Jan 012014
 

L’éducation du public «est entre les mains des propriétaires des grands médias», dénonce Claude Béland en entrevue au journal Ensemble. Pourtant, c’est par l’éducation qu’il entrevoit le salut de la démocratie et le remplacement du modèle néolibéral actuel par la social-démocratie. C’est dire à quel point le défi est grand. Pour l’ancien président du Mouvement Desjardins, l’éducation de proximité, dans les familles, mais également dans les coopératives, mutuelles et autres entreprises d’économie sociale, devient un devoir dont dépend l’avenir de notre civilisation.

Sans l’éducation, l’être humain est soumis à ses instincts de sécurité, de possession, d’exploitation et de pillage, affirme Claude Béland, qui associe le modèle d’entreprise traditionnelle à ces instincts: «Si le projet politique, c’est celui-là, il est normal d’avoir des entreprises comme on les connaît, les entreprises traditionnelles. Mais si le projet est un projet de vie commune, une social-démocratie, là on retrouve des entreprises coopératives, mutuelles, des organismes à but non lucratif qui intègrent des principes de liberté, d’égalité et de solidarité.»

«On va se retrouver très rapidement à dix milliards et à douze milliards, prévient M. Béland. C’est sûr qu’on a besoin d’un nouveau projet de société qui va faire en sorte que ce ne sera pas la lutte sans fin pour la vie, mais qu’on va revenir à l’union pour la vie.»
Vidéo: Nicolas Falcimaigne

«On ne naît pas coopérateur ou on ne naît pas démocrate. C’est l’éducation qui nous amène à comprendre que la démocratie, c’est une façon de mieux vivre ensemble.» Ce n’est pas un instinct, ce n’est pas inné. La démocratie est le fruit de l’éducation, explique celui qui est aussi président du Mouvement démocratique pour une Constitution du Québec (MDCQ)*. La liberté des individus, «celle qui ne nuit pas à celle des autres», y est conjuguée à l’égalité, «non seulement des droits, mais aussi des chances, partant du principe que les gens ne naissent pas tous égaux», et à la solidarité, «parce que l’éthique du mieux vivre ensemble, c’est une éthique du bien commun».

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* Le Mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec (MDCQ), fondé à la suite des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques que M. Béland a présidés en 2003, a récemment adopté un nouveau nom: Mouvement démocratique pour une Constitution du Québec (MDCQ).

Claude Béland est également coprésident d’honneur de la Coopérative de journalisme indépendant.

Les médias maîtres de l’éducation

Les institutions d’enseignement ont délaissé le savoir-être pour le savoir-faire. «Le mot d’ordre, c’est qu’il faut être employable, illustre M. Béland. Ce n’est pas ce qui est en vous, ce n’est pas vos inspirations…  Mais si tu veux travailler, t’es mieux d’avoir un diplôme dans ce domaine-là. Il y a de l’avenir dans ça. De l’avenir économique, la possibilité de s’enrichir, mais quant au savoir être avec les autres, il n’y a pas beaucoup d’éducation qui se fait.» On enseigne plutôt «comment spéculer, comment devenir riche, comment on peut faire encore plus d’argent, parce que dans la vie, celui qui réussit, c’est celui qui sait accumuler des richesses».

«Malheureusement, aujourd’hui, ce qui guide les comportements des citoyens et des citoyennes, c’est les médias. La radio, la télévision… c’est très subtil… les humoristes, les émissions de variétés. L’éducation est entre les mains des propriétaires de grands médias.» Ainsi, les médias de masse entretiennent-ils le système néolibéral en en diffusant abondamment les principes, souligne M. Béland. «On l’a vu récemment quand des gens très riches décèdent: on les célèbre comme ayant réussi leur vie.»

Dépasser le corporatisme

«On va se retrouver très rapidement à dix milliards et à douze milliards, prévient M. Béland. C’est sûr qu’on a besoin d’un nouveau projet de société qui va faire en sorte que ce ne sera pas la lutte sans fin pour la vie, mais qu’on va revenir à l’union pour la vie.» Pour y arriver, il faut dépasser les divisions corporatistes qui marquent le mouvement de l’économie solidaire.

«C’est comme si on oubliait l’objectif ultime, qui est de bâtir une société nouvelle, pour dire « c’est plus important de bâtir ma corporation, parce que c’est ce qui a permis à des coopératives de survivre, les coopératives ont besoin de nous ». C’est vrai, mais elles auraient autant besoin d’être inscrites dans un projet de société plus large qui ferait moins de place aux dommages que cause actuellement le système néolibéral. Le système doit absolument changer, autrement le monde s’en va vers un mur. Et ça, je pense que quand on y songe sérieusement, ce n’est pas ce qu’on souhaite.»

Entrevue intégrale avec Claude Béland
Vidéo: Nicolas Falcimaigne