Arratsalde on !
Salutation en euskara, la langue des Basques. Ce peuple, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, habite le golfe de Gascogne. Euskal Herria, le Pays basque, cet espace identitaire distinct qui se déploie de part et d’autre des Pyrénées occidentales, impressionne par la richesse et la diversité de sa culture ancestrale. Au 16e siècle, des marins basques ont fréquenté les eaux laurentiennes qui baignent Trois-Pistoles, pour chasser la baleine et faire la traite des fourrures avec les Amérindiens. 425 ans plus tard, le Parc de l’Aventure basque en Amérique, centre d’interprétation qui raconte cette histoire à Trois-Pistoles, a mené une mission socioéconomique au Pays basque. L’occasion était belle d’accompagner cette mission pour faire quelques pas sur leurs traces…
Traditions culturelles encore vivantes
Comme c’est le cas pour toutes les cultures minoritaires, le risque est grand de porter un regard folklorique sur la culture basque. D’emblée, les artistes basques précisent qu’ils œuvrent non seulement pour préserver un patrimoine culturel, mais également pour participer à une expression actuelle qui est bien présente dans l’esprit des Basques. Cette réalité est très perceptible lors des événements auxquels nous avons pu assister.
Le chœur Ahoz, qui nous reçoit lors d’une répétition à Bardos, est formé de gens qui ont chacun un métier hors de la chanson. Ils ne portent pas frénétiquement le fameux béret basque et ils se rassemblent pour le simple plaisir de chanter, un art très ancré dans la société basque. De la même façon, si la création du spectacle Sakratua, en l’église de Villefranque, est une exceptionnelle manifestation de cette particularité basque qu’est la danse sacrée, il n’en reste pas moins que l’assistance chante, frappe des mains et s’exclame à des moments-clés du spectacle, avec une complicité qui témoigne de la familiarité de la population avec ces coutumes ancestrales.
Même le dimanche à la messe de Baigorri, entièrement en euskara, les paroissiens entonnent les chants religieux, dans leur langue. Sans qu’il y ait de chœur proprement dit, cette chorale improvisée s’est révélée très juste et équilibrée. Avec la division des hommes et des femmes dans la nef, un effet stéréophonique s’est même dégagé de l’ensemble, accompagné par l’imposant orgue de confection germanique.
Thierry Biscary, qui nous accueille et nous guide à travers cet univers fabuleux, a réuni des membres de son groupe, Kalakan, lors d’une mémorable soirée dans une maison du haut-pays. Avec Paxkal Indo, il nous a fait découvrir d’impressionnantes polyphonies vocales traditionnelles, les flûtes txirula et txistu, ainsi que la fameuse gaita de Basse-Navarre, à anche double, qui rappelle par son timbre les instruments médiévaux à l’origine du hautbois.
Euskara, langue méconnue et menacée
Toutes ces traditions culturelles s’appuient sur le socle de la langue ancestrale, nommée euskara, ce qui signifie simplement le « parler basque ». Parlée dans les sept provinces d’Euskal Herria, elle se décline en plusieurs tendances qui ont été unifiées lors des dernières décennies. Si le basque unifié est compris partout, certaines particularités locales confondent encore les Basques entre eux. Le sort de l’euskara n’a pas toujours été le même des deux côtés de la frontière qui place les deux parties de Euskal Herria sous deux juridictions différentes.
En Iparralde (littéralement « côté Nord », sur le territoire français), l’euskara fait face à une forte pression administrative et juridique pour imposer le français, comme partout en France, depuis plusieurs siècles. En réponse à cette menace, des écoles en langue basque ont été ouvertes à partir de 1969, sur le modèle des Ikastola, écoles d’immersion en langue basque qui existaient du côté espagnol depuis 1914. Ces écoles permettent aujourd’hui de maintenir le nombre de locuteurs tout en étant un vecteur culturel pour les nouvelles générations.
En Hegoalde (« côté Sud », sur le territoire espagnol), c’est le règne du dictateur Franco, installé au pouvoir suite à la guerre civile espagnole de 1936, qui a porté le plus dur coup. Sous Franco, l’euskara a été interdit politiquement, les Ikastola ont été fermées et les locuteurs ont été persécutés. Au retour de la démocratie, pendant les années 1980, plusieurs provinces espagnoles ont revendiqué un statut autonome, dont le Pays basque. Euskadi, le gouvernement autonome basque, est né et a permis de renverser la vapeur en fournissant un cadre institutionnel pour soutenir la langue et la culture des Basques.