent les autoroutes sur ce trajet. Ces déplacements représentent un marché d’au moins 10 000 passagers par jour, pouvant générer des revenus annuels suffisants pour assurer la rentabilité. La capacité totale du monorail, qui s’élève à 50 000 passagers quotidiens, laisse place à un développement important du marché.

Des wagons adaptés pourraient aussi être intégrés au réseau intermodal de transport de marchandises et réduire d’autant l’empreinte écologique des industries du Québec. Déjà chef de file en matière de conception de transport collectif, le Québec développerait une expertise dans un domaine de pointe qui pourrait intéresser d’autres pays.

Vers une économie verte et efficace

Au-delà de la question des transports, le projet de monorail soulève des interrogations sur l’avenir énergétique et l’indépendance économique du Québec. Il intéresse à ce titre plusieurs militants qui se sont récemment mobilisés contre l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. Pour Daniel Breton, fondateur de Maîtres chez-nous 21e siècle, il faut s’affranchir de la dépendance aux énergies fossiles plutôt que chercher à en exploiter dans notre cour. Il rappelle que chaque année, de 13 à 18 milliards $ quittent le Québec en achats d’hydrocarbures. Ce déficit commercial pourrait considérablement être réduit si l’on envisageait des alternatives comme le monorail.

Depuis le dépôt du rapport, ses auteurs parcourent le Québec pour donner des conférences sur le projet, tout en multipliant les représentations auprès des groupes d’intérêt pour pousser le gouvernement à le réaliser.

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Une coopérative nationale de transport

Entrevue avec Gérald Larose, président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins

L’organisme à but non lucratif TrensQuébec a été fondé pour porter le projet de monorail, sous la coordination de l’ancien député fédéral Jean-Paul Marchand. Ce dernier propose la création d’une coopérative nationale de transport.

Une organisation tripartite qui regrouperait l’État, un partenaire privé et une coopérative (PPP-Coop) assurerait aux citoyens le contrôle majoritaire du projet, soit à travers le gouvernement, soit par le biais de la coopérative.
Pour réunir le milliard de dollars nécessaire pour couvrir un tiers des coûts du premier projet Québec-Montréal, il faudrait 100 000 membres qui souscriraient des parts sociales de 10 000 $ chacun.

Gérald Larose est président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, qui soutient l’IRÉC. Il croit beaucoup en ce projet, qui a « une portée gigantesque, au plan structurel et au plan industriel, soutient-il. C’est une réponse à plusieurs ordres d’enjeux de société : celui du transport, mais également celui de l’environnement, celui de l’énergie, celui de la structuration des territoires. C’est un projet du 21e siècle. Au plan financier, c’est imposant. Le vaisseau amiral sera certainement l’État, parce que c’est un projet qui touche toute la société québécoise. »

Interrogé sur l’option coopérative et sur l’éventualité de créer un prêt dédié à la souscription de parts sociales, il considère « intéressant d’envisager la gestion participative ou démocratique, et comment la structurer. Il faut que les régions s’emparent du projet, et aussi les usagers. La forme coopérative peut être l’expression de cet engagement des usagers. Quant au montage financier global, il est trop tôt pour voir comment il pourrait précisément se structurer. »

Une coopérative ne peut toutefois pas être le levier principal, selon M. Larose : « Il faut d’abord que les régions soient mises à contribution et se mobilisent pour imposer à l’État québécois une vision toute différente de celle d’un TGV, qui ne correspond pas à la réalité économique du Québec » car il se déploie sur un axe Est-Ouest et néglige le développement du marché intérieur.

Avec Mathieu Champoux

Oct 242011
 

Le Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS) s’est conclu jeudi dernier au Palais des congrès de Montréal. Le journal Ensemble a rencontré Nancy Neamtan et Patrick Duguay, respectivement présidente-directrice générale et président du conseil d’administration du Chantier de l’économie sociale, hôte du FIESS, pour connaître le bilan qu’ils dressent de cet événement, notamment marqué par une manifestation au Square Victoria.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Neamtan, comment diriez-vous que le modèle d’économie sociale a progressé pendant cette semaine ?

Nancy Neamtan, Chantier de l’économie sociale : C’est encore difficile de pouvoir mesurer l’ensemble, mais je dirais qu’il y a des gens qui sont venus ici pour qui l’économie sociale et solidaire était encore un concept assez abstrait. Ça a permis de mieux comprendre que ce vocabulaire-là est un vocabulaire qui permet de réunir effectivement l’ensemble des pratiques dans un tout parce qu’on a des valeurs communes, une vision commune.

C’est sûr qu’il y a un apprentissage : on est en constante innovation, alors il faut souligner la richesse des expériences qu’on a pu découvrir et dont on a pu rencontrer en personne les acteurs, des mairesses de la Gaspésie jusqu’aux gens dans les quartiers de Montréal. Il y a beaucoup de nouvelles idées, j’en suis convaincue, qui vont émerger de cette rencontre-là.

Ce qui est important pour ce type de rencontre, c’est de sentir que, même si chaque jour on relève des défis pour sortir un journal coopératif, pour gérer notre entreprise, pour essayer d’avancer dans des projets, quand on sent qu’on n’est pas tout seul, qu’on fait partie d’un tout et que ce tout-là commence à avoir une masse critique puis une reconnaissance, je crois que ça donne de l’énergie. On sait comment, pour aller à contre-courant et développer une économie humaine, il faut qu’on ait de l’énergie et il faut qu’on ait de la vision.

Il y a eu des ouvertures pour des gens comme les panels qu’on a eu avec les banques de développement, entre les représentants d’économie sociale et solidaire et la banque africaine de développement, la banque interaméricaine de développement, etc. Pour les gens de ces continents-là, ces banques-là sont presque aussi importantes que le gouvernement en termes de moyens. C’est majeur que ce dialogue se soit établi.

Ce sont quelques impressions, mais le vrai bilan on va pouvoir le faire dans un an ou deux.

