Vous avez un projet et vous souhaitez le réaliser de façon démocratique, égalitaire, équitable, structurée, officielle? Depuis la fondation du journal Ensemble, avec la publication de centaines d’articles spécialisés sur les coopératives et d’un livre sur l’Année internationale des coopératives en 2012, de nombreux groupes ont sollicité notre équipe pour avoir des conseils et de l’information en vue du démarrage de leur propre coop. Nous publions ici un résumé des étapes que nous recommandons. Cet article sera mis à jour à l’occasion. Gardez-le dans vos signets!
Depuis plusieurs années, le désengagement de l’État dans les services publics pousse les populations à s’organiser pour répondre à leurs besoins, notamment en créant des coopératives. En même temps, les gouvernements n’ont cessé de couper également dans les ressources d’accompagnement au développement de l’économie sociale.
Voici donc une nouvelle série d’articles que nous développons, en complémentarité avec les ressources existantes, pour aider les groupes à démarrer leur coop sur le bon pied. Pour aider la publication de ces articles, soutenez le dossier Coopératisme!
Cette série d’articles est publiée chaque semaine à partir de janvier 2015, puis maintenue à jour et améliorée avec le temps, et peut donc être l’objet de modifications après publication.
Fondé par des coopératistes aguerris, le journal Ensemble est considéré comme une référence d’information sur les coopératives depuis ses premières publications en 2010 et la fondation de la Coopérative de journalisme indépendant en 2011.
Le Sommet international des coopératives, tenu du 5 au 9 octobre dernier, a convié les grandes coopératives de partout dans le monde à Québec. Toutefois, la plupart des coopératives québécoises n’ont pu se permettre d’y participer. La logique d’affaires y a été omniprésente sur les tribunes, tout comme la gent masculine. C’est ce qu’ont soulevé deux intervenants clé du mouvement. Lui est chercheur indépendant et elle est représentante des coopératives de travail. Ensemble a recueilli leurs impressions.
«On est une coopérative, mais…» C'est une expression qui revient trop souvent, selon le professeur Louis Favreau, titulaire de la Chaire de recherche en développement des collectivités (Université du Québec en Outaouais). Les coopératives ne sont pas qu'une structure de propriété, bien sûr, elles sont empreintes de valeurs profondes qui placent l'humain devant le capital. De nombreuses coopératives mettent ces aspects à l'avant-plan. Mais dans le mouvement coopératif, on observe une tendance à réduire la distinction coop à son aspect collectif. «La logique d'affaires est omniprésente», a-t-il illustré lorsque nous l'avons interrogé, pendant le Sommet. Il a aussi déploré l'absence d'un moment ou d'un lieu d'échange sur l'engagement politique des coopératives dans le monde.
Pour Hazel Corcoran, directrice générale de la Fédération des coopératives de travail du Canada, c'est surtout le Rendez-vous qui a précédé le Sommet qui a été important. «On a pu faire venir 70 ou 80 personnes, souligne-t-elle, dont une grosse majorité venant du Québec, qui n'assistaient pas au Sommet en entier parce que c'était trop cher pour eux.»
Ce qui l'a marqué dans ce Sommet, c'est l'opportunité de faire du réseautage avec les gens de la coopération du travail venus de partout dans le monde, ainsi que la possibilité de faire valoir la coopération auprès des médias, attirés par les têtes d'affiche du mouvement. Elle déplore toutefois l'omniprésence des hommes sur les tribunes du Sommet. Pourtant, souligne-t-elle, l'égalité homme-femme «est un des cinq objectifs de l'ACI (Alliance coopérative internationale), qui est un des partenaires avec Desjardins dans le Sommet».
Exclusif aux personnes qui contribuent: grande entrevue avec Louis Favreau (connectez-vous ou contribuez pour vous connecter et lire la suite!):
Vous ne m’en voudrez pas, j’espère… Aujourd’hui, je n’ai pas couru le marathon devant la bannière de tête pour prendre et reprendre de l’avance sur le flot populaire. J’ai réussi à m’empêcher de grimper dangereusement sur le mobilier urbain pour saisir «la shot» de cette manifestation monstre contre l’austérité. Je n’ai pas interrogé les leaders sociaux tout en marchant et en gérant caméra et prise de son. J’ai demandé une photo à un collègue plutôt qu’en prendre une moi-même. Je n’ai pas fait de reportage vidéo à toute vitesse. Suis-je malade? Burnout? Est-ce que j’ai choké? Non, aujourd’hui, j’ai été un manifestant. Parce que l’austérité, nous les journalistes indépendants, on connaît ça. On la vit au quotidien.
