«Comment ça se fait qu’on paye des fortunes pour des centres de recherche, pour des hommes d’affaires qui vont faire de l’exploration sur le pétrole potentiel au Québec, sur la richesse potentielle des gaz naturels, et qu’on ne paye pas un quart du centième du millième de ça pour ceux qui nous partagent cette information?», s’exclame François Bugingo. Si l’économie de marché semble avoir laissé le journalisme loin derrière, l’enfonçant dans la précarité, le mépris et des conditions de travail misérables, il n’en reste pas moins la pierre angulaire de toute la machine médiatique et un pilier de toute société démocratique. M. Bugingo, journaliste, chroniqueur et animateur spécialisé dans l’information internationale, croit que c’est l’indépendance qui donne sa valeur au travail des journalistes, et qu’ils doivent la faire respecter. Ensemble l’a rencontré dans les bureaux de la radio FM 98,5 Montréal, où il travaille.
Depuis le milieu du XXe siècle, la publicité a progressivement pris de l’importance dans les journaux, jusqu’à complètement remplacer les revenus provenant des lecteurs. Le lecteur n’est plus le client du journal, il en est la marchandise, fournie à un annonceur. Les intérêts des annonceurs, conjugués à la proximité économique et sociale qui est la règle dans les régions du Québec, crée des situations où les journalistes subissent des pressions, de l’intimidation, des menaces, et même parfois de la violence.
Ce n’est pas un cliché. Dans toutes les régions du Québec, se dégage le sinistre portrait de journalistes indépendants vivant de l’isolement, un manque de ressources, une précarité et des conditions de travail indignes de la responsabilité cruciale qu’ils exercent pour le fonctionnement de la société démocratique. Le maillon qui tient la chaîne de l’information entre le public et les faits n’a jamais été si faible et négligé dans l’histoire récente du Québec.
À l’origine du journalisme moderne, le journal était vendu à un lectorat, dont provenait l’essentiel de ses revenus. Avec l’apparition de la radio et de la télévision, le financement public s’est imposé pour les chaînes d’État, mais c’est rapidement la publicité qui est devenue la source de financement majoritaire, provenant principalement du secteur privé. À l’heure où elle règne presque sans partage, nous avons posé la question aux participants à la consultation: qui doit payer pour l’information indépendante et le journalisme qui l’alimente? L’État, le lectorat, le privé?
En 2014, les journalistes indépendants n’ont pas encore accès au «salaire minimum». En 2014, le secteur des médias est encore laissé entièrement aux lois du marché, donnant au financement publicitaire la priorité sur l’information. En 2014, deux corporations contrôlent 97% du tirage de la presse quotidienne au Québec, sans parler du quasi-monopole des hebdos régionaux. Ce contexte est-il propice à la bonne santé de notre société? Est-il de nature à nous permettre de faire face aux défis importants qui se dressent devant nous? À l’orée d’une crise financière, économique, écologique, sociale, politique, énergétique, qui informe le public, et dans quel intérêt?
Trois-Pistoles — Deux heures et huit. La nuit est bercée d’un blizzard dans lequel je n’aurais pas voulu conduire. Mon traditionnel lourd sac à dos plein de matériel journalistique m’aide à garder les pieds au sol. Ces quelques pas contre le vent et la poudrerie, qui me mènent à la gare, confortent mon choix. Mais la gare est fermée. Désaffectée. Les bourrasques qui charrient la neige en faisant tomber des glaçons de son toit sur le quai désert évoquent un improbable western arctique.
Cette semaine, je pars sans voiture. Un peu par lassitude: les 200000 km parcourus depuis trois ans ont peut-être eu raison de mon appétit naturel pour la route. Mais c’est surtout un défi. On m’a si souvent rappelé que, dans le fond de mon rang, ma ruralité me rendait «dépendant de l’automobile», d’autant plus que mon métier frénétique de démarreur de journal me traîne partout au Québec. J’ai envie de prouver le contraire. Parce que, chers lecteurs et chères lectrices, si je réussis à me passer d’une auto, presque tout le monde peut aussi vivre sans voiture.
Je suis votre cobaye. Cette courte série de textes sera un peu comme un journal de transition. Dans un style à peine romancé pour le plaisir, je vous rapporterai mes tentatives de fonctionner «avec pas d’char», depuis le fond de mon rang jusqu’aux impromptues destinations de ma vie chaotique, en passant par le quotidien de l’épicerie et des obligations familiales. Si ça marche, je vous le promets, on se le dit juste entre nous pendant que personne n’écoute: si c’est concluant, mon vénérable char qui m’a rendu de si bons et loyaux services sortira de ma cour pour de bon.
