Déc 162009
 

Depuis quinze ans, les Éditions Trois-Pistoles relèvent le défi de publier en région des auteurs renommés et des ouvrages qui marquent l’histoire de la littérature au Québec, alliant grande qualité de forme à une impressionnante diversité de contenu. L’année 2009 marque également les quarante ans d’édition de Victor-Lévy Beaulieu. L’auteur, éditeur, polémiste, politique et indépendantiste souligne ces anniversaires par le lancement d’une série d’oeuvres maîtresses. Le dernier en date, Bibi, est un intense voyage initiatique qui révèle l’auteur sous un jour insoupçonné. Le Mouton NOIR s’est rendu au 31, route Nationale, aux Trois-Pistoles, pour en savoir plus.

Le texte a d'abord été publié à la Une du cahier culturel Champ Libre, dans Le Mouton NOIR

Le texte a d'abord été publié à la Une du cahier culturel Champ Libre, dans Le Mouton NOIR

L’éditeur engagé

Lorsqu’il fonde en 1994 les Éditions Trois-Pistoles, Victor-Lévy Beaulieu est déjà un éditeur d’expérience, qui a commencé sa carrière en 1969 aux Éditions du Jour. Fondateur des Éditions de L’Aurore en 1973 avec Léandre Bergeron, il crée en 1976 VLB Éditeur, une maison qui conservera son nom après sa revente à Jacques Lanctôt dans les années 1980. Il quitte ensuite Montréal pour s’établir en permanence aux Trois-Pistoles, afin de se consacrer exclusivement à sa passion première trop longtemps mise en veilleuse, l’écriture. Quelques années passent et la « passion d’éditer les mots des autres » revient le heurter de plein fouet, en même temps que la nécessité d’éditer son œuvre. Il crée donc en 1994 les Éditions Trois-Pistoles, à travers lesquelles il continue de se concentrer sur le créneau littéraire, les auteurs d’ici et la relève, sans compromis sur la qualité.

En quarante ans, Victor-Lévy Beaulieu aura publié pas moins de 1 200 ouvrages, tous de littérature québécoise. Aux Éditions Trois-Pistoles, 296 titres ont été publiés en quinze ans par près de 150 auteurs différents, issus de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, de la Beauce, de l’Estrie, de Trois-Rivières, de Québec, de Montréal, de l’Outaouais, de la Montérégie, de l’Abitibi et du Saguenay/Lac-Saint-Jean. Dans la boîte aux lettres de la maison aux cinq lucarnes s’empilent 300 à 350 nouveaux manuscrits par année, soit presque un nouveau par jour. Pour effectuer une sélection judicieuse de la précieuse vingtaine de titres en moyenne qui sortent des presses chaque année, Victor-Lévy Beaulieu s’est entouré d’André Morin, qui assure depuis neuf ans le suivi d’auteurs, la révision et l’organisation d’événements, ainsi que de Michel Leblond, qui s’est joint à l’équipe pour la promotion, la mise en marché et le soutien informatique.

Pour l’éditeur et son équipe, éditer en région est un acte militant, qui s’accompagne de contraintes parfois importantes quant à l’accès à certaines ressources humaines et matérielles, ainsi qu’aux médias nationaux. Toutefois, l’aventure en vaut la peine pour les retombées importantes et la visibilité qu’elle apporte à la région. Spécialisée en édition littéraire, la maison privilégie la littérature régionale en publiant des auteurs comme Renaud Longchamps ou Nicole Filion, mais touche également la littérature nationale, avec des écrivains bien établis et de nouveaux talents, tels Anick Fortin, Pierre Labrie ou Martin Thibault. Cette diversité place les Éditions Trois-Pistoles au rang des plus importantes maisons d’édition littéraire au Québec sur le plan littéraire. Ses collections de prestige, dont « Les Œuvres complètes de VLB », « Les Œuvres complètes de Renaud Longchamps », « Écrire » et « Contes, légendes et récits du Québec et d’ailleurs », suscitent l’intérêt des bibliophiles de toute la francophonie.

