Juin 012012
 

Québec, journal EnsembleC’est à la toute fin de ce Forum coopératif de la Capitale-Nationale, tenu hier à l’Université Laval, que le recteur Denis Brière a annoncé la création d’une Chaire de leadership en enseignement (CLE) en création et gestion de coopératives et d’entreprises collectives, qui sera soutenue financièrement par la coopérative en milieu scolaire Zone. Organisé par la Coopérative de développement régional (CDR) Québec-Appalaches dans le cadre de l’Année internationale des coopératives, le forum a réuni 150 participants issus du milieu socio-économique et des coopératives de la région.

Robert W. Mantha, doyen de la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, Yves Kogovsek, directeur général de la coop Zone, et Denis Brière, recteur de l'Université Laval, célèbre l'annonce de la nouvelle chaire en face du tout nouveau magasin de la coop. Photo: Nicolas Falcimaigne

La nouvelle chaire sera dotée d’un budget d’environ 80 000 $ par année pendant cinq ans pour l’embauche d’un professeur et d’un montant équivalent en fonds de recherche dédiés, précise le recteur de l’Université Laval, Denis Brière. Il y voit une façon d’alimenter les curriculum des programmes existants, dans plusieurs les facultés. «C’est une chaire en enseignement, principalement dédiée à l’enseignement et au développement des méthodes pédagogiques pour pouvoir transférer des connaissances.», précise-t-il.

Démocratie, éducation et coopération

M. Brière croit que la nouvelle chaire répond à un besoin important des étudiants. «Quand vous regardez tous les mouvements qu’il y a dans la société actuellement, pour les questions de répartition de richesse, de démocratie, de justice sociale, ce sont des valeurs que nos étudiants partagent.» Contrairement aux chaires de recherche, qui ont surtout des retombées pour les cycles supérieurs, cette chaire en enseignement est dédiée aux étudiants de premier cycle, trop souvent laissés pour compte, explique celui qui était aussi président d’honneur du Forum coopératif.

Le texte a d'abord été publié dans le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante

Le texte a d'abord été publié dans le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante

Depuis 2007, la coop Zone a déposé 50 000 $ par année dans un fonds de développement coopératif à la Fondation de l’Université Laval. Les administrateurs ont décidé d’investir cet actif dans la création d’une chaire. «Tout le monde me disait depuis le début: « on veut que le modèle coopératif soit intégré dans le cursus académique, parce qu’on n’en entend pas parler. » Les administrateurs prennent des cours, soit à la faculté d’administration ou ailleurs, où on parle de tout sauf des coop. On s’est dit qu’on n’attendrait après personne, alors on a cumulé cet argent-là et on est allés voir le recteur et le vice recteur et on leur a vendu l’idée de créer cette chaire-là», relate Yves Kogovsek, directeur général de la coop Zone. Il affirme du même souffle que, contrairement aux chaires de recherche financées par des fonds privés, «ce n’est pas une chaire Zone, c’est une chaire pour le mouvement coopératif».

Francine Ferland, présidente de la CDR Québec-Appalaches et présidente de la Fédération des CDR du Québec

Pour Francine Ferland, présidente de la CDR Québec-Appalaches et présidente de la Fédération des CDR du Québec, la nouvelle chaire universitaire est une excellente nouvelle pour la région de Québec. «Ça fait des années qu’on dit que l’enseignement coopératif est très absent des universités, des cours en administration. Et là, pour cinq ans, il y a une volonté de l’Université Laval de faire de la formation coopérative dans la faculté d’administration.»

«Nul doute que cette annonce incitera d’autres acteurs du monde coopératif régional à poser des gestes concrets pour le développement de la région. Je remercie l’Université Laval de son ouverture à la coopération et félicite la Coop Zone pour son engagement dans le développement de la formule», a ajouté Pierre-Luc Bonneville, directeur général de la CDR Québec-Appalaches.

Panel de fermeture, avec Pierre-Luc Bonneville, directeur général de la CDR Québec-Appalaches, François Talbot, directeur général de la Table de concertation des Forums jeunesse régionaux du Québec et Jean-Pierre Bédard, directeur adjoint du Centre local d’emploi (CLD) de Québec.

Plusieurs défis à relever

Le Forum coopératif de la Capitale-Nationale a été l’occasion pour les 150 participants d’échanger sur le modèle coopératif et sur les défis que pose actuellement son développement. Voici quelques éléments qui ont retenu l’attention.

En panel d’ouverture, Réal Rioux, administrateur de sociétés et retraité de Desjardins, a soulevé la question du réseautage des nouvelles coopératives et de leur appartenance à une fédération, en présentant la vision 2020 du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), qui lui a confié ce mandat. «Combien de fois avons-nous entendu dire et répéter que la pérennité des entreprises coopératives est fortement liée à la propension à s’associer et à travailler en réseau? Si c’est vrai, je crois fermement qu’on est en train de se créer un sérieux problème: à ce jour, plus de la moitié des coopératives du Québec, autres que financières et d’habitation, ne sont ou ne peuvent être affiliées, soutenues par un réseau coopératif. En sept ans, le nombre de ces coopératives orphelines s’est accru de 81%.»

Jonathan Maheu, conseiller en économie sociale au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT)

L’enjeu de faire connaître les coopératives a été mentionné dans plusieurs ateliers, et la question de la sensibilisation à la coopération dans l’appareil gouvernemental a été posée par Jonathan Maheu, conseiller en économie sociale au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT). Insistant sur le problème de la reconnaissance des coopératives dans les programmes, il s’étonne qu’il y ait, dans les lois et politiques publiques, «des résistances à considérer les coopératives, alors qu’on pourrait s’en servir comme d’un levier de développement là où l’État ne peut plus assurer certains services, là où l’État ne peut pas nécessairement intervenir, on essaie de limiter.» À ce titre, M. Maheu cite l’exemple des coopératives de santé: «On se plait à dire qu’on veut soutenir les services de proximité. Encore faudrait-il qu’on considère la santé comme un service de proximité!»

Bruno Blais, directeur général et fondateur de la Barberie

La reconnaissance de l’investissement individuel dans la coopérative a donné lieu à un questionnement du modèle coopératif lui-même et de sa capacité à se développer. Bruno Blais, directeur général et fondateur de la Barberie, s’est demandé comment intéresser de nouveaux entrepreneurs à choisir la formule coop. «Est-ce qu’il est plus avantageux de donner du temps, du bénévolat, de risquer de l’argent pour fonder une coopérative de travail, ou d’attendre qu’elle soit fondée, fonctionnelle et d’y adhérer?» Pourtant, les deux options mènent à exercer le même pouvoir sur les destinées de la coopérative.

Ces enjeux, et bien d’autres, ont été l’occasion de discussions en atelier où les participants ont cherché des solutions. Le journal Ensemble consacrera prochainement un dossier à ce Forum coopératif et aux enjeux qui s’y sont illustrés. Cette édition papier de juin sera transmise à tous les abonnés en prévente et distribuée dans plusieurs coopératives des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

Environ la moitié des participants au Forum coopératif de la Capitale-Nationale étaient de jeunes coopérateurs.