N.F. : M. Duguay, quels sont vos coups de cœur en termes d’expériences internationales desquelles l’on pourrait s’inspirer au Québec et qui ont été présentées cette semaine ?

Patrick Duguay, Chantier de l’économie sociale : Je pense qu’un des éléments qui m’ont particulièrement intéressé, c’est les travaux sur la question financière, les nouveaux outils financiers qui se mettent en place. De voir que ce qu’on est en train de faire ici depuis des années avec des outils financiers contrôlés par le mouvement d’économie sociale, c’est des idées qui ont des répercussions un peu partout et ailleurs. Par exemple, cette coopérative de Colombie, qui est une coopérative d’épargne et de crédit un peu à l’exemple de Desjardins, mais qui a misé complètement sur son soutien au développement de la communauté.

Une initiative précise qui vraiment m’a fait triper, c’est le projet avec la prison éthiopienne. J’ai entendu cette présentation qui était assez incroyable. La pauvreté est un facteur majeur de la criminalité. Si on arrivait à intervenir plus directement sur la pauvreté, on aurait des gains en terme de réduction de la criminalité. Et il y a une prison en Éthiopie qui, à la demande de l’état,  a développé une coopérative à l’intérieur même des murs de la prison pour permettre aux prisonniers d’apprendre un métier, d’avoir une expérience qualifiante.

Mais plutôt que d’être remis sur la rue en sortant, en leur disant : « allez vous trouver une job en disant que vous venez de la prison », eh bien ils ont la possibilité de continuer avec la coopérative. Il y a une transition que se fait de l’intérieur vers l’extérieur. Et d’entendre, parce qu’on avait un film en même temps, les témoignages des personnes touchées, c’était de toute beauté. Souvent, on a la préoccupation pour les populations plus vulnérables. Mettons que les prisonniers éthiopiens, c’est plutôt le comble de la vulnérabilité, et c’était impressionnant de voir qu’il y a des moyens de leur donner de la dignité et de leur en donner de l’espoir en l’avenir.

On dénonce un certain nombre des choses, et je pense que c’est aussi un petit peu le constat des Indignés qui campent à côté, puis on s’indigne nous aussi devant les abus, les incohérences, puis devant une économie qui a l’air de fonctionner comme si c’était un système de lois naturelles, mais on se sent bien impuissants.

Alors plusieurs personnes partout à travers la planète ont choisi de se ranger du côté des solutions de ceux qui veulent justement lutter contre cette impuissance. On en a eu des exemples extrêmement intéressants, à la fois chez les acteurs mais aussi des signes d’ouverture chez les pouvoirs publics qui sont en recherche de nouvelles solutions, qui constatent les limites auxquelles ils font face. Le dialogue hier avec les banques était particulièrement intéressant. Un dialogue franc, où les affaires étaient sur la table. Juste pour cette confrontation cordiale, ça valait la peine d’être ici.

N.F. : On a été très surpris, mardi sur le coup de midi, de se faire sortir dans la rue au son des Tam-tams. D’où est venue cette initiative?J’ai entendu dire qu’il y avait eu des ateliers avec les Indignés et ils ont été invités à la clôture. Qu’est-ce que vous allez faire ensuite ?

N.N. : Je pense que les ateliers qui ont été organisés, c’était la volonté des participants des différents pays. L’économie sociale, c’est l’initiative, et on laisse fleurir toutes les initiatives. Souvent, les gens sont indignés, mais ils se sentent impuissants et le seul geste qu’ils peuvent poser c’est de dire : « on va camper, on va dénoncer ». Si on veut avoir un autre monde, une économie plus inclusive, il faut le construire. Parce qu’évidemment, ceux qu’on dénonce n’ont aucune idée de comment faire autrement.

L’économie sociale et solidaire émerge et on en voit l’ampleur par la réaction à notre appel de venir à Montréal pour le Forum. Ce qu’on voulait dire à ces gens, c’est qu’il y a des gens qui travaillent déjà, c’est aussi qu’il est important de s’indigner et qu’il ne faut pas y voir une contradiction. Il y a l’opposition et la proposition. Nous travaillons beaucoup sur le volet de la proposition, et ils sont dans l’opposition. C’est comme le mouvement syndical, qui peut être dans la rue comme il peut être un investisseur avec le Fonds de solidarité. C’est très important. Avec l’économie sociale au Québec, on a avancé à coups d’opposition et de proposition. Les mouvements sociaux disent « assez la pauvreté, on veut des emplois, on veut un meilleur environnement ! ». Alors on fait quoi ? On crée des entreprises de récupération et de recyclage, on crée des entreprises d’insertion pour aider des gens démunis. On fait des choses au cœur de l’économie pour répondre à cette indignation par des nouvelles pistes et des nouvelles solutions. Ce n’est pas plus que ça, mais ce n’est pas moins non plus.

P.D. : Il faut considérer l’indignation comme un point de départ essentiel. Si on n’arrive pas collectivement à identifier les problèmes collectifs qu’on vit, on n’arrivera jamais à apporter des solutions collectives. Je pense que le rôle que les indignés jouent est extrêmement important, celui d’attirer l’attention sur les problématiques.

Un des éléments qui est revenu à plusieurs égards, c’est l’espèce de méconnaissance dont l’économie sociale souffre. Je pense que la critique qu’on a envers les échecs de notre économie mérite d’être mise sur la place publique et ce mouvement à travers le monde permet de l’éclairer. Le 24 heures, je ne suis pas sûr que ça passe souvent de ce type de problématique, et pourtant il y a eu un article.

Le plus intéressant, c’est la rencontre des deux : on part de l’indignation, on s’inscrit du côté des solutions et il n’a pas eu de mauvaises réactions. Les indignés auraient pu dire : « Ça y est, vous êtes des vendus, vous gardez des complicités avec les pouvoirs publics », mais ce n’était pas ça. Il y avait une reconnaissance du fait qu’on procède d’un même mouvement. Il y en a qui sont dans la revendication et qui mettent les projecteurs sur une problématique, et il y en a qui s’inscrivent dans l’action, dans la construction des alternatives.