En fait, le journalisme indépendant, c’est l’austérité. L’information, c’est un bien commun qu’on a complètement abandonné aux lois du marché. Ça donne une idée de ce que sera notre société après le démantèlement actuel. Alors j’ai marché en criant des slogans, brandissant mon kodak en guise de pancarte. Confidence: j’écris même ce texte d’avance, pour pouvoir jaser avec le monde pendant le retour en autobus, au lieu de faire du montage, de la rédaction ou du traitement photo.
Je ne serai pas ici de cette sainte et mythique «objectivité» à laquelle on vous a habitué de croire pour gober la communication de masse, alors que toutes les sciences humaines ont depuis longtemps renié ce concept. Je ne serai pas objectif, mais je serai honnête.
Le journalisme, c’est une institution démocratique. On l’appelle même parfois pompeusement le «4e pouvoir». Sommes-nous, comme le veut l’expression, les «chiens de garde de la démocratie»? Si oui, imaginez des chiens de garde qu’on ne nourrit pas, et qui doivent chasser leur pitance dans le voisinage en laissant souvent la maison sans surveillance. Le premier voleur venu leur pitche un steak et ils ne gardent plus grand chose, les chiens de garde.
Pour en savoir plus sur les conditions abjectes de pratique du journalisme indépendant, lisez notre dossier: on a fait le tour du Québec pour constater que le salaire minimum est encore un rêve lointain, que les ressources sont ridicules et que les menaces, la violence et l’intimidation à l’endroit des journalistes sont plus répandues qu’on le croirait.
Voulons-nous que ce soit la même chose pour les autres secteurs? Que laissera derrière-lui le démantèlement de la société civile auquel nous assistons? Garderies, services aux jeunes, services aux entreprises, gouvernements régionaux, ressources en culture et patrimoine, gouvernance locale et régionale en santé et en éducation, Solidarité rurale, cégeps, universités, municipalités, pactes ruraux et agents ruraux, Commissions scolaires, et la liste s’allonge… suivie d’une foule de nouveaux chômeurs en région.
Voulons-nous d’une société où il y aura des clients, des entreprises privées, et la police pour protéger ces dernières des premiers? Voulons-nous d’une société où les services essentiels seront payés par la publicité et la charité, pendant que nos impôts financent les multinationales?
Je vous donnerais bien, quand même, le nombre de personnes qui ont manifesté, car il sera coupé de moitié par les médias de masse, et ils trouveront même le moyen de dire que «c’est pas des gens de la place». Mais à quoi bon? C’est le Québec entier qui était dans la rue. Car l’austérité, c’est quelques personnes riches et puissantes qui s’attaquent au Québec entier.
Bon printemps!
PS: Pour dire vrai, j’ai tout de même pris plein de photos… je vous partage les 18 meilleures ici en exclusivité. Contribuez ou connectez-vous pour les voir. 🙂
Rien ne va plus pour TransCanada. 71% des Québécois et 60% des Cacounois s’opposent au projet d’oléoduc Énergie Est. Près de 350000$ ont été recueillis en quelques jours pour soutenir l’opposition au projet. Une fuite a révélé le plan de communications du projet, le gouvernement du Québec a posé sept conditions à la compagnie et maintenant les élus municipaux demandent l’arrêt des procédures. C’est dans ce contexte que la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son intention d’organiser un référendum sur ce projet, suscitant plusieurs questions du public lors de la dernière assemblée du conseil municipal.
Cacouna n'en est pas à son premier référendum sur un tel projet. En 2005, les citoyens de la couronne rurale, qui était alors une municipalité distincte (dite «paroisse»), s'étaient prononcés en faveur du projet Énergie Cacouna. La municipalité avait même payé la moitié des frais de l'exercice: 25000$. Le scrutin avait été entaché par des irrégularités en contravention de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
En entrevue avec Ensemble après la levée de la réunion du conseil, la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son refus de s'engager à limiter les dépenses d'un éventuel référendum sur le projet de port pétrolier Vidéo: Nicolas Falcimaigne
C'est donc avec une certaine appréhension que les personnes présentes à l'assemblée du 10 novembre ont partagé leurs préoccupations. Le référendum sera-t-il «neutre»? Quelles mesures seront prises pour donner une chance égale aux deux options, le Oui et le Non, malgré l'avantage financier de la compagnie? Quel est le contenu du projet de protocole d'entente déposé par le conseil à la compagnie? Sera-t-il connu avant le référendum? Les résultats du référendum seront-ils pris en compte? Les Québécois d'autres régions touchées par le projets pourront-ils voter?
