On compte 1181 cas de femmes disparues ou assassinées depuis 30 ans, selon un rapport de la GRC rendu public ce printemps. C’est ce rapport qui a attiré l’attention des médias et du public sur un drame que les Premières Nations dénoncent pourtant depuis des années. Hier, à l’occasion de la Journée nationale d’action pour les femmes autochtones disparues ou assassinées, des vigiles se sont tenues au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde pour exiger du gouvernement fédéral la tenue d’une commission d’enquête nationale publique.
Depuis 2006 et à l’initiative des Sœurs par l’esprit (Sisters in Spirit), des vigiles se tiennent le 4 octobre partout au Canada. «En quatre courtes années, indique l’organisation, le nombre de veilles de Sœurs par l’esprit est passé de 11 en 2006 au chiffre impressionnant de 84 veilles en 2011.» À Rimouski, la vigile a regroupé plusieurs dizaines de personnes, ainsi que plusieurs organismes, autour d’un feu en plein air.
Selon le rapport de la GRC, «il y avait 164 femmes autochtones portées disparues en date du 4 novembre 2013». Tous les autres des 1181 cas de disparition se sont conclus par un homicide. Les 1017 femmes autochtones assassinées représentent «16 % de tous les homicides commis contre des femmes – beaucoup plus que la proportion de femmes autochtones dans la population féminine canadienne» (4%), indique le rapport. Les organisatrices de l’événement, qui portent le nombre de disparitions à 1186, ont calculé que ce chiffre est «l’équivalent de 35000 femmes canadiennes, ou de 8250 femmes québécoises».
Négligence policière
C’est un nombre en constante augmentation, s’indigne Natasha Kanapé Fontaine, Innue de Pessamit, poète et militante écologiste, qui s’est adressée aux personnes rassemblées à Rimouski. «Plusieurs cas auraient pu être évités, déplore-t-elle. Il y a des gens qui ont fait preuve de négligence ou d’indifférence.»
Concernant la disparition de Tina Fontaine, rapporte-t-elle, «on a appris, après l’enquête menée sur son cas, que les policiers avaient fait preuve de négligence».
Quel est le destin de ces femmes disparues, dont 164 manquent encore à l’appel? «Encore aujourd’hui, plus de 75% des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle, a souligné Marie-Claude Saindon, intervenante au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Rimouski. Un nombre disproportionné de femmes autochtones sont exploitées sexuellement dans l’industrie de la prostitution.»
Négligence politique
«Une petite enquête, un petit tour d’hélicoptère… c’est pas assez, s’est enflammée Anne Archambault, grand chef de la Première Nation Malécite de Viger, aussi venue parler à la foule pour l’occasion. On veut une commission!»
Le gouvernement fédéral a refusé à plusieurs reprises la tenue d’une enquête publique, malgré l’insistance des partis d’opposition. Présent pour la vigile, le député fédéral NPD de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques, Guy Caron, a rapporté que son parti, à la faveur des nombreuses absences du vendredi, a pu forcer un vote en chambre sur cette question, mais que le vote a bien entendu été battu par la majorité conservatrice au pouvoir.
Écrire à Stephen Harper
La Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (MMF) suggère d’écrire au premier ministre Stephen Harper pour réclamer la tenue d’une commission d’enquête publique indépendante. Un modèle de lettre est disponible pour téléchargement sur leur site, mais à Rimouski, on faisait plutôt signer la lettre par les personnes participantes.
Inédit de Natasha Kanapé Fontaine et intervention de Anne Archambault lors du Cercle de parole