On a été très nombreux à cette marche. Ça n’était pas un geste planifié. C’est la veille qu’il a commencé à y avoir des rumeurs. On ne savait pas qu’ils allaient camper à côté lorsqu’on a réservé le palais de congrès, il y a plus d’un an. C’est totalement une coïncidence sur le plan organisationnel, mais pas sur le climat actuel. Je pense qu’à la fois il y a des indignés, à la fois il y a une recherche intensive de solutions pour qu’on aille plus loin, pour briser notre impuissance.

Avec la collaboration de Laura Carli

 

Oct 242011
 

À l’issue de la Semaine de la coopération et de la mutualité et du Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS), Hélène Simard, présidente-directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) a confié au journal Ensemble son bilan et les projets à venir dans le cadre de l’Année des coopératives.

Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : Mme Simard, quel bilan dressez-vous de la Semaine de la coopération 2011, au niveau des activités qui se sont déroulées au Québec ?

Hélène Simard, CQCM : Cette année, notre cible principale, c’est de rejoindre les élus et le grand public. Pas seulement les convaincus, pas seulement nos réseaux habituels. Pour rejoindre le grand public, on a lancé un grand concours : Ma coop de rêve.com. Et là on s’est aperçu qu’il y a plein de gens qui sont allés, impliqués dans des coop au départ. Mais avec les nouveaux médias sociaux, ils sont en lien avec d’autres réseaux, et ça fait parler des gens qui sont dans une coop, ça les fait en parler aux autres. Parce qu’il y a quand même un beau voyage à gagner, on commence à voir dans les commentaires des gens qu’on commence à rayonner un peu plus large : « Moi, je vais passer à ma coop », « Je vais m’impliquer », « Mon frère est dans sa coop, je vais m’impliquer plus ». Je pense que d’ici à la fin du concours dans quelques jours, on fera un bilan plus précis, mais c’est une expérimentation qu’on fait et c’est intéressant.

Deuxième élément : les élus. Depuis quelques années, durant la Semaine de la coopération, on va rencontrer les élus à l’Assemblée nationale, avec les présidents de tous les grands réseaux coop au Québec. On était donc tous présents à l’Assemblée nationale pour cette rencontre. C’était parrainé cette année par M. Bachand, ministre des Finances, et il y avait le président de l’Assemblée nationale, des députés, des ministres.

On veut développer un contact réel, humain entre les élus et les coopérateurs et leur faire redécouvrir les coop sur leur territoire. Parce que tous ces députés, tous ces gens-là qui font la législation au Québec, on veut qu’ils développent le réflexe de se dire : « Ah, tel projet, tel chose, ça peut aider ou ça peut nuire aux coops ? », qu’ils aient le réflexe d’aller vérifier et de considérer que ce réseau d’entreprises fait partie de solutions et fait partie d’un tissu économique solide au Québec.

D’ailleurs, M. Bachand a souligné dans son allocution le fait que, pour un ministre des Finances, c’est très rassurant d’avoir une économie coopérative parce que ça stabilise, ça n’est pas soumis à la tyrannie du trimestre, ça peut penser à long terme. Les règles de gouvernance sont enchâssées dans la loi coopérative, donc on n’a pas d’inquiétude sur la gouvernance. C’était intéressant d’entendre le ministre des Finances le répéter devant les autres élus de l’Assemblée nationale.

N.F. : Quelles sont les améliorations qui pourraient être apportées à la législation qui encadre l’économie du Québec pour les coopératives ?

H.S. : Le principal problème sur lequel on travaille actuellement, c’est qu’il y a énormément de programmes, de projets de loi que ne spécifient pas ce qui arrive au niveau des coop. On classe le monde entre un monde à but lucratif et un monde à but non lucratif. Les coopératives ne sont ni dans l’un ni dans l’autre. C’est une économie où, quand il y a des excédents, ils sont répartis dans l’entreprise pour assurer sa pérennité, puis auprès des personnes qui en ont fait usage. En réalité c’est une économie de juste prix, c’est une économie basée sur les services qu’on va utiliser à la fin. S’il y a un excèdent, l’entreprise reconnait qu’elle nous a trop demandé et elle le retourne à l’usager.

Donc, cette classification ne convient pas, mais on la retrouve dans tous les programmes et les lois. On a commencé, avec le ministère de la Culture notamment, à réviser les programmes pour spécifier les caractéristiques au niveau des coopératives quand les coopératives sont érigées. On l’a fait avec le Conseil du Trésor, pour les nouvelles politiques d’appels d’offres publics. On autorisait le gré à gré pour les OBNL et l’appel d’offres des entreprises privées sans spécifier. Maintenant, les coopératives pourront choisir leur statut, mais si elles choisissent le statut d’aller dans le gré à gré comme les OBNL, elles seront soumises à un test du ministère du Revenu, à l’obligation de ne pas ristourner et de ne pas payer d’intérêt sur leurs parts. Les autres coop, qui veulent ristourner, qui sont plutôt dans l’économie de marché, elles vont continuer aller dans les appels d’offres publics.

Ce sont quelques exemples, et on a un comité de vigilance au Conseil avec un fast-track avec le gouvernement pour quand il arrive des cas où le modèle coopératif est désavantagé. On va être proactifs maintenant, pour éviter des situations qu’on a trop vu malheureusement ces dernières années. Des gens qui se font dire « ne fais pas une coop, c’est plus facile de faire un OBNL, vous allez avoir droit à telle subvention ». Ou même quelqu’un dans les médias qui nous disait au GESQ : « faites un Inc. et vous allez avoir droit à telle subvention ». Il faut sortir de ce paradigme, il faut faire comprendre aux gens que le paradigme coopératif est un paradigme économique crédible et qu’ils doivent le supporter et ne pas nous obliger à choisir un terme ou l’autre.

