«L’objectif des compagnies est clair: c’est qu’elles puissent exporter ce pétrole-là, pour qu’elles puissent faire plus d’argent, mais ce n’est pas pour le bénéfice de la population du Québec, ce m’est pas pour qu’on paie notre essence moins cher, ce n’est certainement pas pour créer des emplois ici.» En quelques mots, Steven Guilbault, directeur principal chez Équiterre, a voulu déboulonner le discours officiel tenu par le gouvernement et par les compagnies, concernant le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada, devant transporter le pétrole lourd des sables bitumineux albertains à travers le Québec. Après l’annonce de ce projet, en août, trois rencontres publiques d’information ont été organisées par Équiterre à l’Islet, à Mont-Carmel et à Témiscouata-sur-le-Lac, des régions qui sont sur le tracé prévu. Chez les citoyens rencontrés, l’inquiétude est palpable.
Ce sont plus de cinquante personnes qui se sont déplacées à chacune des trois rencontres pour obtenir des réponses ou exprimer leurs préoccupations sur ce projet, dont plusieurs maires de municipalités se situant sur l’itinéraire projeté. Leur préoccupation principale est la protection de leur population. «Dans la foulée de ce qui s’est passé au Lac-Mégantic, il faut rappeler que le passage d’un oléoduc ne réduira pas le nombre de wagons de chemin de fer sur les rails, donc ne réduira pas le danger, explique Gervais Daris, maire de Saint-André-de-Kamouraska. Nous, on a déjà un chemin de fer qui passe à Saint-André, dans une zone où il y a une accélération parce que c’est en descendant. Ça nous fait déjà un peu peur. Le jour où il va y avoir un accident avec l’oléoduc, ça va être majeur et ça va venir attaquer nos nappes phréatiques, ça va mettre en danger nos sources d’approvisionnement en eau.»
Autre source d’inquiétude: la rapidité avec laquelle se déploie le projet, dont la mise en opération est prévue pour 2017 selon le site du projet. Le gouvernement n’a pas encore confirmé que le projet passerait par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). «Tous nos projets passent par le BAPE, alors pourquoi pas celui-là?», s’interroge André Chouinard, préfet suppléant de la MRC de Témiscouata. Son collègue Claude Lavoie, maire de Dégelis, est du même avis. «On a toujours vécu sans pipeline, rappelle-t-il. Il faut prendre le temps d’aller chercher toutes les précautions possibles. Il faut exiger, par le biais de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ou de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), des audiences du BAPE qui vont prendre tout le temps qu’il faudra. Si ça prend dix ans, ça prendra dix ans, et après ça il y aura une décision qui va être beaucoup plus prudente. L’empressement de TransCanada, ça m’énerve.»
Entre 12 et 65 déversements par année
La compagnie TransCanada, qui n’a pas répondu aux questions du journal Ensemble malgré un délai de plus de deux semaines, se fait rassurante sur le site web du projet Énergie Est: «Les oléoducs de l’Ouest du Canada transportent, en toute sécurité, du bitume dilué depuis plus de 30 ans et du pétrole brut classique depuis plus de 60 ans.» La conversion d’un gazoduc en oléoduc y semble n’être qu’une formalité: «TransCanada a déjà converti des gazoducs avec succès et en toute sécurité. Le plus récent exemple est la conversion d’une canalisation principale d’un gazoduc en oléoduc pour le pipeline Keystone.»
Geneviève Aude Puskas, agente de recherche chez Équiterre, ajoute quelques nuances. «Dans la première année de mise en exploitation du projet Keystone, il y a eu douze déversements. Ça, c’est la première année. La compagnie Enbridge, par exemple, qui a un pipeline de 47 ans, a une moyenne de 65 déversements par année. La question n’est pas « Est-ce qu’il va y avoir un déversement? », mais c’est où, et quand, et comment va-t-on le contrôler.»
Le pétrole destiné au nouvel oléoduc, issu des sables bitumineux, est-il plus dangereux que le pétrole classique? «Actuellement, les projets qui sont sur la table, ce qui serait transporté, à ce qu’on entend, c’est du pétrole léger, donc qui serait déjà raffiné avant d’être mis dans le pipeline», assure Martine Ouellet, ministre des Ressources naturelles du Québec, rencontrée lors d’un événement partisan à Rivière-du-Loup.