L’auteur qui ne laisse personne indifférent

Même aux Trois-Pistoles, la ville des histoires pas possibles, où l’on songe sérieusement à  créer un Festival de la chicane, Victor-Lévy Beaulieu détonne par ses coups de gueule et ses prises de bec. Régulièrement candidat aux élections à tous les paliers, le polémiste est connu pour ses opinions tranchées. Il ne rate aucune occasion de participer aux débats touchant le développement local, le sort des régions ou l’identité nationale. Au cours des dernières années, on aura retenu successivement son désaveu du Parti Québécois au profit de l’Action démocratique du Québec, puis du nouveau Parti Indépendantiste, dont il s’est finalement dissocié pour se présenter en tant que candidat indépendant et intépendantiste.

La publication de Bibi s’inscrit dans une série d’ouvrages introspectifs, fruits mûris pendant plus de trois décennies par cet auteur qui figure parmi les plus grands au Québec. James Joyce, La Grande Tribu, Bibi et L’Héritage (récemment revu et réédité), forment une série qui se conclura bientôt avec une dernière brique dont le titre de travail est Le Clan ultime. Bibi, intense quête identitaire qui porte une charge autobiographique évidente, transporte le lecteur aux quatre coins de la planète, jusqu’en Éthiopie.

Victor-Lévy Beaulieu parle de Bibi, son dernier ouvrage

Trois-Pistoles, trois auteurs, trois personnages

Les deux autres hommes de lettres derrière les Éditions Trois-Pistoles ne sont pas en reste. André  Morin, vétéran de la presse régionale, a livré cet automne le deuxième tome de Passion maisons. Après Le Bleu du ciel en 2005, Vu du large en 2006 et les deux tomes de cette série dont un troisième est en préparation, l’ancien journaliste s’attaque actuellement à un projet de roman, qui devrait voir le jour dans trois ans. Michel Leblond, conteur de la relève d’expérience, a pour sa part lancé en octobre La Cordeuse de bois. Cinq ans après Si Trois-Pistoles m’était conté et autres fariboles, ce deuxième recueil présente des histoires originales, issues de l’imaginaire débordant de l’auteur. Tous deux sont fermement ancrés sans le milieu culturel des Trois-Pistoles, dont ils sont originaires. Au fil de leurs implications multiples, dans des entreprises de presse et des organismes culturels, ils sont devenus des personnages à part entière de cette contrée rocambolesque.

Nov 142009
 

Monument de la presse régionale, André Morin est bien connu pour sa carrière au Courrier de Trois-Pistoles. Pendant de nombreuses années, il a informé les gens des Basques chaque semaine. Depuis 2005, c’est un tout autre genre qui l’occupe. Il publie cet automne son quatrième ouvrage, le deuxième tome de Passion maisons, en collaboration avec le photographe Christian Lamontagne.

Le texte devrait d'abord avoir été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Le texte devrait d'abord avoir été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

En 2005, André Morin a amorcé sa carrière littéraire avec Le Bleu du ciel, en lien avec le téléroman du même nom, par Victor-Lévy Beaulieu. Toutefois, c’est avec Vu du large en 2006 qu’il s’est révélé, dévoilant un style mythologique et pictural, où se côtoient différents niveaux de lecture et où se multiplient les personnifications accompagnant de riches allégories.

Ce style bien à lui, il l’investit dans le premier Passion maisons en 2007, en écho à la célèbre série télévisée présentée sur le canal Historia. À l’instar du magicien Alain Choquette, tête d’affiche de l’émission, André Morin fait apparaître des histoires à partir des gens qui ouvrent les portes de leur monde. Des histoires qui deviennent une fenêtre sur la région et sur l’histoire de la maison, mettant ainsi en perspective le patrimoine bâti. Ce deuxième tome ne fait pas exception.

« Créer des univers, j’adore ça »
, confie l’auteur. Par l’intégration de personnages fabuleux, André Morin nous entraîne dans une semi-réalité. Entre le réel et l’irréel naît une atmosphère de conte dans un récit qui n’en est pas un.

