Sep 102014
 

Les travaux de forage ont débuté à Cacouna en vue de la construction du port pétrolier de Trancanada. Malgré la demande de l’opposition officielle pour l’arrêt des travaux, autorisés par le gouvernement, la compagnie est allée de l’avant en déployant une barge dans la zone identifiée comme «pouponnière à béluga» par les spécialistes. Le gouvernement a réaffirmé ce matin la rigueur des protections mises en place pour protéger les mammifères marins. Selon un observateur présent sur les lieux, Mikaël Rioux, un groupe de petits rorquals se trouvait à l’entrée du port pendant les travaux.

La barge de forage est arrivée à Cacouna. Les travaux portent sur l’étude du fond marin, en vue de la construction du port pétrolier et de son quai de 500 m, au bout duquel deux pétroliers de 240 m doivent s’amarrer.

La compagnie Transcanada a la responsabilité de surveiller la zone pour s’assurer qu’aucun béluga ne se trouve dans un rayon de 540 m au moment des forages. Elle doit aussi arrêter les travaux quand des bélugas se trouvent à proximité et mettre en place un moyen pour les détecter. Il lui faut respecter le niveau de bruit subaquatique (moins de 120 décibels à 540 m) lors des forages et respecter le bruit maximal de 45 décibels aux limites de la résidence la plus proche. Enfin, le trafic maritime doit se limiter à un seul aller-retour quotidien entre la plateforme et la rive. Pourtant, les remorqueurs ne semblent pas avoir remarqué le groupe de baleines qui circulaient sur leur chemin à l’entrée du port de Gros-Cacouna.

Les remorqueurs ne semblent pas avoir remarqué le groupe de baleines qui circulaient sur leur chemin à l’entrée du port de Gros-Cacouna.
Vidéo: Mikaël Rioux

Les forages, 16 sondages géotechniques réalisés pour connaître le fond marin où sera ancré le quai du terminal pétrolier, doivent durer cinq heures par jour pendant 95 jours. Le terminal de Transcanada fait partie du projet d’oléoduc Énergie-Est, un nouveau pipeline qui doit acheminer 1,1 million de barils de pétrole de l’Ouest canadien dès 2018. Le terminal de Cacouna prévoit un site de stockage de pétrole brut comptant une douzaine de réservoirs (lire notre dossier).

La barge de forage est positionnée par deux remorqueurs pour les travaux de forage.
Photo: Greenpeace/Mikaël Rioux

En comptant ce projet et l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge, approuvé par le gouvernement Harper plus tôt cette année, c’est 1,4 million de barils de pétrole brut de l’Ouest qui pourraient transiter chaque jour par le Québec. Sans attendre la réalisation de ces projets, la compagnie Suncor a déjà commencé l’exportation par train et par bateau à partir de Sorel. En cinq ans, on a observé une croissance de 28000% du transport de pétrole par train. La même croissance est attendue pour les prochaines années, et la réalisation ou non des projets d’oléoducs aurait peu d’impact sur ce phénomène, affirment plusieurs experts.

L’exportation est une condition nécessaire à la croissance de l’industrie pétrolière albertaine des sables bitumineux, qui prévoit doubler et même tripler sa production au cours des prochaines années, ce qui la porterait à trois et même près de cinq millions de barils par jour.

Les remorqueurs sont passés à proximité du groupe de petits rorquals pour rentrer au port après la journée de travaux.
Photo: Greenpeace/Mikaël Rioux

En début de semaine, plusieurs députés de l’opposition officielle (Parti québécois) avaient demandé au gouvernement d’arrêter les travaux, arguant que le certificat d’autorisation a été émis à la compagnie albertaine avant la tenue d’un BAPE. Le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, avait promis en mai que le BAPE évaluerait le projet de TransCanada. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand a répondu en faisant l’éloge du projet, allant jusqu’à prétendre qu’il générerait «des centaines et des centaines d’emplois» et des «retombées de plusieurs milliards de dollars».

