À l’origine du journalisme moderne, le journal était vendu à un lectorat, dont provenait l’essentiel de ses revenus. Avec l’apparition de la radio et de la télévision, le financement public s’est imposé pour les chaînes d’État, mais c’est rapidement la publicité qui est devenue la source de financement majoritaire, provenant principalement du secteur privé. À l’heure où elle règne presque sans partage, nous avons posé la question aux participants à la consultation: qui doit payer pour l’information indépendante et le journalisme qui l’alimente? L’État, le lectorat, le privé?
Si plusieurs personnes ont émis la crainte qu’une ingérence de l’État accompagne son financement de la presse, il a été aussi généralement reconnu que l’ingérence du privé qui a lieu actuellement n’est pas préférable. «On n’est pas en état d’aller chercher de la publicité quand le journal fouille un peu trop partout, parce qu’il y a toujours un impact économique à ce qu’on pourrait découvrir dans l’administration publique locale et régionale», souligne Maurice Giroux, journaliste de MédiaSud. Il ajoute que le Programme d’aide aux médias écrits communautaires (PAMEC) «est très apprécié. Ça nous donne une certaine indépendance.» Selon lui, pour la presse locale indépendante et communautaire, le financement public est indispensable, «dans la mesure où il serait équilibré par d’autres sources de revenus».
À Trois-Rivières, l’écrivain et chercheur Sébastien Dulude souhaite voir apparaître des fonds de démarrage. «Il n’y a pas de programme auquel tu pourrais appliquer et au moins consolider une année de parution, pour pouvoir au moins faire sentir à ton milieu à quel point tu as fait une différence», explique-t-il.
Choix de société
Si on prend la décision, comme société, de s’offrir de l’information indépendante, «c’est possible de créer un fonds public par une taxe, suggère Marc Simard, rédacteur en chef du Mouton noir, à Rimouski. Mais une taxe avec un retour, c’est-à-dire que si tu la paies, cette taxe-là, comme tout le monde, eh bien tu reçois les journaux indépendants chez vous gratuitement.»
C’est un avis partagé par Mylène Landry, citoyenne rencontrée à La Malbaie. «Un journal gratuit peut être subventionné par l’État, c’est une solution pour que les citoyens aient accès à l’information.»
Aider le public à s’abonner
Pour nombre d’intervenants, c’est auprès du lectorat qu’il faut compléter le financement de l’information, mais l’habitude du gratuit étant bien implantée, le défi est grand. «On est devenus une coop dans le but de ne plus dépendre du gouvernement, lance Nancy Mongeau, rédactrice en chef du Journal de rue, à Sherbrooke. Je pense que tous les médias devraient être le plus indépendants possible. Je pense que c’est les lecteurs qu’il faut aller chercher.»
À Chibougamau, l’abonnement a un impact direct sur le taux de publicité. «C’est évident que si je devenais gratuit, je ne pourrais plus respecter le 50-50», confie Guy Tremblay, directeur de La Sentinelle. Dans les hebdos gratuits, il y a parfois jusqu’à 80% de publicité.
Faire payer réduirait-il l’accès du public à l’information? Gérald Prince, journaliste retraité de Drummondville, rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, l’abonnement avait un succès énorme: «Quand je suis rentré en 1972, un abonnement pour une semaine au quotidien, c’était 35¢. Deux familles sur trois étaient abonnées à La Tribune.» La plus grande source d’indépendance pour le journalisme, c’est le soutien d’un lectorat.