Cet univers est illustré par un travail photographique original, signé Christian Lamontagne. Ce photographe de la jeune génération, André Morin l’a rencontré pour Vu du large et il semble ne plus vouloir s’en séparer. Déjà impressionnant dans le premier tome, son art se fait cette fois plus audacieux, avec des angles plus larges et une utilisation judicieuse d’effets optiques parfois surprenants, créés à l’aide d’un objectif décentré. Ces perspectives inhabituelles, au risque d’être peu accessibles, n’en ravissent pas moins les lecteurs de tous horizons. « Les photos sont à couper le souffle », commente Dorothy Rioux, une lectrice de Trois-Pistoles.

Cette nouvelle carrière littéraire, André Morin l’accompagne d’un rôle clé aux Éditions Trois-Pistoles, où il assume maintenant le suivi des auteurs, la révision et l’organisation d’événements. Ce travail l’amène à accompagner dans leur démarche de création et de diffusion des auteurs variés, avec qui il a la chance de développer une relation de confiance très enrichissante, souligne-t-il.

Questionné sur sont avenir à moyen terme, l’auteur avoue avoir commencé un projet de roman bien à lui, pour lequel il se donne trois ans.

Passion maisons étant au départ une série télévisée, on ne se surprend pas des choix de sujets, dictés par les impératifs d’un autre médium. Les maisons sont pour la plupart des prouesses de restauration, derrière lesquelles se trouvent parfois des investissements impressionnants. Il y a là de quoi faire envie à bien des propriétaires passionnés qui n’ont pas les mêmes moyens. Une troisième édition étant en préparation pour 2010, il serait intéressant d’y retrouver des exemples plus accessibles. D’autre part, à l’heure de la révolution verte, pourquoi ne pas y intégrer des maisons écologiques actuelles conciliant fidélité patrimoniale et efficacité énergétique?

Nov 112009
 

Cet automne, les trois hommes de lettres qui œuvrent aux Éditions Trois-Pistoles se sont commis chacun dans une nouvelle publication. Victor Lévy Beaulieu, Michel Leblond et André Morin ont respectivement livré Bibi, La cordeuse de bois et le second tome de Passion maisons.

Victor-Lévy Beaulieu

Victor-Lévy Beaulieu

C’est une façon de célébrer le quinzième anniversaire de la maison d’édition, qui relève le défi de renouveler en région l’art de Gutenberg, à un niveau de qualité qui fait des envieux dans les plus grandes maisons d’édition. Lire la suite »

Oct 132009
 

« On peut pas toute avoir. »

Même le festivalier le mieux organisé, le plus préparé, le moins dormeur, le plus fêtard, le mieux véhiculé, ne pouvait espérer assister à tous les spectacles et à toutes les ambiances de cette treizième édition du Rendez-vous des Grandes Gueules. Il a fallu choisir.

On nous l’avait annoncé, un grand moment de ce bouquet de paroles était sans conteste le cabaret métallurgique des Hommes à scie, le samedi soir. On nous avait aussi préparé à un délice auditif, attendu le dimanche après-midi avec les Ceuzes-là. Dans les deux cas, le plaisir fut au rendez-vous, avec un certain vent de renouveau. Ambiances déconcertantes, groupes de conteurs, éléments multimédia. Le Rendez-vous s’épivarde et le conte se réinvente.

Michel Faubert parle de sa participation au Rendez-vous des Grandes Gueules:

Les Hommes à scie

Lorsque le traditionnel et patrimonial présentateur, Michel Leblond, quitte les planches, il laisse place à une ambiance inédite dans l’univers du conte québécois. Un homme de fer, implacable mine patibulaire, ouvre le bal d’un grincement lancinant. C’est Marc St-Pierre, métallurgiste et créateur des scies, interprète et accompagnateur technique sur scène. Présence grave et intense, il ne dira pas un mot. Une lumière découpée à la scie ronde fait apparaître les deux autres, ceux qui parleront. Simon Gauthier et Jean-Marc Massie nous transportent à bord de leurs paroles paraboliques, de l’invention du berce-eau à la naissance d’Isidore Beseau, en passant par l’homme au cerveau d’or et les rencontres croustillantes d’une carmélite et d’un curé-orignal.

