Nos voitures sont conçues pour consommer dix fois plus d’essence qu’elles le devraient. C’est ce qu’a démontré le designer industriel Jacques Bodart. Il y a vingt ans, il a conçu un véhicule, le Minigramme, qui fait 600 km avec un seul litre d’essence. Mais son prototype est resté dans l’oubli, ignoré par les autorités. Aujourd’hui, il est exposé à la Vieille école de Saint-André de Kamouraska. Notre reporter, Olivier D. Asselin, l’a rencontré dans le cadre de l’Échofête, festival environnemental de Trois-Pistoles, et de la marche de 700 km contre le projet d’oléoduc.
Le marathon énergétique était pourtant financé par Shell, «qui louait le circuit très cher, mais qui participait au contrôle technique», rapporte Jacques Bodart. Le Belge y a remporté le Prix européen du design automobile pour les véhicules expérimentaux, il y a vingt ans. Il a présenté son concept au Salon de l’automobile de Bruxelles, sans suite.
Rien de sorcier
Ce n’est pas une technologie révolutionnaire qui a permis à Jacques Bodart d’atteindre un tel niveau d’efficacité avec le Minigramme. Comme son nom l’indique, le prototype de 43 kg est basé sur une réduction du poids, mais aussi de la résistance à l’air. Rappelons que celle-ci est égale au carré de la vitesse: elle se multiplie alors que la vitesse augmente. Le designer a aussi apporté de multiples améliorations au moteur et tiré profit du principe de la roue libre.
«J’arrive à 600 km avec un litre d’essence. Je n’ai pas de diplôme d’ingénieur en mécanique. C’est des solutions qui me semblaient bonnes à prendre, à essayer, à tester. Si j’y ai pensé sans être ingénieur, je suppose qu’un ingénieur y aurait déjà pensé et que lui, il est peut-être bloqué ailleurs.» M. Bodart s’interroge sur les nombreux concours de concepts écoénergétiques, les innovations qui en découlent et le fait qu’on n’en voit jamais la couleur sur le marché.
Une industrie faite pour consommer
«Une voiture ordinaire consomme dix litres aux cent km. On peut faire un véhicule, pas expérimental, un véhicule qui peut rouler sur la route, qui consomme un litre aux cent km. C’est une consommation dix fois moindre. Si on consommait dix fois moins de pétrole, on n’aurait plus de problèmes.» Selon M. Bodart, ce que fait l’industrie automobile avec le pétrole, «ce n’est plus de l’utilisation, c’est du gaspillage organisé».
«En diminuant la consommation de pétrole, on n’aurait pas besoin de ces oléoducs, ni même des sables bitumineux, ni du pétrole extrême», souligne le designer.
Avec Olivier D. Asselin
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Pour aller plus loin
Plusieurs des principes mis en œuvre dans le Minigramme sont similaires à ceux de l’écoconduite, dont le gouvernement du Québec fait discrètement la promotion, une pratique qui permet d’importantes réductions de carburant et de pollution (lire aussi).