Par la vaste embouchure du majestueux fleuve Saint-Laurent, les marins du monde ont fécondé l’Amérique, bien avant que le fleuve-océan et que l’archipel-continent se voient affublés de ces noms empruntés à quelque calendrier liturgique ou navigateur égaré. Aventuriers vikings, moines irlandais, pêcheurs bretons et baleiniers basques, chacun à sa façon firent la rencontre des premiers peuples de cet immense territoire. En face des Trois-Pistoles, l’île aux Basques était déjà un important carrefour de commerce situé à la rencontre de l’axe est-ouest qu’est le grand fleuve et de l’axe nord-sud que forment le fjord du Saguenay et la rivière de Trois-Pistolets. Oui, c’est ainsi qu’elle apparaît sur la première carte où elle est nommée, en 1631: «R. de 3 Pistolets». Car si les Basques avaient adopté l’île d’en face pour y séjourner à la saison de la chasse à la baleine et y faire fondre les graisses des cétacés en huile destinée à éclairer toute l’Europe, ils en profitaient aussi pour faire la traite des fourrures avec les Autochtones tout en y pêchant la morue. Avec les pêcheurs bretons et rochelais, établis sur les deux autres îles en travers du fleuve, ils étaient autant d’obstacles à franchir pour la compagnie qui détenait le monopole du commerce des fourrures avant d’atteindre l’embouchure de la Rivière de Trois-Pistolets pour y faire son commerce autorisé. Trois fois, l’équipage devait dégainer le pistolet et passer outre les contrebandiers de l’île Verte, de l’île aux Pommes et de l’île aux Basques. C’est du moins la plus plausible origine du nom qui a été trouvée par les chercheurs locaux de la vénérable Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles, rejetant du revers de la main la légende selon laquelle le capitaine de ladite compagnie officielle royale, pendant que ses marins remplissaient les barils d’eau douce à la rivière, ayant échappé son gobelet d’argent, s’est exclamé «Trois-Pistoles de perdues!». Voulait-il faire valoir sa connaissance des monnaies exotiques en évoquant ainsi le doublon espagnol, ou souhaitait-il souligner la grande valeur de son gobelet et affirmer ses origines aristocratiques? Nul ne le saura jamais. Parfois, légendes et faits historiques s’emmêlent en de fantastiques récits. Mais aux Trois-Pistoles, depuis ce temps, pistoles et pistolets sont au cœur de bien des histoires…
