Illustration parfaite de l’adage selon lequel « small is beautiful », la périodique soirée de projection de la cellule de création de courts métrages Kino RDL se tenait le 12 janvier dernier. La communauté kinoïte et le grand public étaient conviés à ce rendez-vous trimestriel, pour déguster les savoureux plus courts métrages possibles concoctés par les membres actifs de la cellule. Une cinquantaine de personnes ont animé d’une joyeuse ambiance la salle de projection installée au restaurant Amsterdam de Rivière-du-Loup.
Pour les organisateurs de cette joute cinématographique, Émile-Olivier Desgens et François Gamache, il s’agit chaque fois d’un saut dans l’inconnu. Les vidéastes se présentent sur les lieux avec leurs productions fraîchement gravées, qui doivent seulement respecter trois règles: la durée maximale de dix minutes, un contenu pertinent et décent, et la mention Kino RDL. Heureusement, les maîtres de la soirée ont le pouvoir de sanctionner les participants en leur décernant un blâme, « ou plutôt un défi », préfèrent-ils. L’artiste doit alors revenir la prochaine fois avec un nouveau kino intégrant une contrainte proposée par l’assemblée. C’est toutefois sans visionnement préalable qu’ils soumettent au public les œuvres de leurs pairs, entrecoupées de sélections tirées des autres cellules du Québec.
Il serait malaisé de comparer ces petits bijoux triés sur le volet aux productions spontanées de l’équipe locale, formée d’amateurs comme de professionnels d’expérience, et qui n’ont pas fait l’objet d’une telle sélection. L’heureux mélange permet d’allier une chaleureuse convivialité, en présence des artisans des nouvelles créations, à la découverte des chefs d’œuvre de ce petit du septième art.
L’ensemble impressionne par sa diversité de genre. Entre l’animation, le faux documentaire, la fiction, la comédie et le drame, les créateurs locaux des neuf courts-métrages s’en sont donnés à cœur joie. Si certaines productions se sont tenues dans un registre résolument relié aux fonctions d’élimination du corps humain, d’autres se sont élevées au niveau de l’absurde et même du propos social ou politique.
Jonathan Desmeules a ouvert la séance par un travail d’animation, de son propre aveu « très peu scénarisé » et qui en effet ne brillait pas par son message, mais dont l’image et l’humour simple ont su briser la glace et dérider l’auditoire. Son défaut d’indiquer Kino RDL au générique lui a valu un défi dont la contrainte sera de rafraîchir une vieille blague connue. Il devra donc présenter ce nouveau court-métrage lors de la prochaine soirée.
Marcel Deschamps et Pierre Ouellet ont ensuite servi une leçon de bonnes manières à l’assemblée, faisant écho à la catégorie d’impro « Les bonnes manières VS le franc parler ». La participation de Karine Raymond et de sa fidèle Zaïa a ajouté une couleur touchante à cette série de sketchs moralisateurs, sur une musique de Léonard Cohen. Marcel Deschamps a accepté de se commettre pour la prochaine fois. Il présentera donc une nouvelle création dans trois mois.
Joële Yoja Grimbert a ensuite présenté un court métrage d’action dont les scènes de violence auraient certainement justifié une cote de 13 ans et plus. Malgré une qualité sonore perfectible, la gestion efficace et caricaturale de l’effet dramatique a donné une ampleur insoupçonnée au jeu de Pascal Gagnon et Olivier Blot, préparant l’auditoire à une chute imprévisible brillamment interprétée par Louis-David Thériault. C’est sans surprise que Joële Yoja Grimbert se commet pour la prochaine fois.
Passons sur le plus court métrage présenté par Antoine Chagnon Michaud suite au désormais célèbre défi de la bouteille de Bovril, qui relève davantage de l’humour privé que de l’œuvre proprement dite, et soulignons la persévérance de Daniel Breton, qui a livré ses deux derniers volets de la trilogie du Livreur. Celle-ci se démarque plus par sa forme que par son propos, notamment par la présence d’une introduction au montage particulièrement soigné. Malheureusement, cette qualité disparaît lorsqu’on remarque un surprenant décalage de post-synchronisation que le réalisateur a honnêtement avoué n’être pas volontaire. Daniel Breton se commet, sans préciser si sa trilogie deviendra une série à rebondissements.
Charles Fortier a choisi de nous rappeler l’automne électoral et les sondages particulièrement tenaces de Poly-Québec, par une production dont l’effet humoristique redondant reste toutefois efficace jusqu’à la fin, marquée par une chute prévisible. Il se commet pour la prochaine édition. Pour clôturer la projection, Maryse Gaudreault et Julien Leblanc ont fracassé les limites du genre en présentant Les Verres de contact, un étonnant lipsync de paupières, donc plutôt « lidsync », sur une musique variée. Outre la prouesse de coordination, il faut souligner l’audace de l’idée.
Michel Thisdel parle de son expérience de spectateur et Pricile De Lacroix revient sur sa première contribution:
C’est aussi lors de cette soirée que Pricile De Lacroix a fait ses premiers pas dans l’univers du Kino, en présentant un court faux documentaire humoristique sur le Château de Noël de Rivière-du-Loup. Elle y interroge avec un sérieux déconcertant les spécialistes Rock Belzile et Carole Tardif, ainsi que la fameuse princesse. Le Château, une curiosité locale, est comparé à celui de Walt Disney et il est proposé que Rivière-du-Loup mise tout sur cet incontournable produit d’appel. Cette couverture fictive est faite d’images saisissantes et bénéficie d’une facture soignée, ce qui a valu à Pricile De Lacroix une demande générale pour récidiver. Elle ne s’est pas fait prier pour se commettre avec enthousiasme.
On peut découvrir les courts-métrages et des liens vers les autres cellules du Québec sur http://rdlkino.wordpress.com. La prochaine édition de ce festival du très court métrage, qui sera présentée au printemps, promet donc d’être aussi riche que la mouture hivernale, d’autant plus que Mylène Marquis, Karine Raymond, Marc-Olivier « Molo » Dugas et François Gamache se sont spontanément commis, en plus des nombreux défis encore en suspend, qui réservent bien des surprises.