Lorsque le public a demandé de limiter les dépenses publicitaires de la compagnie, plusieurs échevins ont tourné ce principe en dérision: «On ne peut pas faire ça.» «Les Non aussi vont en faire de la publicité, ça va être donnant-donnant, ça va être d'un côté comme de l'autre.» «Mais il y a un côté qui a plus d'argent», a souligné une citoyenne. «Les gens jugeront et voteront selon leur conscience», a tranché la mairesse, refusant de s'engager à limiter les dépenses.
La limitation des dépenses électorales lors des référendums et des élections permet d'assurer l'égalité des chances entre les deux camps, et donc la légitimité du scrutin. Toutefois, «il n’y a pas de limite de dépenses électorales […] dans les municipalités de moins de 5000 habitants», indique le Directeur général des élections (DGE). La municipalité de Cacouna compte moins de 5000 habitants. C'est donc au conseil municipal de décider si ces dépenses seront limitées dans ce cas précis.
Une rencontre d'information avec spécialistes triés sur le volet
La mairesse s'est engagée à tenir une rencontre d'information publique avant le référendum, avec des spécialistes. Questionnée sur l'idée d'inviter l'écotoxicologue Émilien Pelletier à la rencontre d'information, elle a répondu que M. Pelletier avait déjà donné plusieurs conférences dans la région et que les spécialistes invités seraient plutôt «des personnes qui m'ont été référées et qui sont vraiment neutres».
Le jeudi 4 décembre prochain, de 16h à 20h, TransCanada tiendra une soirée «Portes ouvertes sur le projet Oléoduc Énergie Est», à la salle paroissiale de Cacouna. Lors de telles rencontres, le public peut discuter individuellement avec une équipe de communication déployée par la compagnie autour de kiosques thématiques. Cette formule utilisée par la compagnie depuis le début est décriée par plusieurs citoyens, qui souhaiteraient plutôt une assemblée avec questions et réponses publiques.
Protocole d'entente
C'est aussi lors de la réunion du 10 novembre que la mairesse Daris a annoncé le dépôt à la compagnie d'un projet de protocole d'entente dont le contenu ne peut être rendu public «parce qu'il est en négociation». Les termes de ce protocole d'entente tiennent compte des consultations faites auprès des citoyens, et sont «à prendre ou à laisser», affirme le conseil municipal, catégorique. Yvan Roy, citoyen cacounois et éditeur du journal local Épik, y décèle pour sa part une reprise de la stratégie référendaire utilisée par TransCanada pour le port méthanier en 2005.
«Si ce protocole a été préparé à huis clos, même avec des "notes" prises sur les demandes des citoyens, commente M. Roy, il est à souhaiter que la suite des choses n'ait pas le même huis clos et ne répète pas l'erreur du préréférendum 2005 où la compagnie avait mis sur la table de nombreux avantages et retombées, surtout pécuniaires, et où "l'entente" impliquait que la municipalité se prononce en faveur du projet et incite la population à voter aussi en faveur… Un huis clos qui débouche sur une telle entente financièrement alléchante mais conditionnelle à un Oui référendaire, et où le référendum lui-même est généreusement appuyé financièrement par la compagnie elle-même, est loin de respecter le libre choix des citoyens et la transparence dont on veut faire preuve.»
Captation vidéo de l'assemblée (46 minutes), une exclusivité Ensemble.
Trois-Pistoles — Troisième étape de ma wannabe libération de l’automobile, le site de covoiturage Avec pas d’char est entré en ligne samedi. Après avoir réglé le problème des transports interurbains et celui des transports locaux réguliers, il me fallait plus de souplesse. Le covoiturage permet de me rendre tous les jours au village. Je le teste pour vous, et je vous invite à bord.
«Essaie donc de te passer de ton char, pour voir», m’avait lancé un député en marge d’une entrevue, il y a presque un an. Je lui avais demandé combien de temps ça prendrait pour sortir le Québec du pétrole. Les gouvernements de ce siècle, l’ancien comme le nouveau, et celui d’avant, ont tous en commun d’avoir favorisé les projets pétroliers. Comme si, pour apprendre à s’en passer, il en fallait de plus en plus. J’ai donc pris au mot le député: me passer de mon char, pourquoi pas?
