Vendredi dernier, le rapport de commission parlementaire le plus rapidement déposé de l’histoire récente a donné son aval au projet d’inversion de l’oléoduc Ligne 9B d’Enbridge. En plus des délais très courts, ce qui a retenu l’attention, c’est l’absence des groupes citoyens opposés au projet. L’un des groupes finalement invités, Coalition Vigilance Oléoducs, a vertement dénoncé le traitement infligé à son représentant. La partie gouvernementale a consacré son temps de parole à attaquer la crédibilité du porte-parole, Olivier Huard.
Par trois fois, le gouvernement a démontré sa détermination à refuser d’entendre les citoyens, dans le débat sur le projet d’Enbridge, tout en s’affichant ouvertement en faveur de ce projet.
La porte fermée d’emblée
Les groupes citoyens (autres que les organisations environnementales) qui ont tenté de s’inscrire ont d’abord été informés que l’horaire des auditions était «complet» à la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles, qui étudie l’acceptabilité du projet pour le Québec.
Ce n’est qu’après la publication d’un article dans Le Devoir, qui soulignait le manque de représentants citoyens, que le gouvernement a invité deux groupes: la Coalition Vigilance Oléoducs (CoVO) et le Conseil traditionnel mohawk. «Nous sommes le seul groupe issu de la base citoyenne invité à cette commission, avec le Conseil traditionnel mohawk. Si votre but était d’écouter les citoyens, je pense que c’est un échec», a déclaré M. Huard.
Le messager attaqué
Lors de son audition à la commission, le porte-parole de CoVO a été attaqué par les députés péquistes Luc Trudel (Saint-Maurice) et Scott McKay (Repentigny) pour son appartenance au parti Québec Solidaire. Il a été candidat de ce parti aux dernières élections provinciales, et adversaire de M. McKay.
Invité avec insistance par la partie gouvernementale à déclarer ses allégeances, M. Huard a précisé qu’il est également animateur scout. «Je n’ai pas beaucoup aimé la référence à mon appartenance politique, parce que je trouve que ça dilue mon propos, a ensuite déclaré le porte-parole. Moi, je représente des gens ici et je n’aime pas qu’on diminue le débat à ma seule personne.»
McKay en rajoute sur Twitter
MM. McKay et Trudel n’ont pas posé de questions à M. Huard sur le projet d’Enbridge, ni sur les inquiétudes de la population représentée par la CoVO. Lorsqu’une vidéo préparée par le collectif GAPPA a circulé sur les réseaux sociaux, dénonçant le mépris ainsi affiché par le gouvernement envers les citoyens, M. McKay a tenu à préciser sa pensée sur le réseau Twitter: «Montage aussi biaisé que le candidat de QS qui se fait dicter ses lignes directement par Amir [Khadir, député de Québec Solidaire], maître de la manipulation.»
Lors de l’audition, l’ancien chef du Parti vert avait pourtant exprimé son attachement à une approche non partisane. «Si on en fait un débat partisan, bien, on va avoir beaucoup de… je pense que notre position serait affaiblie devant le gouvernement fédéral», avait conclu Scott McKay.
Le collectif GAPPA a déploré que la cyberdéclaration du député péquiste de Repentigny lui fasse un double procès d’intention: «Vous accusez GAPPA d’avoir produit un montage biaisé, biais que vous assimilez à de la manipulation, s’indigne le groupe sur son site web, dans une page qui présente un rappel détaillé des faits. Vous accusez la CoVO d’être une organisation partisane en vous limitant à souligner le lien de son porte-parole avec Québec solidaire, tout en occultant totalement les préoccupations de ses membres.»
GAPPA prépare actuellement sa réplique, une vidéo qui sera probablement disponible sur son site au cours des prochains jours. La compagnie Enbridge a pour sa part annoncé dès le début de la consultation que seule la décision de l’Office national de l’Énergie, qui dépend du fédéral, serait déterminante pour le projet. Il devrait donc se réaliser dès le début de l’année 2014.