Or, dans la section Pétrole 101 du site du projet Énergie Est de TransCanada, il est clairement indiqué que: «En fonction de la teneur en soufre, le pétrole brut peut prendre plusieurs formes allant du pétrole brut léger au pétrole brut lourd, et du pétrole brut non corrosif au pétrole brut acide. Énergie Est transportera une variété de types de brut, dont du pétrole brut classique, du bitume dilué et du pétrole brut synthétique. Qu’est-ce que le bitume? C’est une matière première que l’on trouve, entre autres, dans les sables bitumineux de l’Alberta qui doit être valorisée en une substance synthétique semblable au brut léger West Texas pour devenir un pétrole brut synthétique ou mélangée à des produits pétroliers légers comme l’essence pour devenir du bitume dilué. Sur le plan physique et chimique, on ne peut différencier le bitume d’autres pétroles bruts lourds.»
Dans le cas de Northern Gateway, le projet d’oléoduc par lequel la société Enbridge souhaite exporter le pétrole albertain en traversant la Colombie Britannique, le bitume est mélangé à un diluant à raison de une partie pour trois. Un quart de la capacité de l’oléoduc doit donc être consacrée au transport d’un diluant, qui doit être séparé en raffinerie à destination et retourné ou produit à nouveau au point de départ (193000 barils par jour selon le document explicatif d’Enbridge). Un oléoduc parallèle est donc prévu pour acheminer le diluant vers l’Alberta.
«C’est quoi ces diluants-là, questionne Mme Puskas? Vous allez retrouver du gaz naturel, mais aussi des produits chimiques comme du benzène et du toluène. Ce sont des substances très volatiles et qui sont considérées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme étant très cancérigènes. S’il y a un déversement, ces substances volatiles s’échappent dans l’air. Le pétrole très lourd coule au fond de l’eau et sera très difficile à ramasser.» Le document sur les diluants, disponible sur le site d’Enbridge, conseille d’ailleurs aux riverains, «dans l’éventualité improbable d’une fuite, de s’éloigner et de se placer du côté du vent par rapport à la fuite, pour éviter une exposition prolongée aux émanations.» – notre traduction.
Dans l’éventualité d’un accident, les coûts engendrés dépassent parfois la capacité de payer des entreprises responsables. «À Lac-Mégantic, en plus des 47 morts, la facture du désastre a jusqu’à maintenant été intégralement payée par les contribuables québécois, dénonce Geneviève Aude Puskas. La Montreal, Maine & Atlantic Railway Corporation (MMA) possède une assurance d’environ 25 millions $. Avec ses actifs, sa valeur monte à environ 100 millions $. Ce déversement risque de coûter environ 500 millions $, donc cinq fois plus. Jusqu’à maintenant, tous les frais ont été assumés par le gouvernement du Québec. C’est inquiétant, car il y a très peu de transparence sur les politiques d’assurances de ces compagnies. Il est difficile de savoir qui va payer en cas d’accident: les municipalités, le gouvernement ou les compagnies?» MMA s’est récemment placée sous la protection de la loi sur la faillite.
L’oléoduc ne vise pas à transporter le pétrole du Dakota qui a explosé à Lac-Mégantic, rappelle Steven Guilbault en soulignant que les compagnies ont tenté de se servir de ce drame pour positionner les oléoducs comme plus sécuritaires que les trains. «Le pipeline de TransCanada, il vise à permettre aux pétrolières qui font des sables bitumineux en Alberta d’augmenter leur production. Si on dit oui à ce projet-là, il n’y aura pas moins de trains autour de nous, il n’y aura pas moins de camions, pas moins de bateaux. Il va juste y avoir plus de pétrole: 1,1 million de barils de pétrole de plus par jour autour de nous.»
Bloquer l’entreprise la plus polluante au monde?
«Je trouve qu’on est un peu complices si on laisse passer cet oléoduc-là, confie Gervais Daris, maire de Saint-André-de-Kamouraska. Complices de la contamination de notre planète et de l’appauvrissement de toute notre collectivité de l’Est du Canada. Parce que pendant que l’Alberta s’enrichit, les communautés de l’Ontario, du Québec et des Maritimes s’appauvrissent. Le seul qui s’enrichit à l’est, c’est K.C. Irving, qui transforme et exporte. Une personne. En termes de jobs au Québec, après la construction, c’est peut-être une job qu’il y aurait entre Québec et Edmundston, pas plus que ça. Ça ne crée pas d’emploi. Tout ce que ça fait, c’est que ça permet à l’Alberta de sortir son pétrole sale.»