J’habite dans le fond d’un rang d’une campagne éloignée, avec deux enfants qui vont à une école non desservie par le transport scolaire. Je fais un métier chaotique, avec de nombreux déplacements imprévisibles et un horaire atypique. Si j’y arrive, tout le monde peut y arriver. Si tout le monde peut y arriver, pourquoi pas le Québec?
Covoiturer sans voiture?
Pour me passer de mon char, il faudra donc utiliser celui des autres. Quel paradoxe! On ne se libère pas de la dépendance à l’auto, mais on devient dépendant de l’auto des autres. De quelle autonomie parle-t-on?
Si le covoiturage est une solution, c’est parce que dans mon coin, les gens utilisent la voiture. C’est aussi pour ça que le transport collectif offre encore peu de trajets. Ce sont des vases communicants. Si le covoiturage a du succès et que de plus en plus de personnes délaissent l’automobile, moins de voitures seront disponibles, mais il deviendra alors rentable pour les autobus d’augmenter les fréquences et de multiplier les trajets.
Le site de covoiturage que j’ai mis en ligne samedi matin est très rudimentaire. C’est juste un petit réseau social permettant aux passagers et passagères d’entrer en communication avec les conducteurs et conductrices. Les conditions sont à leur discrétion.
La technologie m’ayant réservé certains bugs, j’ai même ajouté une page «À l’aide!» avec mes coordonnées, pour les personnes qui ont de la difficulté à s’inscrire sur le site. Il serait mieux de le remplacer bientôt par une plateforme plus fiable et professionnelle. Mais c’est un début. Les lecteurs et lectrices qui veulent y contribuer peuvent faire un don.
Le plus important, actuellement, c’est de l’utiliser. Il faut en démontrer l’importance pour la communauté. Ainsi, les partenaires locaux pourront décider d’investir pour doter la région d’un service de covoiturage plus élaboré, en attendant que le transport en commun suffise aux besoins de tous et toutes.
Pour ma part, la prochaine étape sera le partage de l’automobile. On s’y retrouve dans un prochain article!
CACOUNA —Alors même que 2500 personnes marchaient sur le port de Gros-Cacouna, samedi, pour réclamer l’arrêt définitif des travaux en vue de la construction du terminal pétrolier du projet Énergie-Est de TransCanada, une fuite de pétrole brut survenait aux installations de la raffinerie portuaire de Valero à Lévis, et un pétrolier destiné à l’exportation du pétrole des sables bitumineux croisait au large des Escoumins, en direction du port de Sorel-Tracy.
Au-delà du port pétrolier, c’est l’ensemble des projets pétroliers et particulièrement l’exportation du pétrole des sables bitumineux albertains que rejettent les 2500 manifestants et manifestantes (un nombre que les médias de masse ont coupé de moitié), dont une grande partie venait de la région. «2500 personnes à Cacouna, c’est comme 2 millions de personnes à Montréal», a illustré Yvan Roy, résident de Cacouna et rédacteur en chef du journal local Epik, qui suit activement le dossier.
Martine Ouellet, députée du PQ, est favorable à l’oléoduc d’Enbridge et opposée à celui de TransCanada. Le NPD est favorable à ce dernier dans l’Ouest, mais pas au Québec. Les manifestants sont opposés aux deux, aux trains et aux bateaux, et à Anticosti, bref: à tous les projets pétroliers. Vidéo: Nicolas Falcimaigne
Le mouvement est organisé par des groupes citoyens, comme les autres manifestations qui ont eu lieu ce printemps à ce sujet. Cette fois-ci, de nombreux représentants politiques ont insisté pour s’adresser à la foule. Même des partis qui se sont prononcés en faveur du projet ou qui soutiennent d’autres projets pétroliers étaient présents.
Anticosti et Enbridge, «C’est différent», dit le PQ
Malgré le soutien de son parti à l’exportation du pétrole albertain vers l’est, François Lapointe, député néodémocrate de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, tente de représenter ses électeurs du Québec préoccupés par le projet. «On a déposé une motion précise sur le projet de port pétrolier pour rejeter la construction d’un port pétrolier ici à Cacouna.» De son côté, le président du Bloc Québécois, Mario Beaulieu, dénonce le «double discours» du NPD: «M. Mulcair, au Canadian Club à Toronto, a dit qu’il appuierait pleinement le projet d’oléoduc vers l’est.» Le Bloc est opposé au projet depuis ce printemps.