N.F. : Quel est votre coup de cœur parmi les initiatives internationales qui ont été présentées pendant le Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS) et qui pourraient inspirer le Québec ?

H.S. : Les coups de cœur, souvent, sont les contacts plus personnels. J’ai assisté à un atelier sur les mutuelles de sécurité et de santé en Amérique latine et j’ai pu échanger après avec le groupe Odema, qui regroupe à travers l’Amérique latine et centrale des mutuelles de sécurité sociale et de santé. Ce qui m’a frappé, c’est que, sur le terrain, les gens essaient de répondre aux besoins et de sécuriser les familles, d’organiser la mutualité de façon à ce que les gens aient accès aux services, ceux qui n’y ont habituellement pas accès.

Souvent les États sont moins interventionnistes, offrent moins de mesures sociales, alors les mutuelles apportent vraiment une sécurité de base aux familles. En plus, elles ne travaillent pas seules, elles sont regroupées au niveau national, au niveau de 18 États et l’organisation qu’elles ont créée et qui les regroupe est reconnue par l’OMS. Elles ont, par leur approche mutualiste et par le réseau qu’elles se sont donné, une influence sur les grandes politiques de la santé et de prévention, par exemple, et elles viennent influencer leurs États de cette façon. Parfois, pour construire des politiques, l’approche à privilégier n’est pas nécessairement de regarder notre propre univers. C’est peut-être se mettre avec d’autres de notre famille et aller influencer l’univers qui détermine les conditions dans lesquelles vont vivre ces entreprises-là.

Entre autres, elles vivent un phénomène qu’on a vécu au Québec. En se développant, interpellent l’État pour qu’il améliore ses services aux personnes. Plus l’État les améliore, plus la mutuelle perd ce marché, mais elle doit se réorienter et, grâce à cette réflexion qu’ils font ensemble plutôt que d’être sur la défensive et de vouloir protéger uniquement leur créneau, ils encouragent les États à développer des services pour la toute population et font comme les mutuelles au Québec : développer des services complémentaires. Ils aimeraient bien d’ailleurs qu’on devienne membre d’Odema. On leur donnera l’occasion de rencontrer des fédérations de coopératives en santé et services aux familles.

Il y avait tellement de choses très diversifiées, alors c’est un coup de cœur bien sélectif. Ce n’est pas le coup de cœur du mouvement, c’est le contact entre des personnes qui m’ont semblées dédiées, allumées et avec beaucoup de vision.

N.F. : On a dit à la blague : « c’est tellement dense, la semaine de la coopération, qu’on devrait en avoir plusieurs pendant l’année ! » C’est un peu ce qui va se passer avec l’Année des coopératives : on va avoir une année complète. Qu’est-ce que vous avez en vue pour 2012 comme activités, comme mobilisation ?

H.S. : Le 31 octobre, c’est le lancement international au siège social des Nations unies à New York. J’y  serai, ainsi que d’autres représentants du Québec. Mme Monique Leroux y sera, il y aura Mme Bardswick de Cooperators, il y aura une délégation du Canada. Les États qui ont signé la déclaration en faveur de l’Année internationale et le mouvement coopératif de ces pays-là, un peu partout dans le monde, vont être présents pour cette journée de réflexion vraiment à un niveau supra.

Il y aura, tout de suite après, un congrès de l’Alliance coopérative internationale où on finira de mettre la table sur les programmes qui sont transnationaux. Au Québec, on a travaillé pendant 18 mois sur un plan d’action, qui a fait l’objet d’une campagne de financement auprès de nos membres, qui nous a même permis de supporter le programme canadien-francophone pour aider les francophones hors Québec, qui eux aussi auront une programmation pour 2012.

Il va aussi y avoir des activités dans les régions et dans les secteurs, qui vont être autopropulsées comme dans tout le mouvement coop en général, mais au niveau national on mise beaucoup sur le lancement à l’Assemblée nationale au début de l’année. On veut interpeler les associations et les grandes organisations socio-économiques du Québec pour qu’elles signent une déclaration en faveur de la coopération. Alors c’est en cheminement et on veut que les élus fassent la même chose, que l’ensemble de l’organisation sociale se prononce clairement en faveur des coopératives et de la place qu’elles ont dans l’économie du Québec, mais aussi comme potentiel futur dans le développement des ressources, dans le développement des services.

Ensuite, les deux associations canadiennes, qui travaillent ensemble à se rapprocher, vont tenir leur congrès à Montréal en juin. Donc le Québec sera l’hôte, on veut en faire un moment fort de l’année.

Et il y a le sommet international au mois d’octobre. Tout au long de l’année, il y a une montée qui va se faire avec des forums dans toutes les régions, où on va réfléchir en suivi de la Conférence internationale de l’an passé, sur les différents défis de la société, les enjeux et de voir comment le mouvement coop peut faire partie des solutions. On a demandé dans chaque région aux Coopératives de développement régional d’animer ces forums dans le sens de dire : « venez réfléchir à ces questions-là, mais invitez aussi les autres secteurs de la société a réfléchir avec vous. » Ça commence en Abitibi-Témiscamingue au début de novembre, ensuite au Saguenay, et pendant toute l’année on va faire le tour de toutes les régions au Québec et on fait un grand forum à la veille du Sommet international pour dire, nous les québécois, quelle est notre contribution au développement par la formule coopérative.

Avec la collaboration de Laura Carli

Sep 262011
 

Être indépendant de fortune garantit la liberté d’expression. C’est le principe qui a guidé la naissance de la presse indépendante aux XIXe et XXe siècles. Cette presse a évolué vers de grands groupes très puissants, qui font maintenant face à une crise, souvent associée à la disparition du support papier. Et si la cause était tout autre ?

