La relance du projet de minicentrale sur la rivière des Trois-Pistoles, dans la MRC des Basques, a retenu l’attention de plusieurs médias nationaux au cours de l’année qui se termine. Depuis 1997, ce projet controversé a suscité plusieurs coups d’éclat qui démontrent une farouche opposition à sa réalisation. Du « siège de la rivière » à la création du premier festival environnemental au Québec, en passant par un documentaire de portée mondiale, l’idée que le développement économique ne justifie pas de harnacher une rivière fait son chemin.
Historique du projet
Le consortium privé Grade Trois-Pistoles et la MRC des Basques présentent en 2001 le projet d’une minicentrale de 3,5 MW sur la rivière des Trois-Pistoles. Le projet est alors critiqué pour les maigres retombées locales, le contrôle exercé par le privé, la faible production d’hydroélectricité et l’impact sur l’écosystème et sur le potentiel écotouristique de la rivière.
La mobilisation des opposants, dont le militant Mikaël Rioux, fait bientôt de la Trois-Pistoles un symbole, si bien que le gouvernement Landry annule le projet par décret gouvernemental, tout en imposant un moratoire sur le développement des minicentrales.
Grade Trois-Pistoles, qui a déjà investi 1,5 M $, poursuit le gouvernement pour la perte des bénéfices escomptés. Le règlement hors-cour s’élève à 3,3 M $, soit 1,8 M $ de bénéfice net aux frais des contribuables québécois. Le consortium reste propriétaire des plans et devis.
La MRC, qui poursuit les démarches en vue d’un retour du programme des minicentrales, recueille en 2004 l’appui de 60 % des citoyens par référendum. En 2008, le gouvernement Charest lui donne raison avec un nouveau programme, qui limite toutefois la participation du privé à 49 %.
En janvier dernier, la MRC réaffirme son intention d’aller de l’avant, avec un nouveau partenaire privé, dès le lancement de l’appel d’offres par Hydro-Québec Distribution. Le 12 mars, Le Devoir dévoile, sous la plume de son journaliste Louis-Gilles Francoeur, plusieurs apparences de conflit d’intérêt qui mettent dans l’embarras les actionnaires de Grade Trois-Pistoles. L’un d’eux, André Boulanger, est devenu président d’Hydro-Québec Distribution.
Le Devoir cite l’ancien premier ministre Bernard Landry, selon qui « l’impact économique et énergétique de ce projet ne compensait pas les impacts visuels et environnementaux. (…) Quand on a 40 000 MW à notre disposition, on ne gaspille pas un site patrimonial pour 3 MW de plus ! ».
Le nouveau partenaire privé se retire alors du projet, laissant la MRC seule devant un investissement estimé à 8 M $, dont les retombées escomptées sont de 480 000 $ par année pour la première décennie. Pressée de questions par les citoyens lors des rencontres d’information, la MRC révèle en septembre que Grade Trois-Pistoles demande 600 000 $ pour les plans et devis, soit beaucoup plus que le dollar symbolique évoqué par l’ancien préfet au printemps. Comme en fait état l’émission La Facture, diffusée le 8 décembre dernier sur les ondes de Radio-Canada, le maire Jean-Pierre Rioux confirme que « c’est la population qui aura à assumer le coût », s’il s’avérait plus élevé que prévu.
Démarches en cours
Le reportage de La Facture a également révélé que la MRC a retenu les services d’une filiale de la firme de génie-conseil BPR pour préparer l’offre de services en vue de déposer le projet au Programme d’achat d’électricité provenant des petites centrales. La MRC a distribué dans chaque foyer du territoire, à deux reprises, un document promotionnel. Quelques jours plus tard, elle commandait un sondage à la firme Léger Marketing afin de démontrer l’acceptabilité sociale du projet, une des conditions de l’appel d’offres.
Le nouveau préfet Bertin Denis s’est montré ouvert à consulter la population par référendum si l’offre est acceptée, sur un projet aux coûts réactualisés. La date limite de l’appel d’offres ayant été repoussée au 2 février 2010, ce n’est qu’au mois d’avril que la décision d’Hydro-Québec Distribution sera connue.
Dans l’édition de novembre du journal local L’Horizon, la MRC présente la minicentrale comme le moteur économique de son Parc naturel mer, terre et Monde, qui y est décrit par le préfet comme un « projet de société écoresponsable ».
Un festival et un film
L’opposition au projet s’est illustrée par le développement d’alternatives. La création de L’Échofête, premier festival environnemental au Québec, a démontré pendant plus de sept ans qu’il est possible de générer des retombées importantes sans minicentrale. Les organisateurs et leur porte-parole Mikaël Rioux ont capté l’attention du mouvement environnemental québécois.
Ce leadership a récemment été couronné par le lancement de Visionnaires Planétaires, un documentaire réalisé par Sylvie Van Brabant, en coproduction avec Rapide Blanc, l’ONF et Radio-Canada. Le film présente Mikaël Rioux, jeune militant de Trois-Pistoles, qui parcourt la planète à la recherche de solutions de développement durable, ce qui l’amène à rencontrer des leaders et des groupes qui ont développé des approches novatrices impressionnantes.
Présenté en avant-première cet été à Trois-Pistoles pendant L’Échofête, Visionnaires planétaires a ouvert en première mondiale le Festival du nouveau cinéma (FNC) de Montréal le 14 octobre, avant de recevoir le grand prix du meilleur long métrage documentaire canadien au festival Planet in Focus de Toronto. Après avoir brillé parmi les 16 sélections officielles au 22e Festival international des films documentaires (IDFA) d’Amsterdam, fin novembre, il a été projeté à la Conférence sur les changements climatiques de Copenhague le 14 décembre. En salle à Montréal depuis le 4 décembre, il a été présenté à l’école secondaire de Trois-Pistoles le 9 et au cinéma Paraloeil de Rimouski le 10. Il sera au Clap de Québec le 18 et poursuivra ensuite sa tournée dans les régions du Québec, où chaque projection sera suivie d’une discussion avec des membres de l’équipe de réalisation. Les dates seront annoncées sur www.onf.ca/visionnairesplanetaires