Retombées économiques

Un rapport produit par un cabinet d’experts en énergie évalue le nombre d’emplois directs à 2764 pendant la construction du projet, et à 203 en phase d’exploitation. Si l’apport au PIB de la province est estimé à 6,4 milliards de dollars sur 46 ans, soit 138 millions par année, aucune redevance n’est prévue à part les taxes municipales et autres charges fiscales, et le porte-parole du projet pour Transcanada, Philippe Cannon, a refusé de préciser à Ensemble quels sont les profits prévus par la compagnie pour ce projet de 12 milliards.

Début septembre, les groupes citoyens opposés au projet ont tenté d’obtenir une injonction pour empêcher la tenue des travaux, alors que ni Transcanada ni la Direction des sciences de Pêches et Océans Canada n’avaient fourni d’avis scientifique.

South-Portland s’oppose à l’exportation

Les autres projets d’exportation du pétrole albertain par oléoduc se heurtent à une féroce opposition. L’inversion de l’oléoduc Portland-Montréal s’est vu interdire définitivement en juillet par la municipalité de South Portland, deuxième port pétrolier en importance de la côte est américaine. En Colombie britannique, les communautés autochtones tiennent en échec le projet Northern Gateway d’Enbridge, et les citoyens des États-Unis ont jusqu’à maintenant empêché la construction du projet Keystone XL de Transcanada, auquel l’administration Obama retarde son autorisation depuis plusieurs mois.

Août 012014
 

«Je demande à Dieu de prendre sous sa protection l’œuvre des Caisses populaires, afin qu’elle inspire à ceux qui me remplaceront l’esprit dont ils doivent être animés», disait Alphonse Desjardins peu avant sa mort en 1920. Selon Cyrille Vaillancourt, gérant de la Fédération des Caisses populaires Desjardins, ce fut «sa dernière pensée». Dans la première édition d’Ensemble!, parue en 1940 (lire aussi notre autre texte), M. Vaillancourt démontre que, déjà à l’époque, le mouvement Desjardins était à l’avant-garde de la coopération financière dans le monde, et qu’il était un exemple pour les peuples aspirant à «l’indépendance économique». Nous republions aujourd’hui intégralement cet article paru dans cette revue officielle, ancêtre du journal Ensemble, en 1940. En voici tout d’abord quelques faits saillants.

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Juil 012014
 

En 1940, dans sa première édition, la revue Ensemble! s’amusait de la «furie ridicule qui s’est emparée de certains intérêts effrayés par la vogue montante du coopératisme». Le Conseil supérieur de la coopération venait de voir le jour et avait organisé son premier congrès annuel de la coopération. Nous republions aujourd’hui intégralement le premier article paru dans cette revue officielle, ancêtre du journal Ensemble. C’est un texte de Gérard Filion qui pose les bases du mouvement coopératif moderne, et qui est frappant d’actualité. En voici tout d’abord quelques faits saillants.

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Juin 132014
 
Trois-Pistoles — Un autobus blanc a déposé les enfants au bout du chemin. Les voilà qui dandinent entre les trous d’eau et qui me font des grands signes de la main, au loin. Parfois, l’autobus va jusqu’à remonter la longue allée pour les déposer au pied des marches de la galerie, lorsqu’il fait moins beau. C’est l’autobus du Transport collectif des Basques (TCB). Un ingrédient essentiel à ma vie «avec pas d’char».

Trop longtemps, je vous ai laissés sans nouvelles après le premier épisode de ce défi… mais ce temps-là a permis de mûrir les meilleures solutions pour le relever. Bientôt, je crois bien que je pourrai tenir parole et faire sortir de ma cour ce rutilant véhicule à essence qui m’a tant et si bien servi. Est-il possible de prendre l’autobus de la ville en campagne? Je l’ai testé pour vous.