Quatre députés du Parti québécois (PQ) étaient présents sur place. Lorsque ce parti était au pouvoir, il a autorisé l’inversion de la ligne 9 d’Enbridge et subventionné l’exploration pétrolière sur Anticosti.
«Là, on est seulement le tuyau pour les ressources de l’Alberta. Dans le cas d’Anticosti, c’est l’exploitation, à tout le moins, où les retombées sont potentiellement plus importantes pour le Québec, nuance Pascal Bérubé, député péquiste de Matane-Matapédia. À savoir si son parti tient toujours à Anticosti, il affirme qu’il faudra«réviser cette position-là. L’élection s’est déroulée, on a à réviser tout ça. Le gouvernement a décidé d’aller de l’avant, on va voir comment ça va se passer. Lorsqu’il y aura l’arrivée d’un nouveau chef, ça va être certainement le moment, avec le congrès, de réévaluer tout ça. Il y a de nouvelles informations qui sont apparues depuis notre annonce quand on formait le gouvernement, donc ça vaut la peine de reconsidérer et de ne pas avoir de position définitive là-dessus.»
Encore en réflexion sur sa candidature à la direction du Parti québécois, Martine Ouellet, porte-parole en matière de transports, d’électrification des transports et de stratégie maritime, n’y voit pas de contradiction. «Le Parti québécois n’a jamais été pour le projet de TransCanada. [lire ici sa position de septembre 2013] Les deux projets de pipelines sont deux projets complètement différents. Enbridge, c’est de l’inversion, mais c’est aussi pour le marché québécois.»
Contre toute forme d’exportation du pétrole
L’une des quatre militantes qui se sont enchaînées aux grilles de la raffinerie Suncor à Montréal pour dénoncer la mise en service de l’autre projet d’oléoduc, la ligne 9 d’Enbridge, Alyssa Symons-Belanger, est venue exprimer qu’elle est farouchement«contre toute forme de transport des sables bitumineux à travers le Québec».
C’est un élu, le maire de Saint-Siméon et préfet de Charlevoix-Est, qui a soulevé la foule. «Vous n’êtes pas tannés de vous faire dire quoi faire par des gens, des financiers, qui sont à l’extrémité de la Terre? On se fait imposer des choses, en région comme au Québec, alors que normalement on sait exactement de quoi on a besoin nous autres même, a tonné Sylvain Tremblay. Vous êtes les gardiens de notre avenir, les gardiens de nos enfants, qui sont présents ici. On ne peut pas se laisser faire pour imposer des choses comme ça. C’est non.»
«On va juste forer pour voir si ça va éventuellement déranger les bélugas, a ironisé l’humoriste Christian Vanasse, s’adressant à la foule. Et si ça les dérange, et qu’ils s’en vont, et qu’ils ne reviennent pas, là on pourra forer sans les déranger.»
«Au Québec, on est en train comme le Canada de virer en État pétrolier, s’est inquiétée Kim Cornelissen, consultante en énergies renouvelables. Trois des caractéristiques des États pétroliers, c’est que le gouvernement ne nous représente plus, c’est que les programmes sociaux vont tomber (ce qu’on est en train de voir avec la fameuse politique d’austérité), et le troisième, c’est qu’il y a de moins en moins d’intérêt pour les énergies renouvelables. Et si vous regardez ce qui se passe dans l’actualité actuellement, c’est exactement ça. On est en train de virer en État pétrolier.»
«Nous avons un devoir d’être des gardiens du bien commun et de la protection de notre territoire», a martelé Martin Poirier, porte-parole de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent. Il s’est dit «consterné de voir les positions que prend notre gouvernement», dénonçant que «le premier ministre Couillard, le lendemain du jugement [imposant l’arrêt des travaux], ose ajouter que les forages vont continuer à aller de l’avant, parce qu’on a besoin d’aller forer dans la pouponnière des bélugas pour réaliser une évaluation environnementale. Alors là, je dis: enlevons le titre de notre premier ministre et disons qu’il devient carrément un lobbyiste de TransCanada.»
La foule déferle sur le port de Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne
«J’aimerais que les médias comprennent une chose aujourd’hui: la résistance ne s’organise plus. La résistance est organisée, a affirmé Simon Côté, porte-parole de la coalition Stop-Oléoduc. Sachez que maintenant, l’énergie des milliers de citoyens dans les centaines de groupes à travers la province va se concentrer de moins en moins dans l’organisation, et de plus en plus dans l’action directe.»