Le besoin d’information n’a pas disparu avec le changement de millénaire. Avec l’arrivée d’internet, on observe même un déplacement du nombre d’heures consacrées à la télévision vers celles consacrées à naviguer sur la toile. De l’information télévisuelle passive, on passe maintenant avec les réseaux sociaux à une interactivité qui permet une animation de l’espace public sans précédent.

Ce qui a changé, c’est l’accès à une information indépendante. La concentration de la presse a fait en sorte que le propriétaire, hier indépendant et maître de sa liberté d’expression, est maintenant assis à la tête d’un empire financier. Cet empire a acquis des filiales dans plusieurs secteurs et les dirigeants ont placé leurs dividendes dans les secteurs les plus prometteurs de l’économie. Rien de plus normal : c’est ce que font toutes les entreprises qui ont du succès.

La différence, lorsqu’il s’agit d’un média, c’est que tous ces intérêts pris dans plusieurs secteurs de l’économie font en sorte que, quel que soit le sujet traité, l’entreprise de presse se retrouve en conflit d’intérêts. Comment aborder le sujet des ressources énergétiques et de leurs impacts lorsque l’on possède des intérêts dans l’exploration pétrolière et gazière ? Comment traiter de la guerre en Irak lorsque l’on investit des sommes faramineuses dans des placements à haut rendement qui s’appuient entre autres sur l’industrie de l’armement ?

Comment couvrir un conflit de travail lorsqu’on est actionnaire de l’entreprise concernée ? Quel regard porter sur les coopératives lorsqu’on incarne le système économique dominant, qu’elles remettent en question ?

On peut mettre sur papier des barrières qui garantissent l’indépendance de la salle de presse, et dans les conventions collectives des clauses qui garantissent celle des journalistes, mais dans l’esprit de ces derniers, à tout moment, leur employeur reste leur employeur. À l’externe, l’apparence de conflit d’intérêts, consciemment ou non, nourrit le cynisme des lecteurs et des citoyens envers les médias d’information et la sphère publique en général.

Le public se tourne alors vers des médias alternatifs ou des blogues, qui relaient parfois les positions de groupes d’intérêts sans toute la rigueur du travail journalistique. Ce secteur en émergence devra se professionnaliser pour acquérir la confiance du public.

La réponse coopérative

Pour reprendre le contrôle de leur accès à l’information, des citoyens de plusieurs régions fondent des coopératives d’information. Que ce soit de grands médias comme Alternatives économiques au niveau international, ou la dizaine de journaux régionaux coopératifs québécois, dont Le Graffici en Gaspésie et L’Indice bohémien en Abitibi-Témiscamingue sont des exemples, les initiatives se multiplient.

Leur indépendance est encore tributaire de leur structure de propriété, qui doit reposer sur des membres pour qui la coopérative représente un intérêt majeur.

Des membres journalistes

En fondant la Coopérative de journalisme indépendant, éditeur du journal Ensemble, nous avons choisi d’en faire une coopérative de producteurs dont les membres sont les journalistes. En inversant la structure habituelle, nous remettons la qualité de l’information au centre des préoccupations de l’entreprise de presse.

Comme son nom l’indique, c’est ensemble que nous réussirons à créer ce nouveau média, dédié à améliorer l’accès des citoyens à l’information, notamment sur les coopératives et sur l’économie sociale et solidaire. Tous les acteurs préoccupés par cet enjeu peuvent participer en adhérant comme membres auxiliaires lecteurs ou annonceurs, en s’abonnant et en abonnant leur entourage à cette édition mensuelle exclusive, en réservant des placements publicitaires et en souscrivant des parts privilégiées au montant de leur choix.

Parce qu’ensemble, on va plus loin.

Surveillez les activités de lancement, qui seront annoncées sur www.journalensemble.coop

Juin 302011
 

Lelystad, journal EnsembleFlevoland, Pays-Bas. Les moulins à vent ne servent pas qu’à moudre le grain. Symbole de la Hollande, ils sont littéralement à l’origine de ce pays d’Europe du Nord, tel qu’on le connaît aujourd’hui. En fournissant l’énergie nécessaire à pomper la mer hors des marais, ils ont permis l’émergence des polders et la transformation de ce littoral humide en territoire. C’est aussi un vent d’interdépendance et de coopération qui a rendu possible la création des premiers polders dès le Moyen-âge. Il s’y bâtit depuis le XXe siècle le cœur de l’Europe économique. Quelques pas sur l’improbable Nouveau Monde du Vieux Continent.

La digue qui relie Lelystad à Enkhuizen divise en deux la mer intérieure, Zuiderzee, et constitue un axe routier important entre l’Est et l’Ouest des Pays-Bas. - Photo: N.Falcimaigne

Le musée Nieuwland de Lelystad raconte cette histoire fascinante, où l’aménagement du territoire prend son sens le plus extrême. Henk Pruntel, chercheur au musée, explique que c’est avec l’apparition de la machine à vapeur, au XIXe siècle, que de grands projets commencent à devenir réalistes. On projette alors de refermer Zuiderzee, la mer intérieure, et d’en faire émerger plusieurs polders modernes. Une énorme tempête, en 1916, et la nécessité d’améliorer la sécurité alimentaire des Pays-Bas, victimes de blocus pendant la Grande Guerre, ont insufflé la volonté politique nécessaire pour passer aux actes. Les digues seront toutefois détruites par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, causant des inondations dévastatrices. Lire la suite »

Mai 142011
 

La présidente de Solidarité rurale du Québec n’a pas froid aux yeux. Heureusement. La coalition qui fête ses vingt ans cette année contemple avec perplexité les cadeaux du présent : gaz de schiste, pétrole, mines, crise forestière, crise agricole, crise des institutions démocratiques, le tout emballé dans un papier parfumé d’indifférence.
«Tout ce que les ruraux ont obtenu au fil des ans, ils l’ont obtenu à force de batailles. Il n’y a jamais eu de cadeau», confie-t-elle. Lucide et déterminée, c’est sur une expérience de militantisme à la dure qu’elle fonde son idéalisme. Claire Bolduc inspire une force tranquille qui rappelle les Chartrand qui ont fait l’histoire du Québec.