Il semble en effet que passer par le Québec soit la dernière possibilité pour assurer un débouché d’exportation à la croissance prévue de l’industrie des sables bitumineux. La Colombie britannique a imposé des conditions si élevées à Enbridge, pour son projet d’oléoduc Northern Gateway visant l’exportation par l’océan Pacifique, que ce projet est actuellement au point mort. Chez nos voisins du Sud, le président Barack Obama a récemment souligné qu’à peine 50 emplois seraient créés par le projet Keystone XL de TransCanada, et semble ne pas vouloir donner à ce projet l’autorisation présidentielle requise. Les deux projets ont soulevé d’intenses mouvements d’opposition. Quant à passer par l’Arctique, ce serait encore trop complexe et coûteux.
«On produit 1,6 millions de barils par jour et on veut faire tripler la production d’ici 2030, affirme Steven Guilbault. C’est déjà une catastrophe environnementale. En énergie, il faut brûler l’équivalent d’un demi baril de pétrole pour produire un baril de pétrole dans les sables bitumineux. Quand on fait le bilan de l’ensemble, à la fin de la journée, il n’en reste quand même juste la moitié. Pour chaque baril de pétrole qu’on produit, on a besoin de deux à douze barils d’eau». C’est un volume d’eau quotidien équivalent à la consommation d’une ville comme Montréal qui est ainsi contaminé et accumulé dans de vastes réservoirs que l’on peut voir depuis l’espace.
«Historiquement, les prix du pétrole dans l’Ouest sont plus bas que les prix sur le marché mondial: 20 à 30$ de différence pour chaque baril, explique M. Guilbault. Or, ce que les compagnies veulent, c’est 20 à 30$ de plus pour chaque baril de pétrole.»
L’auteur, agriculteur et militant Roméo Bouchard, présent à la rencontre de fondation du Mouvement Stop-oléoduc Kamouraska, croit que le Québec peut «jouer une grosse carte dans un débat national. On a la chance, parce que c’est quelque chose de très concret, de faire le débat sur le développement, sur la croissance, sur l’avenir de la planète, l’empreinte écologique, etc. Là on a une occasion en or pour étendre ce débat-là dans chaque conseil municipal, dans chaque municipalité, tout le long du pipeline, à la grandeur du Québec.»
Quels avantages pour le Québec?
La ministre des Ressources naturelles du Québec, Martine Ouellet, croit que le projet peut avoir des retombées économiques au Québec. «C’est clair qu’il y a un intérêt économique des deux raffineurs, affirme-t-elle, donc Suncor à Montréal et Ultramar à Québec. Beaucoup d’emplois, parce qu’actuellement il y a un différentiel de prix assez important entre le pétrole de l’ouest et le pétrole brut qui est acheté au Québec.» Elle affirme que dans le cas du projet d’inversion de la ligne 9 d’Enbridge, un autre oléoduc visant à acheminer vers l’est le pétrole de l’Alberta, l’ensemble du pétrole transporté serait dédié au Québec.
Une étude sur ce projet, publiée hier par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), prétend plutôt que «si ce projet de renversement se réalise, environ 150000 des 300000 barils de pétrole que transporterait chaque jour la Ligne 9B seraient destinés aux raffineries québécoises». Enbridge poursuit aussi un projet d’oléoduc reliant Montréal à la côte Est américaine.
Les raffineries du Québec «ne peuvent pas raffiner le pétrole lourd des sables bitumineux, affirme pour sa part Steven Guilbault. Ils n’ont pas dit qu’ils allaient investir pour que le pétrole puisse être raffiné au Québec. Ils ont annoncé la construction d’un terminal, d’un port, à St-John, pour pouvoir exporter le pétrole.» Selon lui, la différence de prix disparaîtra quand le brut atteindra les marchés d’exportation.
Questionnée sur l’opportunité qu’aurait son gouvernement d’empêcher la multiplication par trois de l’industrie des sables bitumineux, et de ses importants impacts environnementaux, Martine Ouellet est évasive. «Du pétrole, on en consomme actuellement au Québec. On a une volonté de diminuer notre consommation de façon très importante en se donnant des objectifs de -25% en 2020. Ce sont des objectifs ambitieux, mais il va falloir se donner les moyens costauds pour les atteindre.»
Il apparaît clairement que l’orientation du gouvernement exclut le statu-quo en matière d’approvisionnement pétrolier. «On veut diminuer notre consommation, mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. Dans cet intervalle-là, qui va quand même durer quelques années, on en consomme. Donc à ce moment-là, on a le choix ou de l’importer, avec un déficit de balance commerciale évalué à 14 milliards $, ou de l’exploiter.»