Poursuite des travaux
Les 2500 personnes réunies à Cacouna ont exigé l’arrêt définitif des travaux, même après la fin de l’injonction, le 15 octobre. Les opérations devant permettre de connaître le fond marin où poser les assises de la jetée de 750 mètres avaient commencé avec des levés sismiques de 220 décibels ce printemps, et se poursuivent cet automne sous la forme de sondages géotechniques.
Ces forages doivent se dérouler pendant 95 jours à raison de 5 heures par jour. Pour procéder, la compagnie doit s’assurer qu’aucun mammifère marin n’est dans la zone, une surveillance qui nécessite une mer calme et libre de glaces.
Tout déversement de pétrole aurait des conséquences importantes dans le Saint-Laurent, en raison des courants et de la glace, qui empêcheraient de limiter les dégâts. Le chargement prévu de deux à trois superpétroliers par semaine implique aussi le déversement systématique de 60000 tonnes d’eaux de ballast par navire.
La mobilisation populaire bloque jusqu’à maintenant les projets d’oléoduc Northern Gateway (Enbridge) vers le Pacifique et Keystone XL (TransCanada) vers le golfe du Mexique. La croissance de 200% à 300% souhaitée par l’industrie des sables bitumineux en Alberta repose donc actuellement sur la capacité d’exporter le pétrole à travers le Québec, par train, par bateau, et principalement par oléoduc.
Mikaël Rioux et Martin Poirier, organisateurs, à l’entrée du port de Gros-Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne
On compte 1181 cas de femmes disparues ou assassinées depuis 30 ans, selon un rapport de la GRC rendu public ce printemps. C’est ce rapport qui a attiré l’attention des médias et du public sur un drame que les Premières Nations dénoncent pourtant depuis des années. Hier, à l’occasion de la Journée nationale d’action pour les femmes autochtones disparues ou assassinées, des vigiles se sont tenues au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde pour exiger du gouvernement fédéral la tenue d’une commission d’enquête nationale publique.
Il est difficile de savoir ce qu’offre TransCanada aux conseils de bande de plusieurs nations autochtones pour passer l’oléoduc Énergie-Est sur leurs territoires ancestraux. La Première nation malécite de Viger a publiquement admis discuter avec la compagnie albertaine à propos du port de Cacouna. Selon l’organisation Stop Oléoduc de la Capitale-Nationale, il y aurait actuellement des discussions avec le conseil de bande Huron-Wendat de Wendake pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Combien vaut le territoire ancestral?
CACOUNA —Les travaux de forage ont été interrompus pendant la majeure partie de la journée hier à Cacouna. Malgré une météo favorable, la compagnie Transcanada a dû suspendre ses sondages géotechniques en raison de la présence persistante d’un groupe de petits rorquals. Ensemble a obtenu plus de mille photographies de baleines prises pendant toute la journée par l’observateur Mikaël Rioux, qui tient une vigile du site depuis le premier jour des travaux. Nous en avons sélectionné une douzaine.
Au cours des derniers jours, les conditions imposées par le certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement se sont précisées. Selon nos sources, c’est la présence de tout «mammifère marin», qu’il soit béluga, petit rorqual ou autre, dans la zone d’exclusion de 540 m qui doit déclencher l’arrêt des travaux.
Les barges de forage peuvent être déplacées par deux remorqueurs deux fois par semaine et un seul aller-retour est permis entre le port et les barges. C’est un des deux remorqueurs qui doit assurer le transport du personnel matin et soir. Les travaux doivent se faire entre 7h et 18h.
Transcanada transgresse les règles
Le 14 septembre, plus de cinq allers-retours ont été constatés par l’observateur Mikaël Rioux, photos à l’appui. Le 17 septembre, M. Rioux a pris plus de mille photos de petits rorquals et même d’un béluga qui ont occupé la zone d’exclusion pendant la majeure partie de la journée, causant l’arrêt des travaux.
À la lumière de ces faits, des groupes de citoyens ont déposé une seconde requête en injonction pour obtenir l’arrêt définitif des travaux. La cour s’est saisie de ce dossier cette semaine.
«Tout le projet de pipeline Énergie-Est est désavantageux pour le Québec, économiquement et environnementalement.» Mario Beaulieu, président du Bloc québécois, est monté sur le rocher de Cacouna pour observer les travaux de forage de TransCanada, en vue de l’installation d’un port pétrolier. Ce faisant, le nouveau chef réaffirme l’orientation prise par son parti à Rimouski ce printemps, à l’effet que le Bloc «prenne la tête de l’opposition au développement de l’industrie pétrolière».