Deux heures et treize. À peine cinq minutes de retard. Le chef de train me salue. «Y a pas grand monde à soir», chuchote-t-il, signifiant que j’ai l’embarras du choix de ma place. Dans la rame ensommeillée, rien ne bouge. Déjà, le train repart et file dans la nuit.
Récemment, la gare de mon village a fermé ses portes, laissant les rares passagers attendre sur le quai les trains encore plus rares. Depuis peu, également, il n’y en a plus tous les jours. Signe que l’économie de l’automobile est en plein essor, ou plutôt que le transport collectif interurbain et son incarnation ferroviaire parapublique ne sont pas prioritaires pour ce gouvernement fédéral. Peut-être ne s’y consomme-t-il pas assez de pétrole par passager, malgré cette lourde locomotive au mazout qui tire quelques malheureux wagons.
Pourtant, c’est un choix rentable. À six heures de route de Montréal, les 147$ que coûte le billet aller-retour paraissent pire qu’ils ne sont, en regard des 80 litres d’essence que réclamerait ma si raisonnable voiturette. En ajoutant aux 110$ d’essence les quelque 240$ que coûte la possession et l’entretien d’une voiture pour une telle distance (avez-vous acheté des pneus récemment?), pour un très prudent total de 35¢ du km, le train est déjà gagnant.
Ensuite, on peut considérer le temps gagné en ne le passant pas à conduire: douze heures au salaire minimum – le rêve de tout journaliste indépendant! – représentent un peu plus de 120$. Même en embarquant trois passagers Amigo-express entre Québec et Montréal à l’aller et au retour, ce qui représente un bon achalandage moyen, cela ne fait qu’une économie de 90$, qui peut disparaître assez vite si on a le malheur de ne pas bien comprendre les absconses pancartes de stationnement de Montréal ou de Québec.
Donc, si tout va bien, on aura dépensé 380$ avec la voiture, et 165$ en train, après avoir ajouté une dizaine de dollars de métro et les 5,50$ de transport collectif rural pour me rendre du fond de mon rang au village, un service sur mesure et sur réservation 24h à l’avance, offert dans beaucoup de régions dans des conditions diverses. Sur le plan strictement financier, le cerveau rationnel choisit encore le train.
S’ajoutent d’autres facteurs moins faciles à évaluer. En tête de liste, le risque d’accident, dont la moitié est entre les mains des autres conducteurs. Statistiquement, prendre la voiture est probablement l’activité la plus risquée de notre époque, et étonnamment la plus banale. La flexibilité offerte par le transport individuel vaut-elle la peine de prendre ce risque? J’ai dû devancer mon voyage d’une journée parce qu’il n’y a pas de train tous les jours (et l’autobus est plus cher), le voyage est plus long, et il m’a fallu rester au village plusieurs heures entre le transport collectif et le train. Mais combien de fois ai-je dû retarder mon départ en voiture ou subir des délais en route à cause d’une tempête de neige, ou d’ennuis mécaniques?
Ensuite, une fois achetés, les 80 litres d’essence devront forcément être consumés. Ce coût environnemental des émissions polluantes, bien qu’on ne l’assume pas tout de suite, devra être payé d’une façon ou d’une autre dans l’avenir, par mes enfants… ceux-là même pour qui je m’en vais gagner ma croûte! Et il y a fort à parier que les intérêts seront très élevés.
Enfin, parlons de la tranquillité d’esprit. Je ne dirai pas qu’on évite les embouteillages: les infrastructures et les priorités étant ce qu’elles sont, ils sont remplacés par les arrêts fréquents pour laisser passer les trains de marchandise. On est en Amérique, n’est-ce pas?
Si la rapidité n’y est pas – il faudra plus de sept heures pour arriver à Montréal –, quelle paix tout de même de se faire conduire tout en rédigeant, de ne pas se faire téléphoner au volant, d’oublier le nerveux pilotage urbain et le tas de ferraille à déplacer d’une rue à l’autre dans la neige brune!
L’abandon de la voiture, qui pourrait sembler être une perte de liberté, devient un luxe incroyable. J’ai l’impression d’être enfin entré dans la modernité et d’avoir laissé la voiture à explosion, telle une erreur de l’histoire, loin derrière dans son gris vingtième siècle.
L’éducation du public «est entre les mains des propriétaires des grands médias», dénonce Claude Béland en entrevue au journal Ensemble. Pourtant, c’est par l’éducation qu’il entrevoit le salut de la démocratie et le remplacement du modèle néolibéral actuel par la social-démocratie. C’est dire à quel point le défi est grand. Pour l’ancien président du Mouvement Desjardins, l’éducation de proximité, dans les familles, mais également dans les coopératives, mutuelles et autres entreprises d’économie sociale, devient un devoir dont dépend l’avenir de notre civilisation.