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Par la force de leur verbe, Simon Gauthier et Jean-Marc Massie nous font toucher à la naissance comme personne ne l’a vécue, ils nous servent les éléments, les sentiments et les événements avec une texture plus vraie que nature. Le tout au son des scies. Des scies percutées, des scies à archet, des scies distortionnées sur mesure, mais aussi des chaînes, des tambours, des cloches, de l’harmonica, des vocalises et des verres de cristal, qui fracassent par leur délicatesse cet univers heavy-metal.

Par moments, les projecteurs se retournent vers la salle et, tel un encanteur, Simon Gauthier extirpe des spectateurs complices les mots qui serviront de base à une improvisation de haute voltige présentée en deuxième partie par Jean-Marc Massie. Que feriez-vous de vasectomie, fripouille, érosion, révolution, accouchement et sanguinaire ? Jean-Marc Massie jongle avec ces thèmes et nous livre une création impromptue qui rend ce moment plus unique encore qu’il ne l’était déjà. Du fantastique et du poétique, il passe à la critique sociale et au message politique, avec un humour bien placé qui ravit l’auditoire.

Benoît Rolland, l’homme de l’ombre, technique en coulisse, soutient de ses effets sonores le discours des deux conteurs. La prestation se termine sur une improvisation hendrixienne à la scie électrique, qui laisse les spectateurs sur une impression durable que le conte n’est plus ce qu’il était. En fait, l’a-t-il jamais été ?

On ne peut que s’étonner que cette symphonie sidérurgique n’ait été présentée à la Forge.

Les Hommes à scie en entrevue exclusive:

Les Ceuzes-là

Une longue histoire à tiroirs, ramenée du Caucase et assaisonnée des sept péchés capitaux, personnages inquiétants venus des enfers, a tenu en haleine une salle comble pendant un temps suspendu. Le Diable, dans une vision managériale de l’apocalypse, avait soigneusement planifié sa fin du monde, sans tenir compte de Badanek et de son village. Cette contrée incorruptible aux mœurs surprenantes, où l’on balance les vieux du haut d’une falaise, résiste encore et toujours aux pires tentations. En sauvant le monde menacé, les habitants du village nous livrent une vibrante morale qui devrait inspirer notre société quant au sort qu’elle réserve aux aînés.

Le quatuor accompagne son épopée de chants polyphoniques parfaits, colorés d’accordéon, d’harmonica, de mandoline, de scie à archet, de guitare, sans oublier la cuillère, la turlute et la podorythmie traditionnelles. Quelques décrochages contrôlés, apartés bien dosés, commentaires sur la société, créent une belle complicité avec le public, qui en redemande. Avec une gestion délicate du croustillant, les  conteurs savent tenir l’expectative à sa juste mesure. Leur présence à couper au couteau nous fait entrer dans le conte avec eux, jusque dans les entrailles de la trame narrative. La performance et le rythme compensent leur inégalité par une riche diversité et un texte extrêmement bien construit.

Nadine Walsh et Michel Faubert

Pour les petites et grandes oreilles qui se lèvent tôt le dimanche matin, il ne fallait pas manquer Nadine Walsh. Nous l’avons croisée au café des conteurs peu avant son départ. Elle nous parle d’un spectacle qui a ravi tous les âges. Autre regret, de n’avoir pu assister au spectacle de clôture présenté par Michel Faubert. Chants, extraits multimédia avec écrans et accompagnement musical ont agrémenté la performance de ce vétéran du festival. Selon Audrey Coulombe St-Amand, qui y a assisté, « Michel Faubert a offert une expérience nouvelle en intégrant des aspects sensoriels habituellement absents de l’univers du conte ».

Maurice Vaney, président du Rendez-vous, Nadine Walsh, les Ceuzes-là et Michel Faubert, partagent leurs impressions au café des conteurs, puis François Lavallée présente son spectacle à la Forge:

Les Hommes à scie seront à Montréal, au Lion d’or le 21 octobre, le 25 octobre au Cabaret du Roy et le 30 octobre au musée des religions de Nicolet.

Oct 092009
 

Cette semaine, le producteur et réalisateur Nicholas Kinsey et son équipe ont tourné sur les bords de la rivière des Trois-Pistoles des scènes du long métrage Firewatch, un drame familial qui devrait sortir dans les salles en 2011.