Solidarité rurale, une coalition

D’entrée de jeu, elle rappelle le vaste mouvement collectif qui a donné naissance à Solidarité rurale en 1991, sous le leadership de Jacques Proulx. «On perdait entre 30 et 50 fermes par semaine, et ils se sont aperçus que c’était la ruralité au complet qui était en difficulté.»

Réunis lors des États généraux du Monde rural, des organisations variées, allant du Mouvement Desjardins à l’Union des producteurs agricoles (UPA), en passant par les commissions scolaires, ont adopté la Déclaration du monde rural et fondé la coalition Solidarité rurale du Québec.

Puis il y a eu la bataille pour le maintien des bureaux de poste de village, la bataille pour le maintien des petites écoles et pour la diversification de l’économie rurale. «Dans un contexte où on parlait de mondialisation, de globalisation, de production de masse, Solidarité rurale s’est mis à parler de produits du terroir, de produits distinctifs, de produits de niche.»

En 1997, la coalition était reconnue en tant qu’instance conseil auprès du gouvernement en matière de ruralité, ce qui a mené à l’adoption des deux premières Politiques nationales de la ruralité. Le gouvernement ne venait-il pas d’apprivoiser le chien de garde? Mme Bolduc est catégorique: «Si, pour avoir les moyens d’agir, tu te prives de ton droit de parole, tu viens de te priver de ta raison d’agir, de ta légitimité d’agir.»

Elle concède qu’il était parfois un peu dérangeant pour une commission scolaire de se faire dire par quelqu’un d’autre: «Vous ne pouvez pas fermer la dernière école de village», mais que c’est ça une coalition. «Si on s’arrête aux intérêts corporatifs et aux intérêts particuliers, on arrête de se battre pour un objectif plus grand.»

Claire Bolduc se défend bien d’être sans peur. Ce qui l’inquiète le plus, actuellement, c’est l’indifférence des citoyens. Les gens sont craintifs. Ils acceptent de perdre beaucoup collectivement, pour maintenir un petit acquis individuel. «Pour avoir des jobs pendant dix ans, on va sacrifier un territoire pour les deux cents prochaines années, s’indigne-t-elle. Le sous-sol ne nous appartient pas au Québec. On le donne notre sous-sol! Et dans ce sous-sol là, il n’y a pas que des minéraux, du gaz et des hydrocarbures, mais il y a aussi de l’eau potable. Ça, c’est la plus grande richesse qu’on a et on est en train de la scraper.»

Face au défi de se renouveler, après vingt ans de combats et de réussites, Solidarité rurale aura donc plus de fil à retordre avec l’apathie des citoyens qu’avec la recherche d’enjeux mobilisateurs, ceux-ci étant nombreux. La coalition pourra compter sur la conviction d’une femme libre et déterminée. À ses côtés, la peur fait place à la saine colère qui amène le changement.

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l'Avenir, a présenté L'Écho de L'Avenir à la presse. Photo: N.Falcimaigne

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l’Avenir, a présenté L’Écho de L’Avenir à la presse.
Photo: N.Falcimaigne

Cet article fait partie du journal spécial L’Écho de L’Avenir, réalisé dans le cadre de l’événement Ruralia et publié dans Le Devoir du samedi 14 mai 2011, organisé par Solidarité rurale du Québec (SRQ). Si le journal est un hebdo fictif inventé pour le village fictif de Saint-Ailleurs, qui était le salon de la ruralité, les articles qu’il contient sont tous de bien réels articles de journalisme indépendant portant sur des nouvelles réelles et répondant aux standards élevés de la Coopérative de journalisme indépendant.

Mai 142011
 

Au sortir d’une crise économique sans précédent, l’Amérique du Nord se relève en s’appuyant notamment sur de grands chantiers et sur l’exploitation des ressources naturelles. Quelle épingle les régions rurales peuvent-elles tirer de ce jeu qui les place au centre de l’arène? Jean-Paul Lallier, conseiller stratégique au cabinet d’avocats LKD, et John Parisella, délégué général du Québec à New-York, se partageront le panel de la Conférence nationale pour répondre à cette question. Rejoints par téléphone à quelques jours de l’événement, ils ont accepté de donner un bref aperçu de leur vision.

Aux premières loges de notre voisin du sud, John Parisella situe la lente reprise économique dans le contexte politique où le président Obama a joué ses grosses cartes en début de mandat. Les grosses réformes étaient nécessaires, mais elles sont choses du passé. La relance passe maintenant par le développement des nouvelles technologies. «En ce moment, la croissance est de l’ordre de 3% en général, mais dans le domaine des technologies de l’information, elle touche les 17%.»

Transport à grande vitesse

Un projet de transport rapide, tel que le monorail proposé par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), pourrait-il désenclaver les régions? «C’est important de regarder les transports comme un tout, avec des éléments d’intégration, souligne le diplomate. Je ne veux pas qualifier un système plus qu’un autre. Pour faire face à des besoins et aux changements climatiques, je vois le mouvement sur rail comme étant quelque chose de positif.» Sur le TGV Montréal-New-York, un sujet qui lui tient à cœur, le Délégué général parle d’un consensus qui est en train de se développer en faveur du transport de passagers par rail aux États-Unis.

L’ancien maire de Québec insiste pour sa part sur le rôle de leadership complémentaire que doivent assumer les villes. «Quand Québec se présente comme une ville d’histoire, il ne faudrait pas qu’elle oublie d’associer les territoires où il y a aussi de grands morceaux de notre histoire.»