Depuis quelques années, Mountain Equipment Coop (MEC) a effectué des changements dans sa structure de gouvernance. Ces changements limitent le pouvoir des membres au profit de celui des administrateurs, notamment pour la sélection des candidats éligibles au conseil d’administration ou pour le dépôt de propositions par les membres. MEC se détourne-t-elle de ses racines coopératives? Ensemble a interrogé Sara Golling, co-fondatrice de la célèbre entreprise de matériel de plein air, pour prendre la mesure du fossé qui s’est creusé au pied de la forteresse.
Nicolas Falcimaigne, journal Ensemble : M. Breton, quel est le rôle de ce plan dans le déploiement de la vision gouvernementale sur l’indépendance énergétique?
Daniel Breton, député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et adjoint parlementaire à l’électrification des transports : L’indépendance énergétique du Québec, la façon dont je la perçois, ça passe par quatre plans. Stratégie énergétique, de Martine [Ouellet, ministre des Ressources naturelles], Plan d’action sur les changements climatiques, d’Yves-François [Blanchet, ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs], Plan québécois de mobilité durable, de Sylvain [Gaudreault, ministre des Transports], et le plan d’électrification des transports.
Ça c’est les quatre piliers de l’indépendance énergétique du Québec. Ça veut dire qu’il faut qu’on électrifie les transports, il faut qu’on consomme moins, il faut qu’on soit plus efficaces, qu’il y ait plus de transport collectif, et qu’après ça on ait une stratégie énergétique arrimée autour de ces enjeux-là.
Qu’est-ce que c’est le plan d’électrification des transports? C’est un plan qui a pour but de créer un créneau de développement industriel et d’expertise dans un nouveau champ, qui est l’électrification des transports.
NF : D’ailleurs, c’est le mot emploi qui est le maître mot de ce plan.
DB : Exactement, c’est des emplois d’avenir. Les sociétés les plus avancées du monde, qu’il s’agisse de la Norvège, de la Suède, de l’Allemagne, de la France, du Japon, de la Californie, etc., dans le dossier des nouveaux types de transport, ont tous des incitatifs à l’achat de véhicules électriques, hybrides ou hybrides rechargeables. Tous. Il n’y a aucun pays, dans le monde industrialisé, qui ne donne pas d’appui. En fait, il y en a un. Lequel? Le Canada. Par contre, lui, il subventionne les pétrolières à coups de milliards.
NF : Ce plan prévoit notamment un investissement de 200 millions $ pour l’étude d’un projet de monorail à grande vitesse. Plusieurs personnes s’interrogent sur la forme que prendra ce projet. Une société d’État, parfois, ça peut échapper aux intérêts du bien commun. Vous avez été aux barricades dans le passé pour dénoncer des abus dans le cadre d’Hydro-Québec, etc.
DB : Absolument.
NF : On sait aussi que le modèle privé peut facilement échapper aux mains des Québécois, comme Bombardier qui est maintenant une société par actions. Quelle option privilégiez-vous pour que le monorail reste aux Québécois?
DB : Il y a des gens qui parlent de faire une coopérative, justement, pour le développement du monorail. Moi, je trouve la voie intéressante. Il y a des gens comme Claude Béland, qui s’intéressent à ce projet-là. Il est trop tôt pour dire si ça va aller de l’avant, mais si jamais ça allait de l’avant, je pense que ça pourrait être une solution intéressante.
NF : Comment voyez-vous ça? Une coopérative d’usagers, qui détiendrait le brevet?
DB : Je ne sais pas. Honnêtement, il est trop tôt pour le dire.
NF : Est-ce que c’est un souci que vous avez, que ce projet reste sous contrôle démocratique des Québécois?
DB : À ton avis, pourquoi tu penses que j’ai appelé mon groupe «Maîtres chez-nous 21e siècle»? C’est clair.
NF : Comment expliquez-vous que le gouvernement envisage d’exploiter le pétrole au Québec, en même temps qu’il souhaite réduire la dépendance du Québec au pétrole?
DB : On veut se sortir du pétrole, mais on en a encore besoin. Donc, de façon transitoire, est-ce qu’on va prendre le pétrole d’ailleurs, où est-ce qu’on va prendre le pétrole d’ici? C’est ça le débat. Parce qu’on va continuer à prendre du pétrole.