Dans la plupart des régions du Québec, vivote un service de transport collectif. Souvent relié au transport adapté, comme ici, ou aux taxis, selon les ententes et les besoins du milieu, le transport collectif tente de briser l’isolement des personnes qui n’ont pas d’automobile, dans nos vastes espaces ruraux.

Réinvestissement dans le transport collectif

Avant de perdre les élections, le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire avait annoncé dans sa Stratégie de mobilité durable qu’il augmentait l’aide au transport collectif régional «pour la porter à 9,5 millions de dollars en 2014-2015 et à 40 millions pour l’ensemble de la période 2015-2020».

Ce jour-là – mémorable lundi 10 février – les enfants et moi avons pris notre carte du Transport collectif des Basques (TCB). Fierté et émotion.

Sur réservation

À mes amis du Mile-End, il a fallu que j’explique que non, il n’y a pas un autobus par 10 minutes qui passe dans mon rang. Il faut réserver un jour d’avance, et il n’est pas garanti qu’un transport soit disponible. La répartitrice tente d’organiser un transport sur demande, mais le service de transport adapté est prioritaire, et il faut avoir la chance de se trouver sur sa route.

En expliquant bien mon besoin à l’équipe créative du TCB, j’ai obtenu l’engagement d’un aller-retour par semaine entre ma maison et Trois-Pistoles, à 7 minutes de voiture, pour 5,50$. L’autobus transporte aussi les enfants au retour de l’école, parce qu’ils n’ont pas de transport scolaire l’après-midi (ils vont à l’école d’un village voisin, qui risquait de fermer, mais ça c’est une autre histoire…).

Vie urbaine

Une journée par semaine, j’adopte donc un mode de vie digne du Plateau: portable sous le bras, je prends l’autobus qui me dépose au «centre-ville», et je vais travailler au très branché café Grains de folie. Puis, je vais faire mon épicerie à la coop IGA, qui a accepté de livrer dans mon rang pour la modique somme de 10$.

Bien sûr, l’été, je fais tout ça en vélo, mais le TCB est essentiel le reste du temps, parce que le vélo d’hiver dans mon rang glacé, c’est un peu extrême.

Bon. Un transport par semaine, direz-vous, c’est tellement dix-neuvième siècle.

Même avec beaucoup d’organisation, de prévoyance et de patience, le TCB ne peut pas être ma seule solution, à moins de rester en transit plusieurs jours à Trois-Pistoles avant de prendre mon train, par exemple. Si pratique en cas d’urgence, le taxi reste hors de prix pour les besoins quotidiens.

Il faudra un système de covoiturage. Mais ça, c’est pour un prochain épisode…

Avr 012014
 

Veuillez noter que cet article, publié à l’occasion du premier avril 2014, est une fiction, tout comme plusieurs autres articles publiés dans les journaux ainsi que le veut la tradition. Au journal Ensemble, nous saisissons l’occasion pour utiliser exceptionnellement cette forme d’éditorial efficace et appréciée qu’est le canular. Les faits relatés n’ont donc pas eu lieu. Nous remercions les personnalités publiques réelles auxquelles le texte fait référence pour leur aimable compréhension.

Si le Parti québécois est élu, le prochain gouvernement Marois convoquera une assemblée constituante tirée au sort pour définir les institutions démocratiques du Québec souverain. À quelques jours du scrutin, le PQ tire encore de l’arrière dans les sondages et songerait à faire cette annonce fracassante qui «redonne le pouvoir aux citoyens». Selon les documents internes dont Ensemble a obtenu copie, l’Assemblée constituante sera créée dès ce printemps et son projet de Constitution sera automatiquement soumis au vote populaire six mois après le référendum sur l’indépendance, qui lui-même doit se tenir le 22 juin 2015.

«D’abord, on décidera qu’on se donne un pays, et ensuite on se donnera ensemble le système démocratique que les Québécois vont choisir pour ce pays, a expliqué Mme Marois, jointe par téléphone dans son autobus de campagne. Mais je tiens à ce que la longue démarche qui mène à l’adoption d’une nouvelle constitution soit entreprise dès maintenant. La campagne qu’on vient de vivre a démontré qu’on a cruellement besoin de rénover notre démocratie, même en tant que province, et on veut que le pays parte du bon pied. On veut un système qui soit aussi solide et démocratique que, par exemple, les coopératives.»

Une assemblée tirée au sort, comme un jury

Selon le Plan vers l’indépendance, document interne dont Ensemble a obtenu copie, l’assermentation des membres de l’Assemblée constituante doit se faire lors de la Journée nationale des Patriotes, et leur mandat doit prendre fin le 15 novembre 2015. On se rappellera que cette date est l’anniversaire de la première élection du PQ, en 1976. À la façon dont on sélectionne les jurés à la cour de justice, 150 Québécois représentatifs de la société, et sans conflit d’intérêts, seront convoqués à passer 18 mois à huis clos pour rédiger l’important document.

Une équipe de constitutionnalistes, d’historiens et d’observateurs indépendants accompagneront les travaux des délégués, leur fourniront de la documentation et éclaireront leurs décisions. «Avec les travaux réalisés par l’équipe de Claude Béland [qui présidait les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques du Québec], en 2003 sous le gouvernement Landry, nous avons déjà une bonne idée de ce que les Québécois souhaitent comme institutions», a déclaré le ministre sortant responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville.

À l’époque, les mille délégués avaient voté clairement en faveur d’un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale, du droit à l’initiative populaire (référendums déclenchés par les citoyens), de la séparation du pouvoir entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, des élections à date fixe, de la décentralisation des pouvoirs vers les régions, et de l’adoption d’une constitution du Québec (lire le rapport).

«Nous leur demanderons en plus d’établir un cadre pour garantir l’indépendance des médias et des journalistes, le financement de la presse indépendante et les conditions des journalistes indépendants, car c’est un domaine qui doit être dans la Constitution, a ajouté l’ancien journaliste. Une constitution, ça relève directement du peuple. C’est adopté par référendum et ça ne peut être modifié que par référendum, pas par un simple vote gouvernemental.»

Moratoire sur les grands projets

Les grands projets qui ont des impacts, de droite comme de gauche, seront mis sur la glace en attendant le résultat référendaire et la nouvelle constitution. «Cela vaut pour les projets pétroliers comme pour l’instauration d’un revenu minimum citoyen, a illustré M. Drainville, parce que c’est pas vrai qu’on va mettre le Québec souverain devant les faits accomplis. Les Québécois éliront le gouvernement qu’ils voudront dans leur nouveau Québec démocratique, et feront les choix de société qu’ils souhaiteront.»

Le projet de Constitution devra être prêt le 4 septembre 2015 pour que commence le débat public devant mener au vote du 15 novembre. Dès ce printemps, le gouvernement mettra à la disposition des citoyens une plateforme de vote électronique sécurisée qui servira à l’expression de l’opinion populaire pendant les deux campagnes référendaires.

Démocratie électronique et sondages

Des forums permettront l’émergence d’idées nouvelles, tandis que des sections de vote électronique permettront de prendre le pouls des citoyens beaucoup plus facilement et avec plus de fiabilité que par les sondages, qui depuis longtemps n’utilisent même plus d’échantillons «probabilistes». La clé d’accès à ce système sécurisé sera envoyée à chaque citoyen par le Directeur général des élections (DGE), en même temps que sa nouvelle carte d’identité nationale.

«Les sondages ne seront bien sûr pas interdits, assure le candidat péquiste Pierre-Karl Péladeau, dont les liens d’affaires avec la firme Léger sont bien connus, mais ils devront faire leurs preuves face à ce système beaucoup plus efficace. Chose certaine, les journalistes de Québecor, tels que je les connais, ne se contenteront de rien de moins que de la plus grande rigueur.»

Lors de cette brève entrevue en marge d’une allocution sur l’indépendance des médias communautaires à Trois-Pistoles, l’ex-magnat de la presse a évoqué l’idée qu’un réseau de télévision (il n’a pas précisé si ce serait TVA) crée un grand jeu télévisé ayant pour objet les meilleures idées pour le Québec indépendant, «peut-être en lien avec la Constituante», a-t-il laissé entendre.

Le tabou des Libéraux

S’il s’est dit «surpris que le PQ remette en question nos institutions politiques, issues d’une longue tradition démocratique», le chef libéral Philippe Couillard convient qu’une réforme du mode de scrutin est depuis longtemps dans le programme de son parti.

«Même s’il date du XIXe siècle, on ne voulait pas vraiment changer le système, parce que c’est ce même système qui nous permet de gagner les élections, et grâce à ses distorsions, nous allons encore reprendre le pouvoir cette fois-ci», a échappé la candidate libérale Christine St-Pierre, ajoutant que le PQ était du même avis jusqu’à nouvel ordre. «Je crois que c’est la panique qui les pousse à faire de telles promesses irréalistes», a-t-elle poliment suggéré.

Récupération électoraliste

Du côté de Québec Solidaire, on dénonce la récupération pure et simple. Le parti de Françoise David menace la réélection du PQ en attirant les voix de gauche dans plusieurs circonscriptions. «Ça fait des années que c’est dans notre programme, la Constituante, s’est exclamé le candidat Amir Khadir. Ce que je comprends, c’est que le PQ veut séduire nos électeurs à quelques jours de l’élection.»

Le Parti des sans-parti (auparavant connu sous le nom de Coalition pour la constituante), applaudit cette initiative, qui est au cœur de son propre programme. «Si le PQ est élu et concrétise cet engagement, nous pourrons enfin dissoudre notre parti, comme prévu», a indiqué le chef Frank Malenfant.

«Tirer au sort les délégués! ON n’y avait pas pensé, concède le chef d’Option nationale, Sol Zanetti. Ainsi, on évite une campagne partisane, des nominations corporatives, ou syndicales, et on fait l’indépendance. Ce plan est meilleur que notre programme!» M. Zanetti promet toutefois de surveiller de près le gouvernement péquiste, s’il est élu, pour que cet engagement se réalise.

Il n’a été possible de parler à aucun candidat de la Coalition Avenir Québec, dont plusieurs sont déjà partis dans le sud, et d’autres sont en arrêt de travail pour épuisement professionnel. «Ils se sont trop donnés!», a blagué la personne qui nous a répondu à la permanence nationale.

Mar 012014
 

Si le Québec était une démocratie digne de ce nom, l’entrée en politique de Pierre-Karl Péladeau serait un scandale. La candidature du propriétaire de Québecor pour le Parti québécois (PQ) n’a pas manqué de soulever un nuage de protestations ou d’acclamations, selon les allégeances. Au-delà de l’effet de la candidature-vedette sur la campagne péquiste, on dénonce une «berlusconisation»* du Québec, soit la collusion des médias et du gouvernement. Pourtant, dans notre soi-disant démocratie, avec une presse parmi les plus concentrées au monde, cette collusion existe depuis longtemps.

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Fév 012014
 

En 2014, les journalistes indépendants n’ont pas encore accès au «salaire minimum». En 2014, le secteur des médias est encore laissé entièrement aux lois du marché, donnant au financement publicitaire la priorité sur l’information. En 2014, deux corporations contrôlent 97% du tirage de la presse quotidienne au Québec, sans parler du quasi-monopole des hebdos régionaux. Ce contexte est-il propice à la bonne santé de notre société? Est-il de nature à nous permettre de faire face aux défis importants qui se dressent devant nous? À l’orée d’une crise financière, économique, écologique, sociale, politique, énergétique, qui informe le public, et dans quel intérêt?

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Jan 012014
 

L’éducation du public «est entre les mains des propriétaires des grands médias», dénonce Claude Béland en entrevue au journal Ensemble. Pourtant, c’est par l’éducation qu’il entrevoit le salut de la démocratie et le remplacement du modèle néolibéral actuel par la social-démocratie. C’est dire à quel point le défi est grand. Pour l’ancien président du Mouvement Desjardins, l’éducation de proximité, dans les familles, mais également dans les coopératives, mutuelles et autres entreprises d’économie sociale, devient un devoir dont dépend l’avenir de notre civilisation.

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Jan 012014
 
Occupation de la place d'Armes, 2011. - Photo: Nicolas Falcimaigne

La structure coopérative mise au service de la démocratie et du développement local et régional

La Coopérative de représentation populaire (Corep) est une structure de démocratie directe qui peut être mise en place unilatéralement par les citoyens. Elle vise à redonner aux citoyens l’influence sur leurs élus, tous secteurs et causes confondus, en réunissant une large base de membres et en tirant sa légitimité directement du citoyen et du territoire. C’est aussi une façon de financer et d’émanciper les régions: une structure de développement local ne peut prélever d’impôts sur son territoire, mais les membres d’une coopérative peuvent voter des frais annuels.

Contexte : Les élus répondant désormais davantage aux intérêts financiers corporatifs et individuels qu’à l’intérêt collectif de leurs commettants, il semble nécessaire de reprendre le contrôle en exerçant une influence directe sur eux. La récente Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme (2002) consacre cet état de fait et donne un cadre légal à l’exercice de l’influence corporative. Face aux grandes corporation qui exercent un lobby puissant fondé sur leur capital au service de leurs intérêts individuels, la défense du bien commun est morcelée en groupes de pression sectoriels qui ont peine à s’organiser entre eux pour faire front commun, car ils représentent eux-même des intérêts parfois divergents.

Besoin : Les coopératives sont des démocraties spécifiques, édifiées par des citoyens pour répondre à un besoin spécifique sur un territoire donné. Habituellement, elles ne sont pas politiques. Mais ici, le besoin est de nature politique. La Corep propose d’être une institution démocratique générale au service des citoyens, un contre-pouvoir rendu nécessaire par la faiblesse des institutions actuelles et la corruption qui les ronge.

Plus largement, cette structure prétend donc à une meilleure représentation démocratique que les institutions municipales, locales, régionales et nationales actuelles. La Corep vise à proposer un système démocratique alternatif, pouvant un jour remplacer les institutions actuelles si les citoyens le décident, ou éventuellement convoquer une Assemblée constituante qui élaborera de nouvelles institutions démocratiques, meilleures encore.

Services : Représentation des positions décidées par les membres (techniquement, c’est une coop «de consommateurs») en démocratie directe, auprès des élus locaux, et régionaux et nationaux par regroupement fédéré et confédéré. Accès à l’information publique et divulgation aux membres, organisation d’actions directes, tenue d’Assemblées générales fréquentes pour prendre position, etc.

Membres : Citoyens et citoyennes d’une juridiction municipale ou d’un regroupement de municipalités si la faible population le justifie. Plus simplement : population d’un territoire donné.

Parts sociales : Faible coût pour favoriser l’accès à ce pouvoir démocratique selon le principe d’égalité. Le tarif plancher, une part sociale de qualification (10$) peut permettre à la Corep de réunir rapidement un grand nombre de membres et un pouvoir de représentation important. La force du nombre permettra aussi un financement suffisant.

Frais annuels : Votés par les membres chaque année, les frais annuels sont l’unique opération financière des membres avec la coopérative pour répondre à leur besoin de représentation. Fixés pour permettre l’inscription de la Corep au Registre des lobbyistes, dans le cadre de la loi de 2002, et l’embauche de ressources humaines, les frais annuels devraient être proportionnels au revenu de chaque membre, conformément au principe d’équité et aux traditions de fiscalité progressive. Le pouvoir démocratique exercé par la coopérative sur son territoire auprès de ses élus dépend de sa représentativité, donc du nombre de membres, mais également de sa capacité financière à recruter, à encadrer et à rémunérer des ressources humaines permettant l’exercice d’une influence efficace.

Démocratie participative de proximité : la Corep est locale, pour permettre la tenue d’assemblées générales et l’exercice d’une démocratie participative de proximité, aussi souvent que nécessaire.

Suffrage universel direct : les représentants des membres sont élus au suffrage universel direct, à tous les niveaux. Si elles sont un jour fédérées, les Corep auront à élire des représentants à la fédération régionale ou à la confédération nationale. Ces représentants doivent être élus par tous les membres de toutes les Corep regroupées. L’élection de la présidence, porte-parole de la Corep, de la fédération ou de la confédération, et «lobbyiste» en titre, doit aussi être spécifiquement faite au suffrage universel afin de conférer à ce poste une légitimité au moins aussi grande que celle des élus.

Intercoopération : La Corep fera prioritairement appel à des coopératives pour répondre à ses besoins.

Déc 062013
 

Mille douze kilomètres de vélo vers l’identité et le renouveau. Mélanie Carrier et Olivier Higgins ont tourné la caméra dans la plaie originelle pour découvrir qu’un autre Québec est possible. Parcourant les communautés des Premières Nations, de Kanehsatà:ke à Natashquan, en passant par Pessamit et Maliotenam, le duo réalisateur a dessiné les contours indéfinis de la Québékoisie, un espace entrevu, souhaité, rêvé, où les peuples fondateurs et les nouveaux arrivants des derniers siècles se retrouveront ensemble pour construire l’avenir. L’espoir et l’étonnement côtoient la réalité dans ce documentaire routard captivant.

«La vie ne réside pas dans les molécules, mais dans les liens qui les unissent entre elles.» La citation du chimiste et physicien Linus Pauling annonce dès le lever de rideau que l’intention du film est de tisser des liens entre des réalités qu’on a coutume de considérer comme distinctes. Et pour cause: les Québécois ont l’habitude de parler des Premières Nations comme s’ils n’en faisaient pas partie. «Nous autres, eux autres.»

«C’est comme mal vu de fêter la Saint-Jean ici. Mais avec Harper, on préfère être Innus.» – Isabelle Kanapé, Innue de Pessamit, ici avec la coréalisatrice Mélanie Carrier.
Photo: MÖ films

Racines oubliées

Pourtant, au moins la moitié des racines des Québécois sont autochtones. C’est ce qu’explique la démographe Hélène Vézina, qui complétait au moment du tournage une étude sur le génome des Québécois. Elle a voulu connaître la contribution amérindienne au pool génétique canadien-français. «Pour les quatre régions [étudiées], c’est au moins 50%, et c’est dans la région de Montréal que c’est le plus élevé: on atteint presque 85%, explique-t-elle. Plus de la moitié des gens ont au moins un ancêtre amérindien dans leur généalogie.»

Intéressante est la définition du Canadien-français pour les fins de l’étude: «c’est quelqu’un qui a au moins une partie de ses ancêtres qui sont des immigrants venus sous le régime français», précise Mme Vézina. Voilà qui replace les choses en perspective.

Le film met en scène des situations inattendues, comme la quête de Marco Bacon, de l’Université du Québec à Chicoutimi, qui se rend jusqu’à Caen en France pour retrouver ses ancêtres français. L’Innu affirme que sa recherche jette un froid dans son entourage, car certains ne sont pas prêts à accepter leur métissage avec des Blancs.

«La vérité choque» – Malcom Riverin, Innu de Pessamit
Photo: MÖ films

On a tué la mémoire

Le déni est aussi du côté des descendants d’immigrants du régime français. L’anthropologue Serge Bouchard, qui ponctue le film de ses analyses, dénonce la «chape de silence qui va s’établir autour de nos origines métisses, de nos exploits métisses, de notre grandeur métisse», notamment par le contrôle du clergé. «C’est une vaste nouvelle nation métisse, l’Amérique. Mais on va l’assassiner, cette nation-là. On va l’assassiner dans notre culture, dans notre mémoire, on va nous anesthésier, on va euthanasier le Métis. Ça n’a pas existé. Partout en Amérique, il y a eu ce métissage.»

