Dénichés au détour d’un champ de chanvre, pendant la Convergence de permaculture de Frelighsburg (lire notre dossier), trois jeunes entrepreneurs ont choisi la formule coopérative. Leurs trois nouvelles entreprises démarreront au cours des prochains mois, dans la région environnante. Ensemble les a rencontrés pour comprendre comment ils ont intégré les principes de permaculture et les valeurs coopératives dans leur projet d’affaires.
Le projet Noburo est «l’inverse du sous-sol du travailleur autonome», résume Pierre Robichaud, un de ses fondateurs. Cette coop de solidarité, espace de travail partagé, sera implantée à Granby pour «faire émerger l’intelligence collective, créer des liens et permettre aux projets des gens de rayonner». Les membres utilisateurs pourront compter sur des membres de soutien, dont certains organismes de développement local.
Maryse Messier démarre une «coop écocréative», à Dunham. La Factrie, coop de solidarité, permettra aux artisanes travailleuses autonomes de créer leur emploi, et donne au grand public l’accès à un espace de création utilisant les matières récupérées. La coop réalisera des contrats sur mesure, tout en offrant des services d’éco-conception, des ateliers, des cours de couture et un accès libre-service. Elle compte déjà cinq membres utilisateurs en résidence et des membres de soutien, et recrutera également des membres utilisateurs non-résidents.
À Sherbrooke, Julien Lamarche démarre un atelier collectif. La Fabrique permettra à ses membres de «pouvoir fabriquer presque n’importe quel projet». La coop de solidarité offrira trois services: l’accès à un atelier collectif doté des outils traditionnels, comme l’ébénisterie, et de technologies de fabrication numérique comme les imprimantes numériques (fab lab), des espaces de création individuels pour des projets à plus long terme, et des formations à la communauté. Deux membres travailleurs assureront l’entretien et la gestion des opérations, des membres consommateurs utiliseront les infrastructures et des organismes de la région seront membres de soutien.
La permaculture au service du design coopératif
«On cherchait à intégrer notre démarche artistique et notre démarche environnementale et communautaire», explique Maryse Messier. Elle a appliqué la méthode de design de la permaculture à l’élaboration du projet de coopérative. Une phase d’observation a donc précédé la fondation de la coop.
«Quand on est arrivées, on était trois artisanes qui partageaient un atelier, se rappelle Mme Messier. On s’est donné le temps de voir qui vient nous voir, qui monte à l’atelier, de quoi ils ont besoin. On a trouvé nos niches naturellement et on essaie d’être résilientes en développant plusieurs offres de services, chacune et ensemble.» La Factrie se développe aussi en synergie avec un projet de fermette qui permettra aux artisanes de répondre à leurs besoins tout en menant leur carrière artistique.
Partager équitablement
Si la pérennité et la réduction de l’impact environnemental font partie des raisons pour lesquelles Pierre Robichaud et son équipe ont choisi la coopération, ce qui a été décisif, c’est l’éthique. «Les deux premiers éléments de l’éthique permaculturelle (prendre soin de la Terre et prendre soin de l’humain) peuvent être vécus dans tout type d’entreprise, mais le troisième, partager équitablement, est la spécialité des coopératives.»
«Dans un écosystème, quand il y a un vide, ça se remplit, explique M. Robichaud. La coop vise à répondre à un besoin qui n’avait pas encore trouvé de réponse à Granby.» Le projet vise aussi à enrichir le milieu avec de nouvelles idées. «Sur le CA, il y a quelqu’un du CLD, la vice-présidence de la Chambre de commerce de Granby, et deux hommes d’affaires qui travaillent à Montréal à chaque semaine. En permaculture, on veut polliniser les idées. Ce qu’on veut, c’est créer de la diversité dans ce milieu-là, qui est parfois perçu comme étant très monoculturel, basé sur l’entreprise privée.»
Résilience collective
«On prend pour acquis que les objets poussent sur les tablettes du magasin, illustre Julien Lamarche. L’idée au cœur de la Fabrique est de réapprendre comment les choses sont fabriquées.» Il déplore que, comme c’est le cas de l’agriculture, la fabrication s’est «déconnectée de l’échelle humaine». La Fabrique veut créer un atelier où une production se fait à l’échelle humaine, et «outiller la communauté pour qu’elle soit plus résiliente et capable de s’adapter à tout».
Le modèle de démocratie coopérative est aussi à la base d’un écosystème efficace, selon M. Lamarche. «On veut développer un modèle de gestion et de gouvernance le plus horizontal et le plus participatif possible. Un système résilient doit pouvoir compter sur la communication et la rétroaction, et la vie démocratique en coopérative est une clé pour arriver à cette résilience-là.»