M. Lallier affirme que, pour se développer, les régions doivent d’abord trouver leur identité. «Le côté touristique, ce n’est pas uniquement d’aligner des motels sur la route. C’est ce qu’on a à partager avec les gens qui viennent ici. Charlevoix a assumé son identité. D’autres régions se perçoivent encore à travers le potentiel d’exploitation des ressources naturelles. On revient cinquante ans en arrière.»

Ressources naturelles

C’est pourtant les grands projets d’exploitation des ressources naturelles qui sont souvent présentés comme la planche de salut des régions. Les projets miniers, hydroélectriques et éoliens sont-ils réellement structurants pour les régions? «Il suffisait qu’une compagnie dise “Je vais vous donner tant d’argent pour implanter mon éolienne sur votre terre”, et le cultivateur prenait le morceau, pensant que c’était bien bien payé pour utiliser un fond de terrain dont il ne se servait pas», s’indigne l’ancien maire pour illustrer le laisser-faire qui a caractérisé les appels d’offres en éolien. À cette approche, il oppose celle de la coopération.

Coopération

«Les régions qui se servent d’un des outils les plus traditionnels du Québec, c’est-à-dire les coopératives, défendent mieux leurs intérêts et partagent le bénéfice. Ça a toujours été pour le Québec une stratégie gagnante», rappelle-t-il en ajoutant que si on n’avait pas eu la coopération, le Québec ne serait pas devenu ce qu’il est. «La coopérative, c’est la mise en commun de ressources modestes qui, elles, constituent alors un important bassin de ressources. C’est tout le principe de la solidarité. C’est ça qu’il faut développer en région. Une des forces potentielles des régions, c’est qu’il est plus facile d’y développer des solidarités autour de projets gagnants que ça peut l’être dans le quartier Saint-Michel à Montréal, par exemple.»

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l'Avenir, a présenté L'Écho de L'Avenir à la presse. Photo: N.Falcimaigne

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l’Avenir, a présenté L’Écho de L’Avenir à la presse.
Photo: N. Falcimaigne

Cet article fait partie du journal spécial L’Écho de L’Avenir, réalisé dans le cadre de l’événement Ruralia et publié dans Le Devoir du samedi 14 mai 2011, organisé par Solidarité rurale du Québec (SRQ). Si le journal est un hebdo fictif inventé pour le village fictif de Saint-Ailleurs, qui était le salon de la ruralité, les articles qu’il contient sont tous de bien réels articles de journalisme indépendant portant sur des nouvelles réelles et répondant aux standards élevés de la Coopérative de journalisme indépendant. Sauf cet article qui en faisait la Une et qui est une fiction.

Mai 142011
 
«Tout ce que les ruraux ont obtenu au fil des ans, ils l’ont obtenu à force de batailles. Il n’y a jamais eu de cadeau.» - Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale du Québec. photo : Nicolas Falcimaigne

«Tout ce que les ruraux ont obtenu au fil des ans, ils l’ont obtenu à force de batailles. Il n’y a jamais eu de cadeau.» – Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale du Québec. photo : Nicolas Falcimaigne

La présidente de Solidarité rurale du Québec n’a pas froid aux yeux. Heureusement. La coalition qui fête ses vingt ans cette année contemple avec perplexité les cadeaux du présent : gaz de schiste, pétrole, mines, crise forestière, crise agricole, crise des institutions démocratiques, le tout emballé dans un papier parfumé d’indifférence.
«Tout ce que les ruraux ont obtenu au fil des ans, ils l’ont obtenu à force de batailles. Il n’y a jamais eu de cadeau», confie-t-elle. Lucide et déterminée, c’est sur une expérience de militantisme à la dure qu’elle fonde son idéalisme. Claire Bolduc inspire une force tranquille qui rappelle les Chartrand qui ont fait l’histoire du Québec.

Solidarité rurale, une coalition

D’entrée de jeu, elle rappelle le vaste mouvement collectif qui a donné naissance à Solidarité rurale en 1991, sous le leadership de Jacques Proulx. «On perdait entre 30 et 50 fermes par semaine, et ils se sont aperçus que c’était la ruralité au complet qui était en difficulté.»

Réunis lors des États généraux du Monde rural, des organisations variées, allant du Mouvement Desjardins à l’Union des producteurs agricoles (UPA), en passant par les commissions scolaires, ont adopté la Déclaration du monde rural et fondé la coalition Solidarité rurale du Québec.

Puis il y a eu la bataille pour le maintien des bureaux de poste de village, la bataille pour le maintien des petites écoles et pour la diversification de l’économie rurale. «Dans un contexte où on parlait de mondialisation, de globalisation, de production de masse, Solidarité rurale s’est mis à parler de produits du terroir, de produits distinctifs, de produits de niche.»

En 1997, la coalition était reconnue en tant qu’instance conseil auprès du gouvernement en matière de ruralité, ce qui a mené à l’adoption des deux premières Politiques nationales de la ruralité. Le gouvernement ne venait-il pas d’apprivoiser le chien de garde? Mme Bolduc est catégorique: «Si, pour avoir les moyens d’agir, tu te prives de ton droit de parole, tu viens de te priver de ta raison d’agir, de ta légitimité d’agir.»

Elle concède qu’il était parfois un peu dérangeant pour une commission scolaire de se faire dire par quelqu’un d’autre: «Vous ne pouvez pas fermer la dernière école de village», mais que c’est ça une coalition. «Si on s’arrête aux intérêts corporatifs et aux intérêts particuliers, on arrête de se battre pour un objectif plus grand.»

Claire Bolduc se défend bien d’être sans peur. Ce qui l’inquiète le plus, actuellement, c’est l’indifférence des citoyens. Les gens sont craintifs. Ils acceptent de perdre beaucoup collectivement, pour maintenir un petit acquis individuel. «Pour avoir des jobs pendant dix ans, on va sacrifier un territoire pour les deux cents prochaines années, s’indigne-t-elle. Le sous-sol ne nous appartient pas au Québec. On le donne notre sous-sol! Et dans ce sous-sol là, il n’y a pas que des minéraux, du gaz et des hydrocarbures, mais il y a aussi de l’eau potable. Ça, c’est la plus grande richesse qu’on a et on est en train de la scraper.»

