Le train de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA), laissé sans surveillance, a connu une défaillance de son système de freins. Les 73 wagons ont dévalé la pente le menant à Lac-Mégantic, où le lourd chargement de pétrole a déraillé et explosé au milieu du centre-ville, causant la mort de dizaines de personnes, pudiquement désignées comme «disparues». Et une nappe d’hydrocarbures a revêtu la rivière Chaudière.
Réparer d’une main, détruire de l’autre
On aura filmé les sanglots, les coupables, les conflits et les héros. On aura placoté de milliers de détails: freins manuels, protocole d’intervention, état de la voie ferrée, modèle de citerne, quarts de travail, impact sur les piscines, etc. On nous parlera de resserrer la sécurité, alors que le volume de pétrole transporté par train s’est multiplié depuis 5 ans au Canada sans changement règlementaire. On imposera de meilleurs wagons et la surveillance des trains. On arrêtera de présumés écoterroristes. On réparera la voie ou on la fera passer ailleurs. On reconstruira un centre-ville tout neuf. On arrêtera la marée noire avant qu’elle atteigne le fleuve.
Et dans le bureau d’à côté, on signera l’autorisation d’exploiter le pétrole sur l’île d’Anticosti, on inaugurera le nouvel oléoduc traversant la banlieue Nord de Montréal, on adoptera les plans de la plateforme pétrolière de Old Harry dans le golfe, et on lancera les travaux d’élargissement de la voie maritime pour le passage des supertankers. Un petit port méthanier avec ça? Cherchez l’erreur.
Le train de la mort roule encore
Le sage montre la Lune et le fou regarde le doigt. Quelles que soient les conclusions de l’enquête sur la responsabilité des personnes impliquées directement, une conclusion s’impose: exploiter le pétrole, alors que des alternatives moins dangereuses existent, est un acte de désinvolture, de déni et de négligence qui, cette fois encore, a causé la mort.
Le minimum de respect pour les victimes et leurs familles impose que nous exigions de notre gouvernement qu’il se tourne résolument vers les sources d’énergies respectueuses de l’environnement et de la sécurité de nos concitoyens. Et cela signifie se détourner catégoriquement de la filière pétrolière.
Exploiter le pétrole au Québec, comme c’est l’intention de notre gouvernement, équivaut à desserrer les freins d’un train fantôme rempli d’explosifs qui ira bientôt dérailler et dévaster nos milieux de vie.
Tourner le dos au lobby du pétrole
Qu’on laisse une bonne fois pour toutes sous terre les combustibles fossiles, ces«ressources» qui n’en sont pas: ils sont le carbone patiemment séquestré dans le sol par la vie et la mort des êtres vivants sur la terre pendant des millions d’années, ce qui a rendu l’air et le climat de notre planète propice à la vie humaine. Les exploiter revient à détricoter notre propre chandail. Ce sont des produits qui nous sont toxiques et dangereux. Ils sont une source d’énergie désuète et un obstacle au développement d’une économie durable.
Le Québec est l’un des rares endroits au monde qui puisse s’affranchir relativement rapidement du pétrole. Nous avons déjà une longueur d’avance. Il faut maintenant se tenir debout face au lobby pétrolier, lui tourner le dos et franchir les pas qui restent vers un mode de vie plus sain et sécuritaire.
Notre gouvernement doit investir massivement dans le développement d’énergies saines, au lieu de subventionner et de cautionner le jeu de poker d’une poignée d’apprentis-sorciers dollaromanes prêts à dévaster nos villes et nos campagnes, notre eau potable et celle des légumes, des animaux et des poissons qu’on mange, pour trouver moins de pétrole que prévu, en renverser presque autant, en tirer le profit, l’encaisser dans leurs paradis fiscaux et nous refiler la facture des dégâts.
C’est une question de respect, de dignité, d’intelligence.
Parce que nous valons mieux que ça.
Nos morts valent mieux que ça.
Pleurons nos victimes, mais ne laissons pas fuir l’agresseur.
Arrêtons la fuite du pétrole.