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

L’action se passe dans l’Ouest canadien, où le personnage principal, Susan, recherche sa mère disparue, qui est « fire-spotter » dans une région isolée. La scène que s’apprétaient à tourner les trois acteurs principaux, Kristin Wallace, Rise Ryan et Balak Motamed, est l’embarquement de la fille sur un bateau devant la mener à une île dans le Nord.

Le réalisateur confie avoir choisi la marina de Rivière Trois-Pistoles pour son côté rudimentaire et déserté, tandis que l’île en question sera l’île Verte, presque inhabitée dans le scénario. Une autre scène est à tourner plus haut sur la rivière des Trois-Pistoles, qui par sa géomorphologie encaissée rappelle les cours d’eau tumultueux des Rocheuses.

L’équipe, basée à Cabano, réalisera plusieurs tournages partout dans la région pour cette production Québec-Nouveau-Brunswick.

Oct 062009
 

Parmi les sept films de l’Office national du film et ses partenaires coproducteurs qui figurent au programme de la 38e édition du Festival du nouveau cinéma (à Montréal du 7 au 18 octobre), se distingue le nouveau long métrage documentaire de Sylvie Van Brabant. Ce documentaire positionne Trois-Pistoles et la région des Basques au front de la lutte pour un développement planétaire responsable. Il avait d’ailleurs été présenté en avant-première à Trois-Pistoles en juillet dernier.

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Le texte a d'abord été publié dans L'Horizon, presse coopérative des Basques

Il sera maintenant présenté en première mondiale dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma (FNC), le 14 octobre prochain à 19h au cinéma L’Impérial de Montréal.

Visionnaires planétaires (Rapide-blanc/ONF) est un long métrage documentaire présenté en première mondiale, qui relate la quête de Mikaël Rioux, un jeune militant préoccupé d’environnement et soucieux de l’héritage qu’il laissera à son fils. Il parcourt le monde à la recherche de solutions concrètes aux problèmes de notre planète et fait la rencontre d’hommes et de femmes d’exception à la tête de projets innovateurs, porteurs d’un avenir plus viable pour nos sociétés. Cette rencontre avec des « visionnaires planétaires » constitue un véritable guide de survie et nous insuffle un vent d’espoir.

Nov 042004
 

Alors que nous fêtons le quatrième centenaire du premier établissement en Acadie, la fondation de Port-Royal par le Sieur de Mons, il convient de tisser les liens qui s’imposent entre ce jalon d’histoire nationale & les fondements de notre histoire locale.

Le texte a d'abord été publié dans L'Écho des Basques, n°26

Le texte a d'abord été publié dans L'Écho des Basques, n°26

S’il faut d’emblée reconnaître que les Basques sont aussi absents de notre histoire nationale que Pierre du Gua de Mons, notons aussi qu’au niveau local, leur venue est souvent considérée comme un élément étranger à l’établissement des premiers colons pistolois. Pourtant, c’est à l’intersection de la fréquentation de l’Île-aux-Basques par les Basques & du rôle joué par Pierre du Gua de Mons en Nouvelle-France qu’apparaît clairement l’hypothèse la plus crédible à ce jour quant au nom même des Trois-Pistoles.

Sans prétendre apporter quelque nouveauté historique par des recherches approfondies, nous nous contenterons ici de mettre en lien les résultats des fouilles de la fin du siècle dernier à l’Île-aux-Basques, tels que mis en valeur au Parc de l’aventure basque en Amérique & les hypothèses se dégageant des travaux de J.-François Beaulieu déjà parus dans L’Écho des Basques (vol.2, n°1, pp. 34 à 42 & vol.4, n°1, pp. 57 & 58).

Comme chacun le sait, les Basques fréquentèrent l’Île-aux-Basques de 1584 à 1637, dates établies par les fouilles archéologiques. Ils y chassaient la baleine, comme en témoignent les vestiges de fours imposants encore visibles, mais c’est un tout autre commerce qui les attirait spécifiquement sur notre petite île. Celle-ci était précisément située au carrefour de deux routes commerciales naturelles, qu’empruntaient les nations amérindiennes. Les iroquoïens parcouraient le fleuve Saint-Laurent entre Hochelaga & Gaspé, tandis que les algonquiens utilisaient le fleuve Saint-Jean, la rivière Madawaska, le lac Témiscouata, la rivière des Trois-Pistoles & le Saguenay entre la Cadie & le Grand Nord. L’Île-aux-Basques était donc l’endroit tout désigné pour traiter avec le plus grand nombre de groupes amérindiens, qui amenaient chacun leur lot de fourrures.