NF : Il y a des gens qui vont interpréter ce débat-là en disant : est-ce qu’on va laisser les impacts négatifs de l’exploitation ailleurs, ou est-ce qu’on va les importer ici?
DB : Exactement. Mais l’affaire, c’est que même quand tu l’exploites ailleurs, dans le transport tu peux avoir des impacts négatifs ici. Que ce soient les trains, comme on l’a vu avec Lac-Mégantic, que ce soient les pipelines, que ce soient les bateaux, no matter what, le pétrole, c’est de la merde.
Et on est pris avec ça. Pourquoi? Parce que l’économie mondiale est basée sur le pétrole. C’est ça la réalité.
NF : Est-ce qu’il y a une option de tout simplement en importer de moins en moins au fur et à mesure qu’on réussit à en consommer de moins en moins, et que cela permette au Québec de prospérer, peut-être pas autant que si on en exploitait, peut-être pas de devenir riches, mais au moins on ne sera pas pire qu’avant?
DB : Ça, pour moi, ça fait partie du débat. Présentement, le déficit commercial du Québec est dû à l’importation d’hydrocarbures. Quatorze milliards. La balance, elle est là. Ce qu’on fait avec l’électrification des transports, c’est pour diminuer ça autant que faire se peut. Mais si on dit que d’ici trente ans il y a entre dix et quinze milliards qui viennent de l’exploitation pétrolière, issus du pétrole du Québec, ça peut faire partie de l’équation.
Et ça, c’est pas moi qui vais le décider, c’est pas quelques personnes qui vont le décider, c’est au peuple du Québec de décider si on va dans l’exploitation pétrolière. Mais moi j’insiste pour dire: de façon transitoire.
NF : Vous dites que c’est le peuple qui va décider. Est-ce que ça va être soumis au peuple par référendum?
DB : Il y a eu une consultation publique, justement, sur la stratégie énergétique, qui a été présentée par Martine Ouellet. Là, le plan va être présenté. Mais moi, je suis prêt à ce que, à la prochaine élection, ça fasse partie du débat.
NF : Ça serait un enjeu principal de la prochaine élection?
DB : Je veux que ce soit un enjeu important, et l’électrification des transports. Ça, si on perd les élections et qu’on a fait tout ce travail-là… là-dedans, il y a des années et des années de réflexion. Si on a fait tout ce travail-là pour rien, pour recommencer après, on ne sera pas plus avancés.
NF : Une élection référendaire, ce n’est pas un choix entre deux options. Est-ce que, si vous le soumettez au peuple par référendum, par exemple, il pourrait y avoir un choix où on exploite le pétrole, et un choix où on règle la balance commerciale d’une autre façon?
DB : J’espère que les gens vont vouloir qu’on fasse une consultation publique pour dire: est-ce qu’on y va ou on n’y va pas? Mais ce que je peux dire, c’est que moi, comme écologiste, ce que j’ai vu, c’est que la population est favorable à l’exploitation du pétrole au Québec. Tu le sais, ça.
La réalité, c’est que ça ne sera pas facile, d’une manière ou d’une autre.
NF : Quelles sont vos attentes envers le plan de mobilité durable de M. Gaudreault?
DB : Ce à quoi je m’attends de Sylvain, c’est qu’il favorise évidemment le transport collectif, qu’il favorise le financement du transport collectif, qu’il favorise plus de voies réservées. Il a déjà annoncé un doublement du nombre de kilomètres de voies réservées à Montréal. Je ne sais pas si tu as vu ce que le maire de Québec a dit sur les voies réservées… il disait que c’était une mauvaise idée, et qu’on devrait éliminer ça. C’est pas tout le temps évident d’imposer des nouvelles idées, des nouvelles façons de faire. Il y a du monde qui n’est pas encore arrivé au 21e siècle, malheureusement.
NF : Vos attentes envers le plan de M. Blanchet?
DB : Le plan d’action sur les changements climatiques, je pense qu’il y a une partie de la réflexion, du travail, de l’équation, qui va avoir été faite via le Plan québécois de mobilité durable de Sylvain, et via le Plan d’électrification des transports. Donc lui, je pense qu’au niveau industrie, il va avoir un rôle important à jouer, et au niveau de la sensibilisation des citoyens.
NF : Vos attentes envers le plan de Martine Ouellet?
DB : Je m’attends à ce que Martine présente un plan où, justement, elle va offrir différentes options aux Québécois. De là, je pense que, parce que c’est Martine qui m’a dit ça, justement, on va offrir des options aux Québécois. Je m’attends à ce qu’elle leur dise: «On le prend ailleurs? On le prend ici? Qu’est-ce qu’on fait? On le décide ensemble.»