Le poids des importations pétrolières dans la balance commerciale du Québec, c’était autrefois un argument utilisé par les citoyens et les groupes en faveur du développement des alternatives, mais pas du tout pour l’exploitation du pétrole québécois. En 2011, le militant Daniel Breton (ministre de l’Environnement aux côtés de Mme Ouellet pendant l’automne 2012) l’affirmait en entrevue au journal Ensemble: «il faut s’affranchir de la dépendance aux énergies fossiles plutôt que chercher à en exploiter dans notre cour. Chaque année, de 13 à 18 milliards $ quittent le Québec en achats d’hydrocarbures. Ce déficit commercial pourrait considérablement être réduit si l’on envisageait des alternatives comme le monorail.»
À savoir si les énergies renouvelables seraient une solution pour redresser la balance commerciale, Martine Ouellet croit que «les énergies renouvelables sont un meilleur moyen. Et c’est pour ça que au Québec, depuis plusieurs années, les choix qui ont été faits durant les années 1940, 1960, d’hydroélectricité, nous ont positionnés de façon extraordinaire. Ça c’est pour la production d’électricité. Après ça, le combustible fossile, on peut en remplacer une partie par l’électricité, on peut électrifier les transports, et ça ne se fera pas du jour au lendemain. Le combustible fossile est utilisé dans des créneaux où il y a du travail à faire pour faire un remplacement. Il y a des alternatives, tant au niveau du gaz que du pétrole, mais il faut mettre les moyens en place et ça va prendre un certain temps.»
Si la possibilité de continuer d’en importer de moins en moins ne semble pas être envisagée, la ministre se fait rassurante dans l’éventualité d’une exploitation du pétrole au Québec: «si on décide de l’exploiter parce qu’on pense qu’il y a un intérêt économique, il va falloir s’assurer de documenter l’ensemble de la problématique, tant au niveau environnemental que des risques, l’ensemble des moyens de mitigation, s’assurer d’avoir les plus hauts standards environnementaux, documenter les impacts sociaux, et documenter les impacts économiques aussi, pour bien s’assurer que le Québec va sortir gagnant de cette exploitation-là.»
Dans l’entourage de la ministre, on a confié que l’exemple des critères imposés par la Colombie-Britannique pour le projet Northern Gateway était sérieusement à l’étude. Martine Ouellet se fait plus prudente: «Je pense que la première étape, c’est la consultation [annoncée par le ministre de l’Environnement, sur le projet spécifique de la Ligne 9B d’Enbridge]. Ensuite, il y aura un positionnement sur l’ensemble de ces éléments-là, de la part du gouvernement.»
La ministre invite la population à participer en grand nombre à la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, «parce que le portrait énergétique du Québec, continental et international a beaucoup changé pendant les dix dernières années, et c’est important qu’on puisse en rediscuter ensemble. La commission fait le tour de toutes les régions du Québec, avec un document de consultation pour aller entendre les citoyens. Nous, on s’est donné quelques grands objectifs, [entendre les citoyens] sur ces objectifs-là, mais aussi et surtout sur les moyens de les atteindre.» Un des six objectifs de la future politique énergétique, selon le document de consultation, est «Explorer et exploiter de façon responsable les réserves d’hydrocarbures du territoire et valoriser cette ressource afin d’enrichir tous les Québécois»
TransCanada organise pour sa part des journées portes-ouvertes pour répondre individuellement aux questions des citoyens, mais sans possibilité de poser des questions publiquement dans une assemblée.
Un projet à contre-courant
Depuis des années, de nombreux groupes de la société civile se sont mobilisés pour favoriser le développement des énergies renouvelables, notamment dans le monde coopératif. D’autres mouvements ont été créés pour empêcher le développement des énergies fossiles. C’est le cas de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, dont le cofondateur, Martin Poirier, était présent à la consultation de Témiscouata. «Le Québec a la chance de ne pas être une pétro-province, s’exclame-t-il. Tout le potentiel convoité est du non-conventionnel qui nécessite la fracturation, tel qu’à Anticosti, ou bien des forages en milieu marin avec Old Harry dans le golfe. Et nous avons encore plus de chance de ne pas le devenir avec un énorme potentiel en énergies renouvelables pour être des leaders au niveau mondial. Il ne manque qu’une véritable volonté politique.»
Kim Cornelissen vient de s’installer au Bas-Saint-Laurent, précisément pour son potentiel en énergies renouvelables, car elle est consultante dans ce domaine. La spécialiste s’étonne qu’on veuille refaire le même exercice de consultation qu’en 1995, qui avait alors abouti au rapport Pour un Québec efficace, qui a alors inspiré une politique énergétique du gouvernement du Québec. «Les conclusions ont été qu’une politique énergétique se base surtout sur l’efficacité énergétique: arrêter de gaspiller, rendre les bâtiments plus écoénergétiques. On parlait de développer l’éolien, le solaire et la biomasse (on n’a jamais parlé de développer le pétrole et le gaz).»
