«Au-delà du bio». Sous ses airs provocateurs, le titre du film réalisé par Olivier Asselin sur les Fermes Miracle, de Stefan Sobkowiak, illustre la largeur le champ des possibles ouvert par la permaculture. La Convergence de permaculture rassemble depuis hier à Frelighsburg plusieurs centaines de personnes. M. Sobkowiak leur explique ce matin comment organiser la coopération entre pommiers, poiriers, féviers, cassis, amélanches et laitues. Ensemble l’a rencontré après la conférence d’ouverture.
En quelques jours de tournage, Olivier Asselin a capté des images splendides qui résument l’essentiel de la vie sur la ferme de Stefan Sobkowiak. Le verger permaculturel: au-delà du bio, produit en anglais et en français avec une campagne de sociofinancement qui a rejoint 516 contributeurs et près de 25000$, a été lancé au début 2014.
Pour Stefan Sobkowiak, le film qui le met en vedette a le potentiel de rejoindre un public plus large et de l’intéresser à la permaculture. «Ça m’emmène en Nouvelle-Zélande, en Europe, c’est un bon début, constate-t-il. Finalement, ce que les gens veulent, c’est un endroit qui est facile d’entretien, qui est beau, où c’est plaisant de travailler, et ils réalisent que le film leur donne les outils nécessaires pour vivre ce rêve-là.»
Faire coopérer la nature
La permaculture est une histoire de coopération, résume l’ancien paysagiste. «Il y a tellement de possibilités qui s’ouvrent, que ce soit pour la cuisine, la graine, la pépinière ou la transformation. Rapidement, on réalise que c’est bien au-delà de ce qu’une personne peut entamer.»
En implantant un écosystème qui produit des fruits et légumes, selon les principes de la permaculture, on est «presque obligé de coopérer, parce que c’est un modèle qui copie le modèle de la nature, qui coopère tout le temps». Le biomimétisme, cette façon de faire comme la nature, permet notamment d’agencer les espèces de plantes et d’attirer les prédateurs de certains insectes ravageurs. «La nature, résume-t-il, c’est un beau modèle pour montrer comment travailler ensemble.»
Même dans l’agriculture conventionnelle, la coopération est une solution. M. Sobkowiak donne l’exemple de la production laitière. «Ça t’enchaîne à tes vaches 365 jours par année, deux fois par jour. Un modèle coopératif, ou une famille élargie, c’est beaucoup plus sain pour tout le monde. Il faut prendre une pause, soupire-t-il. On ne peut pas travailler 365 jours. Les gens ne le faisaient jamais dans le passé. Il y avait des saisons à tout. La santé du couple, c’est important, la santé mentale c’est important. C’est pas normal de travailler sept jours par semaine, et surtout pas pour une longue saison comme les saisons de production.»
Pour le Polonais d’origine, la coopérative doit toutefois venir d’un besoin du milieu. «J’ai vu le modèle coopératif forcé, en Pologne, sous le régime communiste. Ça ne marche pas. Tu ne peux pas forcer les gens à coopérer. Il faut que ça soit volontaire, il faut que ce soit entendu, que tout le monde ait une volonté de coopérer ensemble, et il faut qu’il y ait une synergie. Il faut que tout le monde se connaisse, il faut travailler avec les forces et faiblesses de tout le monde.»
Afin de permettre la prise de décision rapide, parfois nécessaire en agriculture, il suggère de «déléguer une personne qui est décideur par mois, parce que pendant la saison, on ne peut pas retarder. Les plantes n’attendront pas, les animaux n’attendront pas, il faut prendre une décision».
Au-delà du bio
Stefan Sobkowiak a d’abord démarré son verger en régie biologique, mais il n’a plus besoin de la certification depuis qu’il est en permaculture. «Le modèle bio est excellent quand il y a un intermédiaire» entre le producteur et le consommateur, pour assurer le consommateur de la qualité du produit. «Au stade où en est la permaculture, la relation entre le producteur et le consommateur est directe», explique-t-il.
«La permaculture devrait être nécessairement bio», précise M. Sobkowiak, précisant que la permaculture est une gamme de principes de design écologique, alors que le bio est une certification, qui a son rôle très important. L’un ne remplace pas l’autre.
Comme toute règle est imparfaite, la certification bio comporte quelques «aberrations», déplore M. Sobkowiak. «Je ne pourrais pas être bio parce que j’ai un paillis de plastique permanent, alors que si je posais du plastique à chaque année et que je l’arrachais, je pourrais être certifié bio, illustre-t-il. Entre vous et moi, l’idée de poser un plastique qui se dégrade après une saison, au lieu de poser un plastique qui va durer la vie du verger, et que je n’ai pas à poser et à enlever à chaque année, a beaucoup plus de sens sur le plan environnemental.»