Mai 022014
 
CACOUNA —Les détonations de plus de 200 décibels ont résonné dans le fleuve au large de Cacouna. Du 25 au 30 avril dernier, la compagnie TransCanada réalisait des levés sismiques en vertu d’un permis délivré par Pêches et Océans Canada. Ce sondage du fond marin est nécessaire à la construction du port pétrolier qui fait partie de son projet d’oléoduc Énergie Est, un projet encore non confirmé. Ce secteur est au cœur de la pouponnière de bélugas, dont la période de naissance se tient, en principe, début mai. Ensemble s’est rendu sur place, en kayak.

Ces travaux ont été réalisés avant toute consultation de la population, avant les assemblées du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), et surtout avant même de savoir si l’oléoduc et son port pétrolier seront bel et bien construits. De nombreux citoyens ont vertement dénoncé cette façon de faire, ainsi que le projet lui-même. Une manifestation tenue le 27 avril dernier à Cacouna a réuni près de 500 personnes dans ce village d’à peine 2000 habitants.

Ensemble s’est rendu sur le fleuve pour enregistrer les levés sismiques sous l’eau, et a interrogé plusieurs personnes présentes à la manifestation et à la soirée de présentation du projet par TransCanada.
Vidéo: Nicolas Falcimaigne

Le député fédéral de Haute-Gaspésie – La Mitis – Matane – Matapédia, Jean-François Fortin, a pris part à cette marche de l’église de Cacouna jusqu’au port de mer visé par le projet. Il voit chez le gouvernement Harper «une volonté de promouvoir les projets énergétiques, mais aussi une incapacité réelle de Pêches et Océan Canada de conduire de véritables études environnementales. On a mis à la porte des scientifiques et on a fermé les laboratoires. C’est une stratégie concertée, à mon avis, qui vise à affaiblir notre capacité à réagir et à protéger notre environnement.»

La chasse au béluga

«Ce n’est que le début de manifestations et d’actions pour dénoncer ce type de travaux et les projets qui y sont associés, celui de terminal et l’autre grand projet, celui depipeline de TransCanada Énergie Est, a prévenu Christian Simard, directeur général de Nature Québec. La loi sur les espèces en péril interdit de chasser le béluga. Chasser, ça veut dire aussi « le harceler, le prendre, le menacer, le poursuivre ». Actuellement, TransCanada a ouvert la chasse au béluga du Saint-Laurent. C’est interdit et ça ne doit pas se faire.»

Près de 500 personnes ont manifesté contre le projet de terminal pétrolier de TransCanada à Cacouna, le 27 avril dernier. Photo: Nicolas Falcimaigne

Un représentant de TransCanada chargé des études d’impact environnemental a confirmé que l’exposition au bruit des levés sismiques causerait «la surdité» chez les mammifères marins qui seraient à proximité. La zone d’alerte est de 3 km autour du bateau, qui ne peut procéder si un béluga se trouve dans un rayon de 500 m. Les autres mammifères marins seraient tout aussi affectés, mais ces précautions ne sont imposées que pour les espèces dites «en péril». Les phoques communs observés lors de nos sorties sur le fleuve dans la zone des travaux sont donc ignorés par la surveillance, dont le mandat a été confié au Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM).

Profits privés, risques publics

Le porte-parole de TransCanada pour le projet d’Oléoduc Énergie Est, Philippe Cannon, a pour sa part refusé de révéler le montant prévu des profits annuels à la clé de ce projet de 12 milliards de dollars pour la compagnie privée. L’oléoduc projeté traversera le Québec, franchissant la rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent, pour acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta aux raffineries de Montréal, de Québec et de Saint-John au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’aux lucratifs marchés d’exportation.

«Coule pas chez nous», ont brandi les manifestants contre l’oléoduc et le port pétrolier. Photo: Nicolas Falcimaigne

Ces projets d’infrastructures sont motivés par la forte consommation de pétrole et par sa vente à l’étranger, qui dope l’économie du Canada. «On ne pourra pas s’en sortir tout seuls. C’est un effort collectif qui va probablement prendre beaucoup de temps, mais on garde espoir que ça va se faire, et qu’on pourra un jour tous se libérer de notre dépendance au pétrole», a lancé Jason Rivest, porte-parole des Pétroliques Anonymes, un groupe militant de Rivière-du-Loup.

Une pancarte a trouvé un nouveau sens à sa vie, sur le chemin du port de Gros-Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne