Fév 062024
 

Certains se souviendront du journal Ensemble !, publié dès les années 1940 sous la direction de Georges-Henri Lévesque, et qui était le journal des coopératives et du coopératisme au Québec. Ceux qui ont été présents l’an dernier à la Conférence internationale Quel projet de société pour demain ? à Lévis ont tenu dans leurs mains les premières éditions d’un nouveau journal Ensemble, publiées quotidiennement par une équipe de bénévoles.

Ces jeunes coopérateurs motivés ont fondé la Coopérative de journalisme indépendant, avec l’appui de leurs deux co-présidents d’honneur, Claude Béland et Raymond Corriveau. C’est dans le cadre de la journée On change de modèle, du Forum international de l’économie social et solidaire (FIESS) que Gérald Larose, président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, a procédé au lancement officiel du nouveau journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, lundi dernier.

Gérald Larose, président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, présente le journal Ensemble aux 250 participants à la journée On change de modèle, du Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS):

Ce journal a pour mission de redonner aux citoyens accès à une information de qualité, notamment sur la coopération, les coopératives, les mutuelles, l’économie sociale et solidaire. Pour Raymond Corriveau, co-président d’honneur, « ce que ça nous permet de faire, c’est de retrouver l’essentiel de l’espace public. Pas l’espace concentré, mais l’espace public, avec ses différentes idées, discussions, débats, ensemble, on arrive à créer une intelligence collective. »

Raymond corriveau, co-président d’honneur, présente le journal Ensemble:

Formés en coopérative, ils invitent tous les citoyens et organismes à participer, à devenir membres, à s’abonner, à annoncer dans les pages d’Ensemble. Ce qui est important, « c’est l’économie solidaire qu’on crée grâce aux coopératives, souligne Claude Béland, co-président d’honneur. Cette économie-là est une alternative au désastre actuel du système dominant. Donc c’est très important que le réseau, lui, vive ensemble. » Soutenir le développement de ce médium, c’est permettre au projet de société coopératif de rejoindre le plus large public possible, vers l’Année des coopératives en 2012, et plus loin encore !

Parce qu’ensemble, on va plus loin.

Claude Béland, co-président d’honneur, présente le journal Ensemble:

 

Déc 192016
 

Les patates en poudre, on n’en parlera plus après Noël. Les être humains qui peuplent les CHSLD continueront de manger de l’austérité, bien sûr. Mais pour nous, le grand public, cette poudre aux yeux n’aura pas fait long feu.

Il faut donc, avant qu’il soit trop tard, que je vous raconte mon anecdote de patates en poudre, qui s’est passée à l’aéroport de Mirabel – qui a pris sa retraite et qui probablement se nourrit très mal depuis ce temps-là.

J’avais seize ans. Loin, très loin de l’âge de ceux et celles que l’État nourrit mal aujourd’hui. Et pourtant, j’avais fui cette contrée. J’étais retourné aux sources puiser mon éducation à la France natale de mes parents. Entre autres parce que le système d’éducation d’ici est très, très, malade. Comme celui de la «santé».

Ma maman, qui était née vraie Parisienne mais qui ne l’était plus, avait elle aussi fui sa contrée bourgeoise pour vivre au Québec cette vie plus libre et plus simple que sa famille n’a jamais bien comprise.

Elle a donc suivi mon papa, ce bohème issu des quartiers populaires en quête d’une vie trépidante, et ce duo improbable a mis le pied en Amérique.

Ma maman aimait autant le Québec qu’elle détestait le Tout-Paris. De temps à autre, elle était tout de même en proie à d’indicibles relents de nostalgie, qui lui faisaient dire qu’ici, il n’y a pas de vrai fromage, ou qu’ici, il n’y a pas de vraie bière. Je caricature à peine: c’était les années 80. Le désert alimentaire.

La décennie d’après, j’étais donc en train de préparer mes bagages pour rentrer à la maison après une année de lycée très français et très classique, quand soudain, le téléphone sonne de cette sonnerie exotique européenne. Fébrile au bout du fil, ma maman me demande de lui rapporter quelque chose de précieux. Quoi? Du champagne? Du foie gras? De la mimolette? Non.

Elle me demande de lui rapporter de la purée Mousline, saveur de sa jeunesse. Aucune idée de ce que c’est. Ma tante m’instruit. C’est une purée de pommes de terre lyophilisée, vendue en épicerie.

Et nous voilà dans les rayons du magasin E. Leclerc. La purée Mousline se vend en boîte de carton. Chaque boîte contient des sacs aluminés contenant la précieuse et mystérieuse substance.

Alors je débarrasse le produit de sa boîte en carton, et je place soigneusement les sacs aluminés dans ma valise. Puis, je prends l’avion, dégustant l’ivresse du retour dans ces terres de liberté sauvage et capitaliste.

En débarquant du transbordeur (pour les ceusses qui n’ont pas connu Mirabel, cet aéroport d’avant-garde, il s’agit des autobus-ascenseurs qui nous embarquent pour une virée sur le tarmac et nous hissent vers la porte de l’avion ou inversement), je me hâte vers ces guichets de plastique jaune moulé que hantent les constables des douanes en quête de votre passeport pour l’étamper soigneusement.

«Rien à déclarer?» Je suis toujours fébrile à ce moment-là. Jamais rien eu à ne pas déclarer, mais n’empêche que c’est intimidant. Je tends mon passeport en affectant un air assuré et le récupère aussitôt, intact et tamponné.

Je me dirige vers l’attente interminable de la valise. Chose rare, le bagage arrive rapidement. Ne me reste plus qu’à rejoindre la maman qui m’attend de l’autre côté du corridor. Je sais qu’elle est là: elle m’a envoyé la main du haut de l’étage où la baie vitrée donne à voir les arrivées aux badauds.

«Please follow me.» Mon anglais approximatif de l’époque ne me fournit pas grand souvenir du propos du douanier, sauf qu’il m’a parlé en anglais dans les deux langues officielles et que j’étais pétrifié.

Il me fait ouvrir ma valise. Stupéfaction. Un des sacs d’aluminium s’est ouvert pendant le voyage; voilà toute sa cargaison de poudre de patates qui jonche mes vêtements. Plein de belle poudre blanche répandue dans ma valise.

C’est toute une surprise pour moi, car je n’avais aucune idée de la matière qui se cachait dans les sacs en miroir qui n’avaient daigné refléter que mon visage quand je les avais examinés avant de partir. Je m’inquiète d’abord pour mes vêtements et pour la perte de patates que cela représente pour ma maman. Voilà un beau gâchis.

Mais en tournant mon regard vers le sévère douanier, je comprends que son souci est tout autre. Ha ha! Bien sûr, des sacs en aluminium qui contiennent de la poudre blanche. C’est suspect!

«It’s potatoes», que je lui dis. «Taste it! Taste it!»

Le ridicule de la situation m’arrache un rire nerveux. Va-t-il me croire? Vais-je finir la journée – ou ma vie- en prison?

Il affecte un mouvement de recul. Toujours il me toise de son œil impassible. Alors je prends un peu de poudre blanche dans ma main et je la goûte devant lui. «Trust me, it’s potatoes. Want some?»

Il n’a pas goûté. Il a fermé ma valise et me l’a rendue, puis il m’a raccompagné vers la sortie.

Je pense qu’il s’est moqué de moi. Il savait bien que c’étaient des patates en poudre. Sinon, ses chiens auraient réagi.

Je pense qu’il s’est moqué de moi comme se moque de nous ce gouvernement. Ce gouvernement se moque de nous tous, et de ma mère qui, un jour, devra bien recevoir des soins, et donc, des patates en poudre?

Ils se moquent tellement qu’ils font des spectacles où le ministre Barrette déguste à nos frais des repas de CHSLD sous les projecteurs. Bientôt, va-t-on nous offrir à voir la baignade du ministre des Ressources naturelles dans un lac minier contaminé, ou le mois du ministre de la Solidarité sociale avec 399 $ dans ses poches?

Une infime fraction de l’argent qui s’envole dans les paradis fiscaux, dans les valises des plus riches, pourrait payer de vraies patates bio et des grands cuisiniers à tous les CHSLD.

Avec une taxe de 1 % sur les profits des banques, on pourrait offrir l’éducation gratuite.

De raisonnables redevances minières nous vaudraient un système de transport rapide entre les régions du Québec.

Mais ce gouvernement se moque de nous.

Parce que ce gouvernement ne travaille pas pour nous.

Avr 012016
 

 

Veuillez noter que cet article, publié à l'occasion du premier avril 2015, est une fiction, tout comme plusieurs autres articles publiés dans les journaux ainsi que le veut la tradition. Au journal Ensemble, nous saisissons l'occasion pour utiliser exceptionnellement cette forme d'éditorial efficace et appréciée qu'est le canular. Les faits relatés n'ont donc pas eu lieu. Nous remercions les personnalités publiques réelles auxquelles le texte fait référence pour leur aimable compréhension.

Après Philippe Couillard, qui s’est fermement opposé à l’exploitation pétrolière sur Anticosti, c’est au tour du premier ministre fédéral de prendre le virage vert. Entouré de Catherine McKenna, ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada, et de MaryAnn Mihychuk, ministre de l’Emploi, du Développement de la main d’œuvre et du Travail, Justin Trudeau a annoncé la reconversion des sables bitumineux en un «vaste chantier de réparation de la planète».

Hier en fin de journée, le premier ministre a tenu une conférence de presse extérieure dans un endroit reculé, d’où journalistes et dignitaires ont pu admirer un splendide coucher de soleil à travers les cheminées et les rejets polluants de Fort McMurray. «Le crépuscule se couche sur l’industrie pétrolière» [sic], a-t-il déclaré, le visage baigné de lumière dorée.

Le plan de transition remis aux journalistes prévoit la transformation de la région en vastes champs de culture de chanvre permettant de «redonner son originale vocation à Les Prairies, [sic] a précisé M. Trudeau, comme un vert paysage de la paix et de prospérité». Le Premier ministre a expliqué que le coût de restauration des sites contaminés est hors de portée des compagnies pétrolières, surtout depuis l’effondrement du prix du pétrole. «Nous avons donc forcé les grandes pétrolières à former une grande coopérative de la solidarité : la Coop de solidarité du chanvre canadien. Ce type de coop est basé même sur un modèle québécois, [sic] a-t-il clamé, ne cachant pas sa fierté. Elles lui en cèdent sans frais tous leurs actifs albertains et elles lui deviennent simples membres-producteurs.» [sic]

Les installations pétrolières seront reconverties et le personnel sera invité à devenir membre-travailleur. Tous les Canadiennes et les Canadiens pourront également devenir membres-consommateurs et bénéficieront ainsi de prix sur les produits. Les entreprises de culture ou de transformation pourront aussi devenir membres-producteurs.

Le chanvre sera de la variété Cannabis Sativa, destiné aux industries de la fabrication et de l’alimentation. Ce dernier a une faible teneur en Tétrahydrocannabinol (THC), agent psychotrope. «D’autres régions du pays seront consacrées à la culture du Cannabis Indica, la marijuana qu’on la connaît bien et qui le contient du THC» [sic], a rassuré le Premier ministre.

La ministre McKenna a déclaré pour sa part que la culture du chanvre capte cinq fois plus de dioxyde de carbone dans l’air qu’une surface de forêt équivalente. «Convertir toute la superficie des sables bitumineux à la culture du chanvre permettra non seulement de décontaminer le sol, mais surtout de retirer rapidement un grand volume de carbone de l’atmosphère, ce qui constitue notre priorité face aux changements climatiques.»

Le chanvre récolté et le carbone qu’il contient seront ensuite transformés en matériaux durables, fabriqués à même les installations de l’industrie pétrolière reconverties. «Les différents plastiques de chanvre peuvent remplacer toute la production de l’industrie pétrochimique, tandis que les matériaux de construction comme le béton de chanvre et les autres isolants révolutionneront le secteur du bâtiment», a ajouté sa collègue Mme Mihychuk. Cela représente, selon elle, des milliers d’emplois qui viendront remplacer ceux de l’industrie pétrolière.

C’est un géant de l’industrie qui aurait pris l’initiative du plan, a-t-on appris. La pétrolière française, dont le principal actionnaire privé est québécois, évoque une stratégie d’affaires. «Le pétrole, c’est du passé, affirme son représentant sur place. On en a tiré tout l’argent qu’on a pu pendant que le public pouvait encore le tolérer. Il s’agit maintenant de réparer la planète. Il faut prendre le marché d’assaut alors que la plupart des états américains n’ont toujours pas autorisé la culture du chanvre et que le Canada dispose déjà d’infrastructures de transformation.» En effet, le Québec et le Manitoba produisent déjà des aliments à base de graines de chanvre.

Nov 182015
 

Voilà qu’un bref aperçu de la violence quotidienne du reste du monde frappe au cœur de l’Occident. Aussitôt, se referment les frontières. Sur ces frontières qui nous séparent de l’autre, qui protègent notre bien commun, mais surtout individuel, sur ces frontières se déploient les douaniers, la police ou l’armée à qui l’on a délégué la violence. Nous leur avons confié la violence avec laquelle nos ancêtres protégeaient autrefois la propriété, celle dont l’autre est privé, et dont il pourrait s’emparer en utilisant la violence. Violence et propriété forment un couple parfait, tout comme leurs enfants terribles: le capitalisme et la guerre.

Ce lien entre la violence et la propriété a été souligné par Léon Tolstoï à la fin du dix-neuvième siècle. Au milieu des guerres sanglantes de cette époque s’est imposé le capitalisme, ou autrement dit l’exploitation des humains et de la nature pour maximiser le rendement sur le capital investi. Depuis, le capitalisme et la guerre n’ont cessé de se «perfectionner», l’un investissant dans l’autre, et l’autre se nourrissant de l’un.

Profit sur le pétrole pour lequel on fait la guerre, profit sur les bombes jetées sur les rebelles, profit sur les armes vendues aux rebelles, profit sur les drapeaux et sur les cercueils des militaires, profit sur l’équipement de sécurité accrue dans les aéroports, profit sur le transport des soldats, des rebelles et des réfugiés, profit sur la prime d’assurance du gratte-ciel, profit sur les vivres distribués par les organisations humanitaires, profit sur les terres qui les ont produits et dont les populations ont été chassées, profits sur les médias aux cotes d’écoute gonflées par l’horreur… Profit sur les causes, profit sur les conséquences: toujours, le capital profite, et l’humain crève.

Le capitalisme est la violence. Le «bénéfice» que l’investisseur tire de son investissement n’est rien d’autre qu’un vol qualifié: c’est le fruit confisqué du labeur de chaque humain qu’il exploite, c’est l’eau potable de chaque rivière qu’il pollue et dont il prive les générations futures, c’est l’océan vide, acide et radioactif dont plus personne ne pourra pêcher le poisson, c’est la forêt sans arbres volée à sa biodiversité disparue à jamais.

La révolution industrielle a donné des moyens infinis à la cupidité humaine et a solidement installé au sommet des valeurs capitalistes la propriété. Depuis le dix-neuvième siècle, le pouvoir ne vient plus de la noblesse héréditaire, il vient de la propriété. Pourtant, c’est aussi en plein cœur de la révolution industrielle que naissait déjà l’alternative discrète qui forme aujourd’hui les bases du monde destiné à remplacer le capitalisme, et peut-être la violence qui vient avec.

Cette autre voie n’est pas le communisme: le vingtième siècle nous a bien appris, millions de victimes à l’appui, que l’État ne peut gérer la totalité sans devenir… totalitaire. Non, l’alternative qui se développe depuis 150 ans au sein même de nos économies de marché, c’est la coopération. Les coopératives testent depuis plus d’un siècle leur capacité à remplacer le capitalisme dans tous les secteurs: agriculture, finance, commerce de détail, fabrication, restauration, culture, énergie, infrastructures, habitation, santé, information, éducation, etc.

En 150 ans, nous avons eu le temps de connaître les pièges à éviter. Dans certains secteurs bien connus, les coopératives et les mutuelles ont grandi à un point tel qu’elles se sont éloignées de leurs valeurs premières. Leur taille les a amenées à agir comme des entreprises capitalistes. Certaines le sont même devenues, confisquées par leurs membres présents, trahissant leurs membres passés et futurs, elles sont passées sous propriété privée. La création de la propriété est un vol.

La paix passe-t-elle par l’abandon de la propriété? Quand un bien n’a plus de propriétaire, à qui les voleurs peuvent-ils bien s’attaquer? Quand un bien ne peut être vendu, pourquoi les spéculateurs s’y intéresseraient-ils? Paradoxalement, la meilleure façon de protéger un patrimoine, c’est donc de cesser de le posséder et d’en confier l’administration à cette «démocratie de proximité» qu’est la coop.

Les coopératives d’habitation en sont un bon exemple: les membres ne peuvent vendre l’immeuble et se séparer le produit de la vente, car des générations de membres passés ont entretenu ce bien collectif pour qu’il soit utilisable par les générations de futurs membres. Le droit des membres est un droit d’utilisation, et on ne peut en priver les membres futurs. L’utilisation d’un bien, n’est-ce pas tout ce dont on a besoin? C’est le principe de toute coop: répondre à un besoin.

Selon la Confédération québécoise des coopératives d’habitation, il existe au Québec 1300 coops d’habitation, qui comptent plus de 30000 logements. Environ 60000 personnes vivent ainsi à l’abri de la spéculation et gèrent démocratiquement des actifs de 1,5 milliard $.

S’inspirant de ce principe, un nombre croissant de communautés poussent la logique encore plus loin en plaçant leurs terres, leurs maisons ou leurs infrastructures sous fiducie. Ces fiducies foncières, dont la gestion est souvent confiée à une coopérative, protègent la vocation du bien et prévoient les droits d’utilisation. D’autres formes d’autogestion apparaissent un peu partout dans le monde.

Petit à petit, la multiplication de ces initiatives crée, très concrètement, un monde sans propriétaires. Ce monde pourrait bien être aussi un monde sans violence, sans réfugiés et sans frontières.

Août 072015
 

Ce que nous donnent à lire les médias de masse cette semaine, sept décennies après le premier bombardement atomique d’Hiroshima, fait encore une large place à la propagande de l’époque: le président américain aurait épargné la vie de centaines de milliers de soldats américains, face au refus du Japon de capituler. Si toutes ces justifications ne sont pas nécessairement fausses, on sait depuis l’ouverture des archives en 1995 qu’elles n’ont pas pesé lourd dans la balance en regard de l’occasion unique pour les USA de démontrer leur force de frappe nucléaire, à l’aube de la Guerre Froide.

Nombreuses sont les sources qui permettent de démonter la version officielle encore véhiculée par de grands médias américains. Il suffit pourtant de consulter le tout aussi officiel rapport de la Central Intelligence Agency (CIA), signé par Douglas J. MacEachin en décembre 1998, pour connaître le fond de l’histoire.

C’est à la Conférence de Potsdam sur la fin de la guerre, le 16 juillet 1945, que le président Truman a été informé de la réussite du premier essai nucléaire au Nouveau Mexique. Dans l’entourage du président, cette information ne représentait toutefois qu’une formalité. «À toutes fins utiles, la décision d’utiliser l’arme nucléaire contre le Japon avait déjà été prise au moment où le président est arrivé à Potsdam», précise le rapport de la CIA.

Les discussions entre Truman et ses proches conseillers portaient alors sur la possibilité de disposer de l’arme avant que l’URSS entre formellement en guerre contre le Japon, le choix de la première cible, le contenu de ce qui deviendrait la Déclaration de Potsdam et celui du discours présidentiel qui devait suivre le premier bombardement. «Il n’existe toutefois dans ces discussions aucune référence explicite au développement de la défense japonaise comme étant un facteur, et aucune indication que cette menace ait influencé les actions entreprises.»

La décision était donc déjà prise lorsque, le 26 juillet 1945, les Alliés ont lancé un ultimatum aux dirigeants japonais: le Japon était sommé de capituler sans condition, avant que ne s’abatte sur lui «une puissance infiniment plus grande que celle qui a dévasté l’Allemagne». Plusieurs termes ont été ajoutés à la déclaration, imposant la condamnation des criminels de guerre, l’occupation militaire, le paiement de réparations, le démembrement de l’Empire nippon et le désarmement complet.

Dans la déclaration de Potsdam, rien n’a été spécifié sur le sort de l’Empereur, malgré le fait que les Alliés aient été depuis longtemps au courant de l’importance de l’Empereur pour le Japon. Selon certains, comme le Secrétaire de la guerre Henry L. Stimson, le fait d’introduire une clause garantissant au moins implicitement la conservation de l’Empereur aurait entraîné une capitulation plus rapide du Japon, qui aurait épargné non seulement la vie des soldats américains mais aussi celle des civils japonais. M. Stimson avait d’ailleurs fait cette proposition, qui n’a pas été retenue.

Dans son discours du 9 août 1945, le Président Harry S. Truman justifia l’utilisation de la bombe atomique par la nécessité de venger Pearl Harbor, le traitement des prisonniers de guerre et la violation des «lois internationales de la guerre», ainsi que par l’urgence de terminer la guerre pour la survie des soldats américains. Dans les faits, Truman venait plutôt d’avancer sa première pièce sur l’échiquier de la Guerre Froide, en fauchant des centaines de milliers de vies civiles.

Août 012015
 

Ce que nous donnent à lire les médias de masse cette semaine, sept décennies après le premier bombardement atomique d’Hiroshima, fait encore une large place à la propagande de l’époque: le président américain aurait épargné la vie de centaines de milliers de soldats américains, face au refus du Japon de capituler. Si toutes ces justifications ne sont pas nécessairement fausses, on sait depuis l’ouverture des archives en 1995 qu’elles n’ont pas pesé lourd dans la balance en regard de l’occasion unique pour les USA de démontrer leur force de frappe nucléaire, à l’aube de la Guerre Froide.

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Avr 222015
 

Trois jeunes femmes se sont enchaînées aux installations de la raffinerie Suncor, le 7 octobre 2014, pour s’opposer au projet d’inversion de la ligne 9B d’Enbridge, destiné à acheminer du pétrole albertain vers l’Est. Cet acte remarqué est l’un des nombreux moyens employés par les citoyens pour faire pression sur les gouvernements. Austérité, hausse des tarifications, exploitation des ressources naturelles, développement énergies fossiles, ces politiques publiques et bien d’autres ont en commun de placer les intérêts de l’industrie avant celui des citoyens, le capital avant l’humain. Et pourtant, ce sont les communautés humaines qui en subissent les impacts pendant que l’industrie s’enrichit. Que faire quand l’État, «bon père de famille» qui devrait nous représenter et nous protéger, au contraire nous fait violence? C’est la question que se posent un nombre grandissant de personnes. Plusieurs se tournent vers la désobéissance civile.

Il n'est pas surprenant que l'intérêt des citoyens soit mal représenté par ce système «démocratiquement infect», comme le disait le premier ministre René Lévesque. En 1976, lors de son arrivée au pouvoir, le Parti québécois avait prévu une dizaine de réformes en profondeur qui auraient pu faire du parlementarisme britannique un réel système démocratique. Seule la moitié de ce programme a été mise en œuvre, laissant sur la glace les principales réformes: initiative populaire, élection du chef d'État au suffrage universel, décentralisation des pouvoirs, scrutin proportionnel et élections à date fixe.

L'illusion démocratique

En 2003, les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, présidés par Claude Béland à l'initiative du gouvernement Landry, ont réaffirmé l'urgente nécessité de ces réformes et le consensus écrasant en faveur de celles-ci. Le Rapport Béland a été relégué aux oubliettes par tous les gouvernements qui se sont succédés depuis.

Impossible, semble-t-il, de convaincre les élus de changer le système qui les a portés au pouvoir. Des citoyens, autour de Roméo Bouchard et de l'auteur de ces lignes, créent un parti destiné à prendre le pouvoir pour déclencher une Assemblée constituante et poser les bases d'une vraie démocratie. La Coalition pour la constituante intéresse des milliers de personnes à travers le Québec, mais ne récolte guère de suffrages, faute de capitaux nécessaires à la promotion à grande échelle et de la couverture médiatique qui détermine bien souvent l'issue du scrutin.

Les médias sont sous le contrôle d'une poignée de conglomérats qui, selon l'expression de Noam Chomsky, professeur au MIT, établissent l'agenda politique («agenda setting») en fonction des intérêts de la classe financière. C'est ce qui fait dire à Hervé Kempf, journaliste et auteur français, que notre soit disant démocratie est une illusion qui permet à une oligarchie d'exercer le pouvoir réel.

Notre démocratie a-t-elle été détournée au profit des plus riches? C'est ce que croit l'auteur et polémiste Victor-Lévy Beaulieu, qui signait en 2013 Désobéissez!. «Nos institutions dites démocratiques ne sont plus que des caricatures et ne se réformeront pas d'elles-mêmes», résume-t-il en lançant un vif appel à la désobéissance civile.

Au moment d'écrire ces lignes, le projet de loi fédérale C-51 menace de criminaliser les groupes citoyens et les moyens de pression qu'ils utilisent. Placées au pied du mur, les populations se tournent vers le moyen ultime. Michel Chartrand et Henri-David Thoreau avant-lui ne disaient-ils pas que quand l'injustice est loi, «la place de l'honnête homme est en prison»?

Désobéir pacifiquement

Quelle est cette désobéissance civile à laquelle les peuples sont conviés par la faillite de leurs institutions démocratiques? Les médias de masse l'assimilent souvent, à tort, à des actes de vandalisme ou de violence, à l'opposé des principes mis en place en 1906 en Afrique-du-Sud par Gandhi. «La désobéissance civile, disait-il, pour être civile, elle doit être non violente.»

«La désobéissance civile demeure d'abord non militaire, dans ce sens-là elle est civile, et civile dans le sens de civilité, c'est-à-dire qu'elle continue d'adhérer aux principes de base que la vie en société repose sur des règles», précise le militant Philippe Duhamel, qui organise des formations en désobéissance civile partout au Québec et déploie l'initiative Schiste 911 depuis quatre ans. «C'est justement parce que la loi est un outil essentiel que la décision d'enfreindre la loi est prise avec la plus grande conscience, la plus grande considération.»

Puisqu'elle est une infraction à la loi, la désobéissance civile est paradoxalement définie par les gouvernants. «Un geste qui la veille peut être parfaitement légal, comme par exemple manifester à 50 personnes sans devoir annoncer un itinéraire, illustre Philippe Duhamel, peut le lendemain matin, sous le coup d'une loi spéciale, devenir un acte de désobéissance civile.»

Selon M. Duhamel, un acte de désobéissance civile doit aussi être «commis en toute conscience pour des raisons ressenties comme profondément morales», et par une personne qui «désobéit publiquement à une loi et qui en assume les responsabilités». Un acte de désobéissance civile efficace doit être un acte planifié, fondé, public et assumé.

Il déplore que les actions ne soient souvent pas assumées jusqu'au bout. «L'étape cruciale où les gens qui, étant intimés de se retirer, refusent» est souvent évitée. «Ce qu'on a vu le plus souvent, c'est que la police arrive, il y a un temps de négociation et les gens partent.» Après les arrestations de masse du mouvement étudiant de 2012, il fait remarquer que la mobilisation entourant les procès a eu pour objectif de faire acquitter les accusés. «Dans la tradition de la désobéissance civile on va plutôt dire "je l'ai fait, et voici pourquoi"».

Un équilibre fragile

La réalité décrite par Simon Van Vliet, journaliste multimédia et artiste social qui a été poursuivi en vertu du règlement P-6, est plus complexe. «La judiciarisation de la dissidence qu'on observe depuis quelques années transporte de force la désobéissance civile de la rue aux tribunaux. Des milliers de personnes ont malgré tout choisi de défier les lois et règlements liberticides, au risque de s'exposer à des poursuites pénales souvent kafkaïennes. La lutte qui commence dans la rue se poursuit ainsi devant les tribunaux. C'est pourquoi plusieurs militants et militantes ont choisi de se servir des tribunaux non seulement pour se défendre, mais aussi pour contre-attaquer. Le but des ces militantes et des militants n'est pas tant d'être innocentés que de faire invalider les lois injustes qui permettent de maintenir un ordre illégitime.»

La contre-attaque s'est organisée à Montréal, notamment à l'initiative de personnes touchées par la judiciarisation, dont le militant Jaggi Singh. Leur clinique juridique décrit son approche dans le site outrageautribunal.net: «Notre but est de participer à la construction d’un rapport de force vis-à-vis du système judiciaire qui ne sera pas conjoncturel.»

Si la démocratie est une illusion, l'égalité face au système judiciaire l'est plus encore. Selon une personne engagée qui a préféré garder l'anonymat, s'exposer à la loi n'est pas à la portée de tous: «La désobéissance civile impliquant des arrestations quasi-volontaires s'assied sur des privilèges: les analyses de privilèges doivent être intégrées dans les cercles qui la pratiquent. Je jouis de nombreux privilèges, que je peux mettre au service des luttes de différentes façons, mais je suis consciente que certaines personnes n'ont pas ce choix. La vie et l'intégrité des personnes est très inégalement reconnue dans ce pays, et de par le monde.» Par ailleurs, souligne cette personne, la judiciarisation implique aussi «des enjeux de sécurité et de perte de libertés, donc de pouvoir d'action.»

C'est surtout le besoin d'efficacité qui a poussé Marc Fafard, militant de la Côte-Nord, à choisir la désobéissance civile. «Dans l'urgence, dit-il, le message devait être fort et immédiat.» Lors du blocus de la route 138 par les Innus contre le projet de Mine-Arnaud, illustre-t-il, «le message s'adressait au gouvernement du Québec. Ce dossier national imposait le choix d'une action à portée nationale». M. Fafard affirme que si les manifestations sans permis lors de visite de ministres lui ont rarement valu des rencontres avec ministres, il a «toujours eu une couverture médiatique comparable à celle de l'invité».

C'est toutefois un fragile équilibre, selon lui. «Les médias et l'autre gang vont dire que vous êtes des bandits. Cela peut démolir une réputation en un rien de temps, en plus de détourner l'attention de l'enjeu. Le respect populaire est primordial mais fragile. La personne devrait s'effacer devant la lutte collective, mais la loi vise les personnes, et il est difficile d'agir en groupe ou en cause quand on pose des actes illégaux.»

Pour Alyssa Symons-Belanger, une des trois militantes qui se sont enchaînées aux installations de Suncor l'automne dernier, la solution est dans la formation, dans l'organisation et dans la préparation. «Il faudra se pencher sur la question des lois qui nous permettent pas de nous défendre et rechercher d'autres outils créatifs pour poursuivre la lutte. C'est pour ça qu'il y a un gros travail d'éducation populaire et de formation à faire. Plus il y aura de gens formés pour comprendre comment on prépare des stratégies, comment on les applique et comment on fait de notre mieux pour se protéger des conséquences, plus les personnes seront aptes d'agir avec sens.»

«En occupant des lieux et des bâtiments, ou en contrevenant à la loi, nous participons à une mise en scène du monde tel qu'il pourrait être si les personnes étaient libres et si la société était véritablement démocratique, conclut Dru Oja Jay, militant pour la justice climatique et l'information indépendante. Ce faisant, nous mettons en évidence les forces – lois, bureaucratie et forces policières – qui empêchent l'avènement de ce monde.»

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Texte de l'ouvrage collectif
Sortir le Québec du pétrole (éditions Somme toute), co-publié simultanément le 22 avril 2015, Jour de la Terre, dans le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, avec hyperliens et références interactives (783.ensemble.coop).

Avr 012015
 

Veuillez noter que cet article, publié à l’occasion du premier avril 2015, est une fiction, tout comme plusieurs autres articles publiés dans les journaux ainsi que le veut la tradition. Au journal Ensemble, nous saisissons l’occasion pour utiliser exceptionnellement cette forme d’éditorial efficace et appréciée qu’est le canular. Les faits relatés n’ont donc pas eu lieu. Nous remercions les personnalités publiques réelles auxquelles le texte fait référence pour leur aimable compréhension.

Selon un courriel personnel dont Ensemble a obtenu copie, Pierre Karl Péladeau songerait à se retirer de la course à la direction du Parti québécois, à quelques semaines du scrutin. Le candidat, qui était en tête jusqu’à présent, évoque principalement des aspects stratégiques, mais aussi le fait qu’il n’aurait pas la «vocation» pour faire de la politique. Il craint par-dessus tout de nuire au projet d’indépendance du Québec. Il jonglerait avec l’idée de reporter ses appuis sur Martine Ouellet.

C’est dans une longue missive adressée par courriel à une amie de longue date (qui n’est pas à l’origine de la fuite et qui a requis l’anonymat) que Pierre Karl Péladeau se vide le cœur. «Je n’ai pas pu dire un mot de la campagne!», s’indigne-t-il. «Même mon nouveau personnel de communications m’enjoint de me la fermer, parce que je suis au sommet dans les sondages et que j’ai donc tout à perdre, explique le magnat de la presse, en ajoutant que ce silence forcé pourrait même durer jusqu’aux élections de 2018. C’est pas en se taisant comme ça qu’on va créer un mouvement fort pour l’indépendance!»

Il doute de son talent politique

«Mais les sondages, dans le fond, c’est une excuse, suggère-t-il. Je suis convaincu que la vraie raison pour laquelle mon entourage me fait taire, c’est qu’ils trouvent que je n’ai pas le talent nécessaire pour soulever les foules.» Le député de Saint-Jérôme rappelle à sa correspondante les nombreuses bourdes qu’il a commises depuis qu’il est entré dans l’arène, il y a plus d’un an. «J’ai toujours été un homme de l’ombre, souligne-t-il. Ma force, c’est prendre des décisions indiscutables et d’en informer mes exécutants, pas animer des débats de société.»

Il est vrai que l’actionnaire de contrôle de Québecor n’avait pas l’habitude de se faire remettre en question. «Je n’ai pas traversé quatorze lock-out pour me faire ridiculiser quotidiennement par les journalistes de Desmarais!», tonne-t-il.

Dimanche dernier, lors du débat, il a admis publiquement qu’il «ne croyait pas que la vie publique pouvait être aussi exigeante».

«J’avais plus d’influence à la tête de Québecor!»

«Parlons-en, des Desmarais, poursuit-il. Tandis qu’on me reproche de garder le contrôle de la moitié des médias du Québec tout en étant député, les Desmarais exercent un contrôle sur l’autre moitié, qu’ils vouent à la promotion du fédéralisme, sans avoir le moindre compte à rendre à qui que ce soit.»

Le difficile constat auquel arrive M. Péladeau, c’est que son entrée en politique était une mauvaise décision. «J’avais tellement plus d’influence à la tête de Québecor, se souvient-il avec nostalgie. Je pouvais décider du tournant dans la campagne électorale et de l’issue du scrutin en plaçant tout simplement une accolade entre Julie et Pauline en manchette de mes médias

Maintenant, regrette-t-il, «tout ce qui est publié par Québecor est considéré comme suspect en partant, et les Desmarais ont la mainmise sur l’opinion publique. Si ce n’est pas le cas, explique-moi pourquoi on a perdu l’an passé!» PKP va jusqu’à reconnaître avoir ruiné l’héritage stratégique de son père, qui avait «eu le courage de créer un empire médiatique pour faire face à celui des fédéralistes».

Il place ses espoirs en Martine

«Pendant qu’on me fait taire, il y a à côté de moi des candidats valeureux qui ont plein de belles choses à proposer, et ils restent dans l’ombre, lance-t-il avec dépit. Prends Martine, par exemple. Elle a une stratégie radicalement claire et efficace pour l’indépendance, mais aussi en santé, pour les transports, pour l’industrie, et tout en respectant l’environnement. Les médias parlent encore moins d’elle que des autres parce que c’est une femme, mais entre nous, j’ai beaucoup plus confiance en elle qu’en moi. Pourtant, c’est moi qui ai la puck et on me dit de tourner en rond entre les deux lignes bleues.»

Sa conclusion: «pour toutes ces raisons, je crois que pour moi, rester dans la course, c’est nuire au projet d’indépendance du Québec. Je serais mieux de m’en retourner diriger mes médias de masse et livrer la bataille décisive de l’opinion publique à ce poste en laissant aux autres les débats et les discours.»

Encore hésitant sur la décision qu’il prendra, il ne laisse pas beaucoup de doute à sa correspondante: «je me laisse le temps d’y penser, et d’avoir ton avis, mais à moins que je change d’idée, je ferai une annonce à cet effet mercredi prochain, le 1er avril.»

 

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Vous ne m’en voudrez pas, j’espère… Aujourd’hui, je n’ai pas couru le marathon devant la bannière de tête pour prendre et reprendre de l’avance sur le flot populaire. J’ai réussi à m’empêcher de grimper dangereusement sur le mobilier urbain pour saisir «la shot» de cette manifestation monstre contre l’austérité. Je n’ai pas interrogé les leaders sociaux tout en marchant et en gérant caméra et prise de son. J’ai demandé une photo à un collègue plutôt qu’en prendre une moi-même. Je n’ai pas fait de reportage vidéo à toute vitesse. Suis-je malade? Burnout? Est-ce que j’ai choké? Non, aujourd’hui, j’ai été un manifestant. Parce que l’austérité, nous les journalistes indépendants, on connaît ça. On la vit au quotidien.

En fait, le journalisme indépendant, c’est l’austérité. L’information, c’est un bien commun qu’on a complètement abandonné aux lois du marché. Ça donne une idée de ce que sera notre société après le démantèlement actuel. Alors j’ai marché en criant des slogans, brandissant mon kodak en guise de pancarte. Confidence: j’écris même ce texte d’avance, pour pouvoir jaser avec le monde pendant le retour en autobus, au lieu de faire du montage, de la rédaction ou du traitement photo.

Je ne serai pas ici de cette sainte et mythique «objectivité» à laquelle on vous a habitué de croire pour gober la communication de masse, alors que toutes les sciences humaines ont depuis longtemps renié ce concept. Je ne serai pas objectif, mais je serai honnête.

Le journalisme, c’est une institution démocratique. On l’appelle même parfois pompeusement le «4e pouvoir». Sommes-nous, comme le veut l’expression, les «chiens de garde de la démocratie»? Si oui, imaginez des chiens de garde qu’on ne nourrit pas, et qui doivent chasser leur pitance dans le voisinage en laissant souvent la maison sans surveillance. Le premier voleur venu leur pitche un steak et ils ne gardent plus grand chose, les chiens de garde.

Pour en savoir plus sur les conditions abjectes de pratique du journalisme indépendant, lisez notre dossier: on a fait le tour du Québec pour constater que le salaire minimum est encore un rêve lointain, que les ressources sont ridicules et que les menaces, la violence et l’intimidation à l’endroit des journalistes sont plus répandues qu’on le croirait.

Voulons-nous que ce soit la même chose pour les autres secteurs? Que laissera derrière-lui le démantèlement de la société civile auquel nous assistons? Garderies, services aux jeunes, services aux entreprises, gouvernements régionaux, ressources en culture et patrimoine, gouvernance locale et régionale en santé et en éducation, Solidarité rurale, cégeps, universités, municipalités, pactes ruraux et agents ruraux, Commissions scolaires, et la liste s’allonge… suivie d’une foule de nouveaux chômeurs en région.

Voulons-nous d’une société où il y aura des clients, des entreprises privées, et la police pour protéger ces dernières des premiers? Voulons-nous d’une société où les services essentiels seront payés par la publicité et la charité, pendant que nos impôts financent les multinationales?

Je vous donnerais bien, quand même, le nombre de personnes qui ont manifesté, car il sera coupé de moitié par les médias de masse, et ils trouveront même le moyen de dire que «c’est pas des gens de la place». Mais à quoi bon? C’est le Québec entier qui était dans la rue. Car l’austérité, c’est quelques personnes riches et puissantes qui s’attaquent au Québec entier.

Bon printemps!

PS: Pour dire vrai, j’ai tout de même pris plein de photos… je vous partage les 18 meilleures ici en exclusivité. Contribuez ou connectez-vous pour les voir. 🙂

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Nov 282014
 

Rien ne va plus pour TransCanada. 71% des Québécois et 60% des Cacounois s’opposent au projet d’oléoduc Énergie Est. Près de 350000$ ont été recueillis en quelques jours pour soutenir l’opposition au projet. Une fuite a révélé le plan de communications du projet, le gouvernement du Québec a posé sept conditions à la compagnie et maintenant les élus municipaux demandent l’arrêt des procédures. C’est dans ce contexte que la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son intention d’organiser un référendum sur ce projet, suscitant plusieurs questions du public lors de la dernière assemblée du conseil municipal.

Cacouna n'en est pas à son premier référendum sur un tel projet. En 2005, les citoyens de la couronne rurale, qui était alors une municipalité distincte (dite «paroisse»), s'étaient prononcés en faveur du projet Énergie Cacouna. La municipalité avait même payé la moitié des frais de l'exercice: 25000$. Le scrutin avait été entaché par des irrégularités en contravention de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

En entrevue avec Ensemble après la levée de la réunion du conseil, la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son refus de s'engager à limiter les dépenses d'un éventuel référendum sur le projet de port pétrolier
Vidéo: Nicolas Falcimaigne

C'est donc avec une certaine appréhension que les personnes présentes à l'assemblée du 10 novembre ont partagé leurs préoccupations. Le référendum sera-t-il «neutre»? Quelles mesures seront prises pour donner une chance égale aux deux options, le Oui et le Non, malgré l'avantage financier de la compagnie? Quel est le contenu du projet de protocole d'entente déposé par le conseil à la compagnie? Sera-t-il connu avant le référendum? Les résultats du référendum seront-ils pris en compte? Les Québécois d'autres régions touchées par le projets pourront-ils voter?

En Vidéo:
Voir la captation vidéo de l'assemblée (46 minutes)
Une exclusivité Ensemble

Pas de plafond de dépenses électorales

Lorsque le public a demandé de limiter les dépenses publicitaires de la compagnie, plusieurs échevins ont tourné ce principe en dérision: «On ne peut pas faire ça.» «Les Non aussi vont en faire de la publicité, ça va être donnant-donnant, ça va être d'un côté comme de l'autre.» «Mais il y a un côté qui a plus d'argent», a souligné une citoyenne. «Les gens jugeront et voteront selon leur conscience», a tranché la mairesse, refusant de s'engager à limiter les dépenses.

La limitation des dépenses électorales lors des référendums et des élections permet d'assurer l'égalité des chances entre les deux camps, et donc la légitimité du scrutin. Toutefois, «il n’y a pas de limite de dépenses électorales […] dans les municipalités de moins de 5000 habitants», indique le Directeur général des élections (DGE). La municipalité de Cacouna compte moins de 5000 habitants. C'est donc au conseil municipal de décider si ces dépenses seront limitées dans ce cas précis.

Une rencontre d'information avec spécialistes triés sur le volet

La mairesse s'est engagée à tenir une rencontre d'information publique avant le référendum, avec des spécialistes. Questionnée sur l'idée d'inviter l'écotoxicologue Émilien Pelletier à la rencontre d'information, elle a répondu que M. Pelletier avait déjà donné plusieurs conférences dans la région et que les spécialistes invités seraient plutôt «des personnes qui m'ont été référées et qui sont vraiment neutres».

Le jeudi 4 décembre prochain, de 16h à 20h, TransCanada tiendra une soirée «Portes ouvertes sur le projet Oléoduc Énergie Est», à la salle paroissiale de Cacouna. Lors de telles rencontres, le public peut discuter individuellement avec une équipe de communication déployée par la compagnie autour de kiosques thématiques. Cette formule utilisée par la compagnie depuis le début est décriée par plusieurs citoyens, qui souhaiteraient plutôt une assemblée avec questions et réponses publiques.

Protocole d'entente

C'est aussi lors de la réunion du 10 novembre que la mairesse Daris a annoncé le dépôt à la compagnie d'un projet de protocole d'entente dont le contenu ne peut être rendu public «parce qu'il est en négociation». Les termes de ce protocole d'entente tiennent compte des consultations faites auprès des citoyens, et sont «à prendre ou à laisser», affirme le conseil municipal, catégorique. Yvan Roy, citoyen cacounois et éditeur du journal local Épik, y décèle pour sa part une reprise de la stratégie référendaire utilisée par TransCanada pour le port méthanier en 2005.

«Si ce protocole a été préparé à huis clos, même avec des "notes" prises sur les demandes des citoyens, commente M. Roy, il est à souhaiter que la suite des choses n'ait pas le même huis clos et ne répète pas l'erreur du préréférendum 2005 où la compagnie avait mis sur la table de nombreux avantages et retombées, surtout pécuniaires, et où "l'entente" impliquait que la municipalité se prononce en faveur du projet et incite la population à voter aussi en faveur… Un huis clos qui débouche sur une telle entente financièrement alléchante mais conditionnelle à un Oui référendaire, et où le référendum lui-même est généreusement appuyé financièrement par la compagnie elle-même, est loin de respecter le libre choix des citoyens et la transparence dont on veut faire preuve.»

Captation vidéo de l'assemblée (46 minutes), une exclusivité Ensemble.