«La vraie question à poser, poursuit-il, c’est: pourquoi nous ne l’avons jamais su? Et pourquoi les Indiens ne savent pas jusqu’à quel point eux-mêmes sont métissés? Et comment les Canadiens-français, qui sont devenus des Québécois, ne savent pas à quel point ils sont métissés. Ça c’est la vraie question. Où est-ce qu’on s’est séparés? Où est-ce qu’on a tué la mémoire? Et où est-ce qu’on a rompu avec nos souches territoriales et historiques amérindiennes?»

«Je me reconnais plus dans les cultures amérindiennes de l’Ouest ou des États-Unis qu’en la religion catholique.» – Eruoma Awashish, peintre atikamekw
Photo: MÖ films

Le drame qui rassemble

Les images d’archives de la Crise d’Oka qui ouvrent le film ne sont pas qu’une introduction: on y rencontrera la sœur du caporal Lemay, abattu pendant l’escarmouche de la pinède. À travers son témoignage, on découvre une fascinante conversion. Peu au fait des Premières Nations, comme la vaste majorité des Québécois, elle a été plongée au cœur de la question par le drame qui a coûté la vie à son frère.

Francine Lemay est devenue un symbole de réconciliation. Poursuivant sa quête de connaissances jusqu’au bout, elle est allée à la rencontre des peuples autochtones, jusqu’à traduire un livre d’histoire mohawk, bénévolement. Ses recherches l’ont menée à identifier des ancêtres mi’kmaq, hurons et algonquins, et à la conclusion qu’elle pourrait avoir sa carte d’Indien! Le caporal Lemay a été tué par l’un des siens. L’un des nôtres, se dira le public.

La Québékoisie

Ce ne sont que quelques tableaux d’un saisissant parcours identitaire, qui mène les spectateurs à traverser la Québékoisie. La quoi? «C’est un espace pour nous, sans politique, qui a des frontières très floues, très vagues, explique la coréalisatrice Mélanie Carrier. C’est un immense territoire où il y a des animaux qui courent, des rivières qui coulent, où il y a plusieurs peuples qui cohabitent. C’est un peu l’utopie, le rêve que ces peuples-là aient envie de danser ensemble à nouveau.»

Pour le coréalisateur Olivier Higgins, cette utopie existe bel et bien. «On l’a sentie en parcourant la route, en rencontrant des gens qui vivent au quotidien et en prenant le temps de discuter avec eux. Cette utopie-là existe d’une certaine façon.»

Anne-Marie et Evelyne Saint-Onge, Innues de Maliotenam, organisent des ateliers dans les écoles partout au Québec avec leur sœur Fernande, pour présenter la culture ancestrale.
Photo: MÖ films

Immigration et Charte des valeurs

«Notre avenir, épilogue Serge Bouchard, c’est non seulement de récupérer nos liens avec les Premières Nations, mais que les Autochtones eux-mêmes redeviennent fiers, que nous on devienne fiers de danser avec eux. C’est exactement le même raisonnement avec l’immigration.»

Pour Mélanie Carrier, il est tout simplement indécent d’exclure les Premières Nations du débat identitaire qui fait actuellement rage autour de la Charte. «Si on parle de « valeurs québécoises », je trouve ça vraiment dommage qu’on n’entende jamais parler de l’apport des Premières Nations à la culture québécoise, en reconnaissant aussi leur culture à eux, et en la valorisant. On cohabite ensemble. Et on fait comme ignorer cette présence-là. Pour moi, c’est inacceptable.»

«Les ancêtres nous permettent de comprendre l’histoire, mais la communauté nous aide à la bâtir» – Marco Bacon.

Québékoisie a pris l’affiche au Cinéma Cartier de Québec jusqu’au 9 janvier.