Le maire sortant de Rivière-du-Loup, Michel Morin, inaugurera un projet d’usine de biométhanisation qui restera un projet marquant de son administration. «Avec ce projet, on a quand même trois millions de litres de biométhane qui viennent remplacer trois millions de litres de diesel dans nos transports, à 70¢ du litre!» Selon ses calculs, seulement avec les résidus gras des deux abattoirs de la région, on pourrait même fabriquer ici 17 millions de litres de biodiesel. «Là on commence à parler de carburant de remplacement en grande quantité.» M. Morin prendra la parole à la Commission sur les enjeux énergétiques, et souhaite que le débat se fasse en profondeur. «Quand on aligne toutes nos possibilités au niveau des types d’énergie renouvelable, on quitte notre dépendance au pétrole dans combien de temps? C’est ça que j’aimerais savoir. Il faut avoir les moyens de nos ambitions et prioriser les choix là-dedans.»
Un projet contesté
Deux jours après l’annonce du projet, le 3 août, un groupe publiait sur Facebook une page intitulée Non au projet « Oléoduc Énergie Est » de Transcanada, et y a publié des dizaines d’articles depuis ce temps. Pendant le mois d’août, les informations ont abondamment circulé dans les réseaux militants, notamment Idle No More et les nouveaux groupes nés à la suite des rencontres d’information d’Équiterre (Témiscouata, L’Islet et Mont-Carmel).
Le 21 août, des citoyens se sont réunis à Saint-André-de-Kamouraska afin de mettre en place un groupe opposé au projet et de mener des actions concrètes pour empêcher sa réalisation. Jérémie Chénard, citoyen de Saint-Germain-de-Kamouraska et Simon Côté, citoyen de Mont-Carmel, ont été nommés co-porte-parole du Mouvement Stop-oléoduc Kamouraska par la quarantaine de personnes présentes.
«Je suis vraiment impressionné, s’exclame M. Chénard. On a avancé très rapidement, il y a des gens très compétents qui se sont engagés dans les différents comités.» Les trois quarts des personnes présentes ont pris en charge des tâches et des responsabilités, souligne Simon Côté.
Les actions envisagées sont «d’informer les gens au niveau local, d’aider les municipalités qui sont un peu prises avec la patate chaude et qui risquent de faire face à la division de leur population.» On parle également de fournir des modèles de résolutions aux conseils municipaux qui souhaitent s’opposer au passage de l’oléoduc sur leur territoire. Les propriétaires fonciers pourraient aussi être appelés à signer des lettres de revendication de droits pour protéger leurs terres.
Pour l’acteur Christian Bégin, citoyen de Saint-Germain-de-Kamouraska, c’est cette mobilisation citoyenne qui sera déterminante dans la réalisation ou non du projet. «On se rend compte que dans le Bas-Saint-Laurent il y a une mobilisation très forte par rapport au projet d’oléoduc en ce moment. Il y a eu des réunions à Mont-Carmel, à L’Islet, à Témiscouata, qui ont mobilisé pas mal de gens, déjà la couverture médiatique est assez importante, on sent que c’est un mouvement qui va faire parler de lui et ce soir on est en train de poser les premières pierres.»
Steven Guilbault croit aussi que la volonté populaire est cruciale. «Le fédéral ne passera pas sur le dos d’une province complète pour faire un projet dont la province, l’ensemble de la population et les communautés autochtones ne veulent pas, souligne-t-il. Quand le projet Keystone XL a été annoncé aux États-Unis, c’était fait, c’était réglé. Ce projet-là allait se faire, ça allait passer comme du beurre dans la poêle. Mais cinq ans plus tard, le projet n’est pas fait et le dernier commentaire de Barack Obama sur ce projet n’est pas particulièrement encourageant pour eux. Donc si les gens se mobilisent, je pense qu’on peut arriver à faire de grandes choses.»
Pour Simon Côté, l’enjeu est planétaire et historique: «Peu importe que le pipeline soit sécuritaire ou qu’il rapporte, il s’agit quand même de tripler la superficie des sables bitumineux, l’entreprise humaine la plus polluante de l’histoire.»
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Consultation du gouvernement du Québec
Pour un Québec efficace (LIEN DANS LE TEXTE)