Mais une chose est sûre, là je te parle de pétrole, mais il y a évidemment toute la question de l’efficacité énergétique qui fait partie de sa Stratégie énergétique. Parce qu’on est très inefficace au Québec, que ce soit en matière d’électricité, en matière d’eau, en matière d’énergie, en matière d’hydrocarbures, on est parmi les plus grand consommateurs d’énergie au monde.
Ça, je sais que ça fait partie des piliers de la stratégie énergétique de Martine Ouellet.
Voici la version intégrale de notre entrevue avec Daniel Breton:
Vendredi dernier, le rapport de commission parlementaire le plus rapidement déposé de l’histoire récente a donné son aval au projet d’inversion de l’oléoduc Ligne 9B d’Enbridge. En plus des délais très courts, ce qui a retenu l’attention, c’est l’absence des groupes citoyens opposés au projet. L’un des groupes finalement invités, Coalition Vigilance Oléoducs, a vertement dénoncé le traitement infligé à son représentant. La partie gouvernementale a consacré son temps de parole à attaquer la crédibilité du porte-parole, Olivier Huard.
Par trois fois, le gouvernement a démontré sa détermination à refuser d’entendre les citoyens, dans le débat sur le projet d’Enbridge, tout en s’affichant ouvertement en faveur de ce projet.
La porte fermée d’emblée
Les groupes citoyens (autres que les organisations environnementales) qui ont tenté de s’inscrire ont d’abord été informés que l’horaire des auditions était «complet» à la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles, qui étudie l’acceptabilité du projet pour le Québec.
Ce n’est qu’après la publication d’un article dans Le Devoir, qui soulignait le manque de représentants citoyens, que le gouvernement a invité deux groupes: la Coalition Vigilance Oléoducs (CoVO) et le Conseil traditionnel mohawk. «Nous sommes le seul groupe issu de la base citoyenne invité à cette commission, avec le Conseil traditionnel mohawk. Si votre but était d’écouter les citoyens, je pense que c’est un échec», a déclaré M. Huard.
Le messager attaqué
Lors de son audition à la commission, le porte-parole de CoVO a été attaqué par les députés péquistes Luc Trudel (Saint-Maurice) et Scott McKay (Repentigny) pour son appartenance au parti Québec Solidaire. Il a été candidat de ce parti aux dernières élections provinciales, et adversaire de M. McKay.
Invité avec insistance par la partie gouvernementale à déclarer ses allégeances, M. Huard a précisé qu’il est également animateur scout. «Je n’ai pas beaucoup aimé la référence à mon appartenance politique, parce que je trouve que ça dilue mon propos, a ensuite déclaré le porte-parole. Moi, je représente des gens ici et je n’aime pas qu’on diminue le débat à ma seule personne.»
McKay en rajoute sur Twitter
MM. McKay et Trudel n’ont pas posé de questions à M. Huard sur le projet d’Enbridge, ni sur les inquiétudes de la population représentée par la CoVO. Lorsqu’une vidéo préparée par le collectif GAPPA a circulé sur les réseaux sociaux, dénonçant le mépris ainsi affiché par le gouvernement envers les citoyens, M. McKay a tenu à préciser sa pensée sur le réseau Twitter: «Montage aussi biaisé que le candidat de QS qui se fait dicter ses lignes directement par Amir [Khadir, député de Québec Solidaire], maître de la manipulation.»
Lors de l’audition, l’ancien chef du Parti vert avait pourtant exprimé son attachement à une approche non partisane. «Si on en fait un débat partisan, bien, on va avoir beaucoup de… je pense que notre position serait affaiblie devant le gouvernement fédéral», avait conclu Scott McKay.
Le collectif GAPPA a déploré que la cyberdéclaration du député péquiste de Repentigny lui fasse un double procès d’intention: «Vous accusez GAPPA d’avoir produit un montage biaisé, biais que vous assimilez à de la manipulation, s’indigne le groupe sur son site web, dans une page qui présente un rappel détaillé des faits. Vous accusez la CoVO d’être une organisation partisane en vous limitant à souligner le lien de son porte-parole avec Québec solidaire, tout en occultant totalement les préoccupations de ses membres.»
GAPPA prépare actuellement sa réplique, une vidéo qui sera probablement disponible sur son site au cours des prochains jours. La compagnie Enbridge a pour sa part annoncé dès le début de la consultation que seule la décision de l’Office national de l’Énergie, qui dépend du fédéral, serait déterminante pour le projet. Il devrait donc se réaliser dès le début de l’année 2014.