Face au défi de se renouveler, après vingt ans de combats et de réussites, Solidarité rurale aura donc plus de fil à retordre avec l’apathie des citoyens qu’avec la recherche d’enjeux mobilisateurs, ceux-ci étant nombreux. La coalition pourra compter sur la conviction d’une femme libre et déterminée. À ses côtés, la peur fait place à la saine colère qui amène le changement.

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l'Avenir, a présenté L'Écho de L'Avenir à la presse. Photo: N. Falcimaigne

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l’Avenir, a présenté L’Écho de L’Avenir à la presse.
Photo: N. Falcimaigne

Cet article fait partie du journal spécial L’Écho de L’Avenir, réalisé dans le cadre de l’événement Ruralia et publié dans Le Devoir du samedi 14 mai 2011, organisé par Solidarité rurale du Québec (SRQ). Si le journal est un hebdo fictif inventé pour le village fictif de Saint-Ailleurs, qui était le salon de la ruralité, les articles qu’il contient sont tous de bien réels articles de journalisme indépendant portant sur des nouvelles réelles et répondant aux standards élevés de la Coopérative de journalisme indépendant.

Mai 142011
 

Au sortir d’une crise économique sans précédent, l’Amérique du Nord se relève en s’appuyant notamment sur de grands chantiers et sur l’exploitation des ressources naturelles. Quelle épingle les régions rurales peuvent-elles tirer de ce jeu qui les place au centre de l’arène? Jean-Paul Lallier, conseiller stratégique au cabinet d’avocats LKD, et John Parisella, délégué général du Québec à New-York, se partageront le panel de la Conférence nationale pour répondre à cette question. Rejoints par téléphone à quelques jours de l’événement, ils ont accepté de donner un bref aperçu de leur vision.

Aux premières loges de notre voisin du sud, John Parisella situe la lente reprise économique dans le contexte politique où le président Obama a joué ses grosses cartes en début de mandat. Les grosses réformes étaient nécessaires, mais elles sont choses du passé. La relance passe maintenant par le développement des nouvelles technologies. «En ce moment, la croissance est de l’ordre de 3% en général, mais dans le domaine des technologies de l’information, elle touche les 17%.»

Transport à grande vitesse

Un projet de transport rapide, tel que le monorail proposé par l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), pourrait-il désenclaver les régions? «C’est important de regarder les transports comme un tout, avec des éléments d’intégration, souligne le diplomate. Je ne veux pas qualifier un système plus qu’un autre. Pour faire face à des besoins et aux changements climatiques, je vois le mouvement sur rail comme étant quelque chose de positif.» Sur le TGV Montréal-New-York, un sujet qui lui tient à cœur, le Délégué général parle d’un consensus qui est en train de se développer en faveur du transport de passagers par rail aux États-Unis.

L’ancien maire de Québec insiste pour sa part sur le rôle de leadership complémentaire que doivent assumer les villes. «Quand Québec se présente comme une ville d’histoire, il ne faudrait pas qu’elle oublie d’associer les territoires où il y a aussi de grands morceaux de notre histoire.»

M. Lallier affirme que, pour se développer, les régions doivent d’abord trouver leur identité. «Le côté touristique, ce n’est pas uniquement d’aligner des motels sur la route. C’est ce qu’on a à partager avec les gens qui viennent ici. Charlevoix a assumé son identité. D’autres régions se perçoivent encore à travers le potentiel d’exploitation des ressources naturelles. On revient cinquante ans en arrière.»

Ressources naturelles

C’est pourtant les grands projets d’exploitation des ressources naturelles qui sont souvent présentés comme la planche de salut des régions. Les projets miniers, hydroélectriques et éoliens sont-ils réellement structurants pour les régions? «Il suffisait qu’une compagnie dise “Je vais vous donner tant d’argent pour implanter mon éolienne sur votre terre”, et le cultivateur prenait le morceau, pensant que c’était bien bien payé pour utiliser un fond de terrain dont il ne se servait pas», s’indigne l’ancien maire pour illustrer le laisser-faire qui a caractérisé les appels d’offres en éolien. À cette approche, il oppose celle de la coopération.

Coopération

«Les régions qui se servent d’un des outils les plus traditionnels du Québec, c’est-à-dire les coopératives, défendent mieux leurs intérêts et partagent le bénéfice. Ça a toujours été pour le Québec une stratégie gagnante», rappelle-t-il en ajoutant que si on n’avait pas eu la coopération, le Québec ne serait pas devenu ce qu’il est. «La coopérative, c’est la mise en commun de ressources modestes qui, elles, constituent alors un important bassin de ressources. C’est tout le principe de la solidarité. C’est ça qu’il faut développer en région. Une des forces potentielles des régions, c’est qu’il est plus facile d’y développer des solidarités autour de projets gagnants que ça peut l’être dans le quartier Saint-Michel à Montréal, par exemple.»

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l'Avenir, a présenté L'Écho de L'Avenir à la presse. Photo: N. Falcimaigne

Paul-Albert Brousseau, garagiste et maire de Saint-Ailleurs-de-l’Avenir, a présenté L’Écho de L’Avenir à la presse.
Photo: N. Falcimaigne

Cet article fait partie du journal spécial L’Écho de L’Avenir, réalisé dans le cadre de l’événement Ruralia et publié dans Le Devoir du samedi 14 mai 2011, organisé par Solidarité rurale du Québec (SRQ). Si le journal est un hebdo fictif inventé pour le village fictif de Saint-Ailleurs, qui était le salon de la ruralité, les articles qu’il contient sont tous de bien réels articles de journalisme indépendant portant sur des nouvelles réelles et répondant aux standards élevés de la Coopérative de journalisme indépendant. Sauf cet article qui en faisait la Une et qui est une fiction.