À la fin du XVIe siècle, les Basques avaient donc trouvé ici une façon de diversifier leurs activités, réduisant d’autant leurs risques de rentrer bredouilles au pays. En plus de chasser la baleine, ils échangeaient divers objets de métal & de verroterie  contre des fourrures de castor dont le fin duvet servait à la confection de chapeaux de feutre très prisés en Europe. Bien vite, ce commerce prit une place importante dans la rentabilité de leurs expéditions, tout en établissant une relation d’affaires, d’amitié et de partenariat entre un peuple européen et des nations amérindiennes, phénomène inusité dans l’histoire de l’Amérique. Les liens entre Basques et Amérindiens furent si étroits que plusieurs mots apparurent d’un métissage entre l’euskara, langue des Basques et les dialectes amérindiens de l’estuaire. Si bien qu’un capitaine basque, Micheau de Hoyarsabal, n’hésita pas à renvoyer son navire au pays et à rester seul avec les Amérindiens pour poursuivre la traite pendant tout l’hiver 1587.

Or, en 1599, le roi de France accorda le monopole de la traite des fourrures en Nouvelle-France à une seule compagnie. Les Basques qui ne cessèrent pas leurs activités pelletières devinrent donc des contrebandiers, hors-la-loi contre qui s’exerçait le monopole très convoité par les commerçants & explorateurs français. Ce privilège fut accordé à Pierre du Gua de Mons en 1608. Il nomma alors Samuel de Champlain son lieutenant particulier & leur compagnie fit, entre autres, la guerre aux Basques installés sur l’Île-aux-Basques, pour l’accès aux pelleteries qui se transigeaient à l’embouchure de la rivière des Trois-Pistoles.

C’est lors d’une telle expédition que, selon une légende, un matelot aurait échappé son gobelet dans la rivière, s’écriant «Trois pistoles de perdues!». C’est à cet événement fâcheux que l’on attribue généralement l’origine du nom de Trois-Pistoles. Toutefois, comme nous le verrons, un autre élément est à considérer dans l’explication de ce toponyme.

Extrait de la carte de Jean Guérard (1631), déjà parue dans L'Écho des Basques, vol. 4 n°1, 1983

Extrait de la carte de Jean Guérard (1631), déjà parue dans L'Écho des Basques, vol. 4 n°1, 1983

Au grand dam de Champlain & de Mons, les Basques n’étaient pas les seuls à leur disputer l’accès à notre petite rivière. Sur l’Île-aux-Pommes & sur l’Île-Verte étaient retranchés des Rochelais, entre autres, aussi illégaux que les Basques quant au monopole accordé par le roi. Les vaisseaux de la compagnie titulaire du monopole devaient donc livrer bataille trois fois avant d’atteindre la rivière, qu’une carte de 1631 nomme pour la première fois «R. de 3 Pistolets».

De là à conclure que le nom de Trois-Pistoles vient de l’obligation de croiser trois fois le pistolet pour atteindre l’embouchure de la rivière, il n’y a qu’un pas. Pour le franchir, il faudra d’autres recherches mettant au jour des documents additionnels. Même si les écrits de J.-François Beaulieu contestent la vraisemblance historique de la légende du gobelet échappé telle que rapportée par Charles-A. Gauvreau & Mathias D’Amours, les deux explications restent plausibles jusqu’à nouvel ordre. Peut-être est-ce même la conjugaison des deux faits qui a solidement ancré le toponyme à notre rivière &, plus tard, à notre ville.

Que l’une ou l’autre des hypothèses soit retenue, ou même les deux, il reste à se demander quelles ont pu être les conséquences de l’appropriation de ce nom, tiré des vocabulaires martial et/ou monétaire, sur le développement de dynamiques sociales, économiques, politiques & culturelles bien spécifiques aux Trois-Pistoles.